Il y a dix ans, l’embuscade d’Uzbin traumatisait l’armée française

VIDÉO. Pris sous un feu croisé, à cinq contre un, 10 soldats étaient morts et 21 autres avaient été blessés dans une vallée d’Afghanistan.

Par et Emmanuel Durget

VIDÉO. Pris sous un feu croisé, à cinq contre un, 10 soldats étaient morts et 21 autres avaient été blessés dans une vallée d’Afghanistan.
Par et Emmanuel Durget

Afghanistan, 18 août 2008, dans la vallée d’Uzbin : une patrouille française tombe dans une embuscade des talibans. Parfaitement informés et préparés, les combattants encerclent sur les crêtes une section partie à pied reconnaître un col, laissant ses transports blindés à l’entrée d’un village en contrebas. Immobilisés, fixés sur une position intenable, dix soldats français sont tués et vingt et un autres blessés, générant une prise de conscience nationale : la France est bien en guerre à l’étranger, à 5 000 kilomètres de la métropole, sous les drapeaux de l’Otan.

Les récits sont traumatisants : certains blessés auraient été achevés par les talibans, des informations que l’état-major refuse de commenter. La presse évoque un repli des Français qui pouvaient encore marcher, mais n’avaient plus de munitions pour tenir leur position. Des témoignages parlent d’échanges radio et d’appels à l’aide… qui s’interrompent brutalement. «  Ça tapait tout le temps, on était obligés de subir l’adversaire  », raconte un survivant de l’attaque. «  Il vaut mieux s’en mettre une que se faire prendre ou tuer par l’ennemi  », se souvient un autre, qui avait mis une balle dans la poche de son treillis pour pouvoir l’utiliser «  pour lui  ». Il faudra des centaines d’hommes en renfort et l’appui des avions et hélicoptères américains et français pour renverser la situation.

Polémiques et justice

Quelques jours après l’attaque, Paris Match publie des photos des combattants talibans qui ont mené l’attaque : certains portent les équipements de soldats français tués. «  Si la nuit n’était pas tombée, nous les aurions tous tués  », commente alors un taliban. Passé le choc, la polémique enfle immédiatement : les soldats n’auraient pas été suffisamment équipés et préparés, le trajet pas suffisamment reconnu et les soutiens aérien et d’artillerie pas anticipés. Certains s’émeuvent du jeune âge des militaires décédés, oubliant que les soldats tués au combat sont (presque) toujours jeunes.

Depuis, malgré une décennie passée, le traumatisme reste vivace : la plainte de certaines familles des soldats tués a été classée sans suite, et les tentatives d’enquêtes parlementaires ont été enterrées. Il a fallu attendre 2012 pour voir l’ouverture d’une enquête judiciaire, toujours en cours. Entre les responsabilités des chefs sur place et en métropole, et les impératifs des missions de guerre, il sera difficile d’y voir clair sur un plan légal. Seule certitude, dans les faits : les méthodes et les équipements des armées ont été revus en urgence après 2008, et des requêtes que les militaires avaient formulées depuis plusieurs années ont enfin été entendues.

Dix noms

En marge du défilé du 14 juillet 2018, nous avons interrogé un pilote de Caracal de l’escadron d’hélicoptères 1/67 Pyrénées. C’est cette unité de l’armée de l’air qui a apporté avec ses hélicoptères lourds un soutien crucial aux sections de l’armée de terre (8e RPIMA, RMT et 2e REP) prises sous le feu. Il n’était pas à Uzbin le 18 août 2008, mais explique comment l’embuscade reste dans les mémoires et a entraîné des changements visibles depuis dix ans.

Au-delà des récits, des polémiques ou des enquêtes, restent dix noms : caporal Mélam Baouma, 22 ans, sergent Damien Buil, 31 ans, caporal Kevin Chassaing, 19 ans, adjudant Sébastien Devez, 29 ans, caporal Damien Gaillet, 20 ans, sergent Nicolas Grégoire, 25 ans, caporal Julien Le Pahun, 19 ans, sergent Rodolphe Penon, 40 ans, caporal Anthony Rivière, 22 ans, caporal Alexis Taani, 20 ans.

Pour aller plus loin : le documentaire L’Embuscade, de Jérôme Fritel (à revoir sur le site de France 2, produit par Brother Films, voir extraits dans notre vidéo), retrace cette journée tragique, tout comme un épisode de l’émission Affaires sensibles, à réécouter sur le site de France Inter.

Source : Le Point

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