« Jusqu’à la fin Beltrame a eu l’espoir de raisonner le terroriste »

Une source proche du dossier décrit les derniers moments du lieutenant-colonel Beltrame et la raison pour laquelle il a pris la décision, seul, de se proposer en substitution à une otage.

Qu’est-ce qui vous le plus marqué dans les heures qui suivent le drame ?

J’étais présent dans le couloir, à l’hôpital de Trèbes (Aude), avec une quinzaine de gendarmes qui veillaient le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame. Ils étaient encore en tenue… Ils revenaient directement du site d’intervention. Ce qui m’a beaucoup ému, c’est la conscience qu’Arnaud Beltrame est mort dans le cadre son engagement pour la patrie. Il a assumé un acte sacrificiel et héroïque qui correspond à la mission de la gendarmerie.

Mais les gendarmes ne sont pas formés pour éviter une tuerie de masse orchestrée par un terroriste ?

Il y a quelques années en effet cette histoire n’aurait pas pu avoir lieu. Les gendarmes avaient d’abord pour mission de sécuriser le site avec du rubalise (un ruban jaune qui délimite une zone interdite). Ils attendaient ensuite l’arrivée du GIGN. Désormais une autre stratégie s’est mise en place suite aux attentats de Nice et du Bataclan. On n’attend plus l’arrivée des forces spéciales. Il y a une volonté délibérée de donner la priorité aux « primo intervenants ». En clair, les unités locales de gendarmes sont désormais formées (peloton d’intervention rapide) pour intervenir en cas de tuerie de masse. Elles sont équipées avec des casques lourds, des gilets spéciaux et des fusils automatiques pour faire face à des attaques terroristes. C’était le cas le 23 mars au supermarché de Trèbes. Il  existe aussi une présence du GIGN et du RAID au niveau départemental pour raccourcir les délais d’intervention.

Est-il courant qu’un gendarme opère une substitution avec une otage ?

Non. Quand un négociateur du GIGN entre en contact avec un preneur d’otages, on n’envisage quasiment jamais l’hypothèse d’une substitution. Un membre des forces de l’ordre n’a pas vocation à prendre la place d’un otage ou plusieurs otages. Dans le cas du lieutenant-colonel Beltrame, il a pris sa décision seul. En son âme et conscience. Il n’a pas attendu l’arrivée du GIGN. Son objectif était clairement d’éviter une tuerie de masse qui pouvait survenir à tout moment. Il a dû se dire « j’y vais » … après avoir pesé tous les risques. Il a proposé au terroriste quelque chose de simple du genre : « prends-moi à sa place ». Il faut bien comprendre que ce geste a permis ensuite de sauver la vie de beaucoup de personnes. Pendant que Beltrame dialoguait avec le terroriste, les gendarmes ont pu évacuer la plupart des otages. Il avait pris soin de laisser son téléphone allumé (à l’insu de l’agresseur) ce qui a permis aux services d’en savoir plus sur l’intention du terroriste et son identité. L’enquête a commencé immédiatement, ce qui est très précieux. Comprenez que c’est plus facile pour le GIGN d’avoir un gendarme en otage à l’intérieur. Jusqu’à la fin, Beltrame a sans doute eu l’espoir de raisonner le terroriste… Son opération n’était pas suicidaire. Mais les tirs contre Beltrame ont provoqué l’irruption du GIGN et la neutralisation de l’agresseur de Daech.

Propos recueillis par Samuel Pruvot.

Source : Famille Chrétienne

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