Entreprise Photonis: vers un « Alstom bis »?

En dépit des promesses de réarmement industriel, le gouvernement est en passe d’autoriser la vente de Photonis, une entreprise française, à un groupe américain. Une décision qui risque d’entamer un peu plus notre souveraineté économique et militaire.

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En pleine crise sanitaire liée au Covid-19, le président de la République française décrétait avoir changé et entamé une inflexion sur les questions de souverainisme. On pouvait légitimement penser alors que les vieux réflexes de cession d’entreprises stratégiques liées à l’indépendance de la France cesseraient. Cet espoir fut de courte durée, au grand malheur de Photonis.

Cette entreprise est le principal fabricant d’enregistreurs d’optique, notamment de lunettes de vision nocturne pour l’armée française, mais pas seulement. Elle fournit grand nombre d’armées étrangères comme l’armée américaine ou les forces alliées de l’OTAN.

Cette entreprise, fleuron de notre industrie, est sur le point de passer sous pavillon étranger. Le fonds d’investissements Ardian, propriétaire actuel du groupe Photonis, a décidé en septembre 2019 de le mettre en vente. Quelques mois plus tard, l’entreprise américaine Teledyne, elle aussi spécialisée dans la défense, a annoncé souhaiter ardemment racheter le groupe français.

Alors que le gouvernement s’y était opposé au début de l’année 2020, Bercy remet la vente sur la table, faisant fi de l’intérêt stratégique de l’entreprise pour la souveraineté de notre pays. La DRSD (la Direction du renseignement et la sécurité de la Défense), la DGA (la Direction générale de l’armement) et le ministère des Armées préviennent pourtant du risque de cette vente à une puissance étrangère, même si le gouvernement promet des garde-fous pour protéger les données impliquant la sécurité nationale.

L’entreprise Teledyne, quant à elle, promet d’investir des dizaines de milliers d’euros en terres corréziennes. On peut voir ici qu’au sommet de l’Etat, on ne comprend toujours pas que le risque se place plutôt sur la dépendance ou le pillage technologique que sur la vente en elle-même. Le risque majeur, sans faire de procès d’intention à l’entreprise Teledyne, est la destruction pensée et planifiée du tissu industriel dans l’unique but d’éliminer un concurrent direct.

C’est exactement ce qui est train de se passer avec le groupe américain Honeywell, qui licencie à tour de bras ses équipes en France. Ce même groupe qui possédait l’usine de masque à Plaintel en Côtes-d’Armor a préféré transférer ses machines en Tunisie. Cette entreprise nous aurait pourtant été bien utile durant la crise sanitaire. L’aveuglement et la naïveté de nos décideurs publics risquent de conduire à un désastre industriel pour notre pays.

Ce schéma n’est pas sans rappeler la vente d’Alstom au groupe General Electric. Pour rappel, en 2014 la branche énergie d’Alstom est vendue à son concurrent américain, General Electric. Cette vente qui n’avait pas suscité d’émoi particulier dans la presse avait pourtant de quoi nous alerter.

Les cerveaux et le savoir-faire d’Alstom nous permettaient alors à l’époque de livrer un kit de centrale nucléaire 100% français en maitrisant de bout en bout la filière de production. A titre d’exemple, la turbine à vapeur Arabelle, fabriquée par le groupe français, était un élément-clé des centrales nucléaires. Tous les efforts industriels et techniques français qui ont permis la création de cette turbine profitent désormais aux Américains. Pourtant, là aussi l’Etat avait promis des garde-fous pour protéger le savoir-faire et l’indépendance français.

Clara Gaymard directrice de GE France à l’époque avait également promis, avec le soutien du ministre de l’économie, un certain Emmanuel Macron, de créer 1000 emplois. On connaît aujourd’hui le résultat : il suffit de demander aux employés du site de Belfort. Cette affaire avait refait parler d’elle lorsque le courageux Frédéric Pierucci avait sorti son livre Le piège américain  qui montre les stratagèmes et pressions utilisés par le gouvernement américain pour récupérer Alstom. Une commission d’enquête à l’Assemblée nationale avait même été ouverte pour soulever les différentes zones d’ombres de cette vente.

Les exemples sont légion en matière de rachat d’entreprise téléguidé par le gouvernement américain, comme ceux de Gemplus ou Technip. Pourtant ils ne suffisent pas aux gouvernants de la « Start Up Nation » à comprendre que nos entreprises sont la proie d’agents étrangers cherchant à nous nuire. En refusant de nommer la guerre économique que nous livrent les autres pays en particulier les Américains, l’Etat Français se drape d’un voile d’insouciance et de résignation, préférant courber l’échine plutôt que de montrer les muscles.

Décidément, ce fameux « monde d’après » voulu par le président de la République ressemble furieusement au monde d’avant.

Source : Front Populaire

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