Justice et forces de l’ordre : la condamnation de trop ?

Olivier Damien
Docteur en droit – Commissaire divisionnaire honoraire – Ancien secrétaire
général du syndicat des commissaires de police

Voilà une nouvelle décision de justice qui ne risque pas de participer à l’amélioration des
relations entre l’institution judiciaire et les forces de l’ordre.
Ainsi que le rapporte l’Essor, le journal de la gendarmerie nationale, un gendarme de 53 ans a été condamné ce mercredi 3 octobre, à 3 mois de prison avec sursis, 6 mois d’interdiction d’exercer sa profession et inscription de la dite condamnation au bulletin n°2 de son casier judiciaire.

L’adjudant-chef dont il est question, comparaissait en effet devant le tribunal correctionnel de Charleville-Mézières, pour avoir giflé un mineur qui s’en était pris son épouse.

À noter que les représentants de « la victime » n’ont pas estimé nécessaire de se porter partie civile à l’occasion de ce procès. C’est dire l’importance qu’eux mêmes attachent à ce fait divers qui, pourtant, est tout a fait révélateur de la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui.
À une époque où plus que jamais notre jeunesse est en perte de repères. Et où même le
président de la République estime utile et pertinent de s’afficher aux yeux du monde avec
des racailles, des hommes et des femmes font le choix de s’exposer jours et nuits,
dimanches et jours fériés afin de tenter de maintenir un ordre public minimum pour que
notre pays ne sombre pas dans le chaos.

Ces serviteurs de la République, qu’ils soient gendarmes, policiers, pompiers ou appartenant aux services de secours paient, chaque année, un lourd tribu. Le nombre de tués et de blessés dans leurs rangs se comptant par centaines. Ce travail, ils le font avec dévouement. Ils sacrifient souvent leur propre vie de famille pour répondre aux exigences de missions de plus en plus difficiles et dangereuses.
Mais parfois aussi, sous l’emprise de la colère, de la fatigue, du stress ou de la peur, ils
peuvent se fourvoyer et sortir du cadre légal qui leur est assigné. Mais pour eux, qui ne sont ni président de la République, ni ministre, ni élu, ni caïd médiatique, ni star du showbusiness, il n’y aura pas de pardon. Pas de tolérance. Et pour cela on pourra toujours
compter sur quelques magistrats qui, du fond de leur fauteuil, sauront exiger une sanction exemplaire à l’encontre du fautif.
La décision du tribunal correctionnel de Charleville-Mézières est tout à fait symptomatique du décalage qui existe désormais entre la justice et les forces de l’ordre. Elle est également révélatrice de ce même décalage qui s’est installé dans notre société, et du renversement total des valeurs qui affecte maintenant les relations inter-individuelles dans notre pays.
Aurait-on pu imaginer, il n’y a pas si longtemps, un gendarme être mis au ban de la société pour avoir voulu défendre son épouse des agissements d’un gamin dont l’éducation laisse manifestement à désirer ?

Aurait-on envisagé de créer, au sein des écoles, des unités d’intervention tant les enseignants sont complètement dépassés par une violence qui devient endémique ?

Aurait-on vu, au plus au niveau, une classe politique se donner en spectacle, et fouler aux pieds les valeurs de la République dont le peuple lui a donné la garde ?
Alors continuons comme ça. Condamnons les gendarmes et les policiers pour des vétilles.
Sanctionnons les quelques enseignants et agents de l’État qui assument encore leurs
responsabilités. Encourageons, en les élisant et les réélisant, les politiques, dans la voie de la médiocrité et du déshonneur. Et sous peu, notre pays sera à ramasser dans la fange.

Reste à espérer que d’ici là, ceux qui ont notre sécurité entres leurs mains n’auront pas
définitivement baissé les bras.

Olivier Damien

bandeau-Asso-APG-1024x91Merci à Monsieur Olivier Damien pour cet écrit plein de sagesse et de vérités, qui représente ce que pensent la majorité des personnels membres des Forces de l’Ordre et en particulier des Gendarmes.

 

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