« J’ai deux gamins. Je vais disjoncter l’antenne. On veut vivre nous aussi »

Par Nicolas Defay jeu 18/08/2022

Beaucoup de gens unis autour de la famille d’éleveur du Gaec du Coupet. Photo par Nicolas Defay

Un jour après la décision du Conseil d’État ordonnant à ne pas couper l’antenne 4G à Mazeyrat d’Allier, les éleveurs du Gaec du Coupet l’ont eux-même neutralisée. À bout de souffle, à bout de vie, ce geste de désespoir a été accompagné par une cinquantaine d’habitants et d’agriculteurs.

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C’est une véritable bataille qui s’est jouée et se joue encore sur les hauteurs de Mazeyrat d’Allier. Bataille économique contre une bataille humaine. Puissants lobbys contre une simple famille. Pot en acier trempé contre un pot de terre cuite. Au bout de 13 mois ponctués de hauts et de bas, de pleurs et de souffles, d’interviews en interviews, d’audiences dans les tribunaux, 13 mois de cadavres, de vaches aveugles, de veaux prostrés, d’animaux à l’agonie…le geste de Frédéric Salgues, soutenu par ses proches, ses amis, ses voisins, ses confrères, résonne comme un véritable cri de désespoir, de colère et de survie.

L'affluence devant le relais soupçonné d'être à l'origine de l'hécatombe.
L’affluence devant le relais soupçonné d’être à l’origine de l’hécatombe. Photo par Nicolas Defay

« Ce n’est pas lui qui a coupé l’antenne, c’est nous tous ! »

Ce vendredi 18 août, au lendemain des conclusions du Conseil d’État qui casse l’ordonnance du 13 mai du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, jugement qui exigeait l’arrêt de l’antenne 4G pour une durée de 2 mois à partir du 23 août, l’éleveur et père de famille a mis sur off le disjoncteur du relais. « Aujourd’hui, on en a tous ras-le-bol, lance-t-il, la voix tremblante, devant l’attroupement rassemblé devant lui. J’ai deux gamins. Je vais disjoncter l’antenne. Ça a assez duré ».

À coté du relais soupçonné d’être à l’origine des graves nuisances sur son cheptel, il ajoute simplement : « On veut vivre nous aussi ».

Quelques secondes se passent alors quand une personne intervient. « Je veux dire quelque chose ! C’est nous tous qui disjonctons l’antenne. C’est tout le monde qui disjoncte. On se met tous avec ! » Les gens présents grimpent alors le fossé pour entourer Frédéric Salgues et ajouter ainsi leur visage à l’action. « Ce n’est pas lui qui a coupé l’antenne, c’est nous tous !, insiste l’un deux. Nous sommes tous avec lui ! »

« On a tout perdu. On ne peut plus tenir. Financièrement, c’est catastrophique. Moralement, on en peut plus. Faire vivre ça à nos enfants, c’est juste horrible. Là, on va la couper nous-même et on attendra que quelqu’un vienne voir ». Géraldine Salgues

Présents, les gendarmes ne se sont pas opposés à l'intervention sur le disjoncteur.
Présents, les gendarmes ne se sont pas opposés à l’intervention sur le disjoncteur. Photo par Nicolas Defay

Les opérateurs téléphoniques et le gouvernement, grands gagnants

Dans 5 jours, l’antenne devait être arrêtée par une décision de justice datée du 23 mai pour vérifier si oui ou non elle était la cause du mal. Le 10 août, après que les 4 opérateurs téléphoniques aient fait appel de cette ordonnance, le rapporteur public s’est opposé à l’arrêt des émissions, stipulant une erreur de procédure judiciaire. Le 17 août, le couperet tombe. Le Conseil d’État suit l’analyse du rapporteur public. Les 4 opérateurs, ainsi que le Ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, ont alors gain de cause.

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« Mis à part un impact financier, je ne vois pas pourquoi ils s’y opposent tant »

« On laisse mourir des vaches, on laisse mourir une famille et tout le monde s’en fout, souffle Géraldine Salgues. Le tribunal administratif était de notre côté car ils avaient pris conscience d’un réel soucis. Les quatre opérateurs ne veulent pas couper l’antenne alors que le réseau marchait très bien avant qu’ils l’installent. Mis à part un impact financier, je ne vois pas pourquoi ils s’y opposent tant ».

Elle ajoute : « Quand elle est coupée pour maintenance, les vaches vont nettement mieux. Elles vont manger au cornadis, elles boivent, elles se chamaillent. Elles retrouvent un comportement normal ».

« Mon avenir ? Je l’envisage au jour le jour. Je ne peux plus me projeter maintenant. Je n’ai même pas les mots pour décrire ce qui nous arrive. Pour moi, arrêter l’antenne de force est la dernière solution ». Nathan Salgues

Une vingtaine de vaches et 30 veaux sont morts de façon inexpliquée en un an.
Une vingtaine de vaches et 30 veaux sont morts de façon inexpliquée en un an. Photo par Nicolas Defay

« Regardez comment elles vont à présent ! Regardez comment elles vivent ! »

« J’ai eu mon bac cette année et j’en suis fier, partage Nathan Salgues, l’un des deux enfants de la famille. Mais j’avais l’objectif de m’installer ici. À présent c’est compromis. Le plus dur c’est que nous sommes persuadés que c’est l’antenne le problème. Et les opérateurs téléphoniques savent très bien pourquoi ils ne veulent pas la couper. Parce qu’ils auront d’autres problèmes ailleurs ».

Si les animaux restaient effectivement serrés contre les parois de la ferme avant que l’opération ne soit effectuée, les bêtes ont semblé reprendre consistance aussitôt le relais neutralisé. « Regardez comment elles vont à présent !, montre Géraldine Salgues. Regardez comment elles vivent ! Elles se sont toutes approchées des barrières, chose qu’elles ne font jamais quand l’antenne est en marche ».

« Depuis le début de cette affaire, force est de constater que malgré tous les efforts de chacun, malgré avoir interpellé le Préfet, le Ministre du numérique, le Ministre de l’économie, tous témoignent d’un profond déni sur le sujet. » Claude Font, FDSEA

Frédéric Salgues devant les caméras. Les médias nationaux se penchent sur l'affaire.
Frédéric Salgues devant les caméras. Les médias nationaux se penchent sur l’affaire. Photo par Nicolas Defay

« Si on ne cautionne pas le geste, nous le comprenons »

Claude Font, président de la FDSEA, est aussi sur place avec la Directrice du syndicat Anne Rogues et Nicolas Merle, Président des Jeunes Agriculteurs. « Nous sommes là pour défendre et accompagner les éleveurs du Gaec du Coupet, s’exprime-t-il. Si on ne cautionne pas le geste, nous le comprenons. »

Il termine en ces mots : « Et qu’on ne me parle pas du Bien Être Animal ! Le Gaec du Coupet subit des pertes innombrables sûrement dues au dysfonctionnement de l’antenne. Nous ne sommes pas contre le déploiement des relais. Mais ce que nous voulions savoir tout simplement et de façon légale c’était si, oui ou non, l’antenne était incriminée dans les nuisances à l’œuvre dans ce Gaec en très grave souffrance ! »

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Source : Zoomdici

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