Général Soubelet : «Face à la menace, l’urgence est de réapprendre à penser»

Gal Soubelet

  • Par  Bertrand Soubelet
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FIGAROVOX/OPINION – Quel point commun entre le Plan Borloo sur les banlieues, les propos de Donald Trump sur les attentats de Paris ou encore l’attaque du quartier de l’Opéra ? Pour Bertrand Soubelet, sur tous ces sujets, la pensée dominante étouffe la réflexion et empêche d’être lucide.

 


Général de corps d’armée, ex-numéro trois de la gendarmerie nationale, Bertrand Soubelet est l’auteur de Tout ce qu’il ne faut pas dire (Plon), ouvrage sans concessions sur la situation de la France, et Sans autorité, quelle liberté? (éd. de l’Observatoire).


La pensée dominante et le «politiquement correct» continuent d’être à l’œuvre dans notre France.

Les discours convenus et les réactions complaisantes ou stéréotypées sont devenus la règle, et penser autrement entraîne des déclarations indignées et déconnectées de la réalité.

Le consensus permanent en matière de pensée m’a toujours effrayé, car il est synonyme de faiblesse et d’abandon. Il encourage, par confort ou par lâcheté, à renoncer au meilleur des possibles issus de la diversité des idées.

Mais s’aligner sur la pensée dominante demeure une solution de facilité qui peut se concevoir…

Or, quotidiennement, cette pensée nous aveugle, nous paralyse et baigne notre pays dans un climat d’acceptation et de passivité.

Les illustrations sont fréquentes et au moins deux d’entre elles méritent notre attention.

L’une des plus récentes concerne la remise au Premier ministre du plan Borloo qui a suscité des commentaires lénifiants. L’analyse de Malek Boutih, à contre-courant, était en revanche documentée et sérieuse, ce qui prouve que le bon sens existe encore.

Les 19 programmes du plan, dont la pertinence n’est pas toujours avérée, ne pourront jamais être réellement mis en œuvre si la sécurité n’est pas assurée au quotidien dans ces quartiers. En particulier dans les 60 quartiers en «risque de fracture» et les 15 en «risque de rupture», expressions qui relèvent de l’euphémisme. Cette condition constitue le socle de l’action de l’État pour que les principes républicains retrouvent leur place dans ces territoires oubliés.

Le programme 13: «Agir fermement pour la sécurité et la justice» est un condensé de recettes qui n’ont pas d’intérêt majeur pour transformer véritablement la vie quotidienne.

Pour que les habitants de ces quartiers retrouvent l’espoir et l’envie de France, il faut avant tout restaurer l’ordre et la sécurité de manière totale et pérenne. Ce programme dont j’ai déjà donné un aperçu dans ces mêmes colonnes doit passer par trois axes principaux:

1) Lutter contre l’économie souterraine et les trafics qui gangrènent le tissu social ;

2) Combattre le communautarisme, les propos et les comportements des islamistes ;

3) Prendre des mesures concrètes pour éloigner durablement de ces quartiers les individus dangereux.

À partir de là, tout sera possible, car les idées généreuses ne peuvent être mises en œuvre que dans une société respectueuse de l’ordre et de l’autorité.

Tout cela relève du bon sens qui n’a malheureusement plus beaucoup droit de cité dans la «pensée publique».

Deuxième illustration: il y a quelques jours, le président des États-Unis a évoqué les attentats de novembre 2015. Il l’a fait à sa manière, c’est-à-dire de façon outrancière, en ignorant le minimum de respect dû aux victimes et en prônant la libre circulation des armes dans notre pays. Cela n’est pas notre culture, même si beaucoup de Français ignorent l’arsenal qui dort dans certaines caves.

Mais passé ce moment d’indignation orchestrée, reprenons nos esprits: le constat de Donald Trump s’impose. S’il y avait eu des personnes armées dans la salle du Bataclan et sur les terrasses des restaurants ce soir du 13 novembre 2015, les conséquences auraient été différentes. D’ailleurs le «valeureux commissaire de la BAC» cité par la commission parlementaire, ce héros dont on n’a pas assez parlé, qui a eu le courage d’entrer dans la salle et a fait feu, a permis de modifier le cours des événements.

En France, la présence discrète de personnes armées dans les lieux publics doit devenir la norme. Mais pas n’importe qui. Des gendarmes et des policiers, en service ou pas, des militaires d’active ou retraités, des réservistes, en clair des personnes dont on est sûrs de l’entraînement et de la maîtrise des armes.

Soyons lucides. En matière de détention et de port d’arme, la législation française cultive les paradoxes. En voici deux.

Dans notre pays il est admis que des étrangers soient armés pour protéger leurs autorités (USA et Israël notamment) mais on ne permet pas que des professionnels dont c’est le métier de porter des armes et de s’en servir puissent, sur volontariat, protéger les Français en toutes circonstances.

Pire! En France, des gendarmes et des policiers se voient refuser l’accès à des lieux publics par des salariés de sociétés de sécurité privée au motif qu’ils sont armés.

Rappelons-nous également qu’il y a quelques mois, un individu fiché S bénéficiait d’une autorisation de détention pour trois armes de poing… ce qui a abouti sur l’attaque du fourgon de gendarmerie le 19 juin 2017 sur les Champs-Élysées.

Dans ces conditions, qui peut prétendre que la sécurité des Français est assurée en tous lieux?

Il faut nous réveiller et reprendre l’initiative sur la maîtrise des espaces publics: l’augmentation du nombre de personnes légitimement armées peut éviter des attentats car la riposte immédiate modifie toujours le comportement des assaillants.

C’est le constat de tous les pays qui connaissent régulièrement des actions terroristes.

Le dernier attentat aux abords de l’Opéra le samedi 12 mai confirme cette règle évidente.

Même si l’intervention des policiers a été extrêmement rapide et efficace, une réaction immédiate d’une personne armée sur place aurait peut-être permis de limiter les conséquences de cet acte odieux.

Il est donc urgent de revoir la législation sur les armes, d’élargir les possibilités de port et de détention pour des personnes fiables, et de sortir de cette peur irraisonnée des armes à feu en défendant la théorie du «risque zéro».

Entre la libre circulation pratiquée aux États-Unis et la politique de l’autruche de notre pays entretenue par des intellectuels frileux et souvent à l’abri de tout, il existe une posture intelligente et adaptée à notre situation intérieure actuelle.

En réalité, pour répondre aux défis qui se présentent, nous n’avons qu’un seul choix possible: ne pas rester campés sur nos schémas de pensée et toujours choisir le bon sens et le pragmatisme.

Et surtout admettre la vérité. Comment expliquer le silence de la sphère publique lorsqu’un ministre de la République, Marlène Schiappa, est empêchée d’entrer dans un café à Trappes pour des motifs religieux ou lorsque Robert Ménard, le maire de Béziers, est physiquement malmené à Saint André de Cubzac.

Je n’ai décidément aucun goût pour «la pensée autorisée», mais a-t-on encore le droit de le dire?

Source : Le Figaro

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