ELECTION PRÉSIDENTIELLE : LA DÉCONSTRUCTION DE LA CONSTITUTION DE 1958 (Marc Le Stahler)

Les difficultés rencontrées par Eric Zemmour pour réunir les 500 signatures nécessaires à l’enregistrement de sa candidature par le Conseil Constitutionnel ne sont pas dues au hasard.
Elles résultent de plusieurs décennies d’efforts et de manoeuvres des nostalgiques de la IVème république qui ne rêvent que de replonger la France dans le régime des partis et des combines, c’est-à-dire dans l’impuissance politique.
Il convient, pour bien comprendre ce qui se passe, de revenir à l’histoire récente de nos institutions, depuis l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958…

COMMENT LES NOSTALGIQUES DU RÉGIME DES PARTIS ONT INLASSABLEMENT
DÉNATURÉ L’ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AU SUFFRAGE UNIVERSEL

DE 1946 à 1958 – LA QUATRIÈME REPUBLIQUE

Depuis sa démission du gouvernement provisoire en 1946, et jusqu’à son retour au pouvoir en 1958, le général de Gaulle n’avait cessé de rappeler la nécessité de sortir du désastreux régime parlementaire soumis aux partis politiques, source d’instabilité, au profit d’un régime présidentiel tel qu’il l’avait défini lors de son discours de Bayeux en juin 1946.

La constitution de la IV° République reprenant, avec tous ses défauts, la réalité objective d’un régime d’assemblée, le général se retira donc à Colombey pendant 12 ans – sa fameuse « traversée du désert ». Pendant ces 12 ans, la France connaitra 24 gouvernements, de durées inégales (le plus éphémère ne dura qu’un jour !)

En 1958, face à l’impuissance de l’exécutif à régler la question algérienne, le président Coty se résout à faire appel au général de Gaulle et le nomme à Matignon en qualité de Président du Conseil (c’est ainsi qu’on nommait alors le Chef du Gouvernement).

La Constitution de 1946 prévoyait l’élection pour 7 ans du président par le Congrès (sénateurs et députés), réuni à Versailles. C’est ainsi que furent élus Vincent Auriol et René Coty.

L’année même de sa nomination à Matignon, le général de Gaulle est élu président de la République, selon des modalités un peu différentes de celles de ses prédécesseurs.

En effet, en octobre 1958, une nouvelle constitution, inspirée par le général et son équipe (dont Michel Debré), entre en vigueur quelques mois après son retour au pouvoir. Elle prévoit l’élection du Président de la République par un collège élargi, au total 82 000 « grands électeurs », intégrant, outre les parlementaires, les élus départementaux et locaux.

On retiendra donc que le général de Gaulle fut à la fois le dernier Président du Conseil de la IV° République (ce qu’on ignore souvent) et le premier Président de la V° République.

1958 – 1969 : LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE INSTAURE LE SUFFRAGE UNIVERSEL POUR L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Suite à l’incapacité du régime à régler le problème algérien, (putsch d’Alger du 21 avril 1961, création de l’OAS – Organisation Armée Secrète – et attentats le visant personnellement), le général de Gaulle fait un pas de plus vers la présidentialisation du régime, en soumettant un référendum en ce sens au peuple français le 28 octobre 1962 qui obtient une majorité écrasante de « oui ».Le 6 novembre 1962 est promulguée la réforme constitutionnelle élargissant le collège électoral à
l’ensemble du corps électoral.

DE 100 à 5OO PARRAINAGES

Une première restriction est cependant apportée, pour éviter les candidatures fantaisistes : chaque candidat doit être soutenu par 100 élus locaux, représentant au moins 30 départements, avec un maximum de 50 élus par département.

Trois ans plus tard, l’élection de 1965 sera la première à être organisée au suffrage universel direct, conformément à la nouvelle constitution. Le général de Gaulle est élu au 2ème tour après avoir été mis en ballotage au 1er tour par un certain François Mitterrand.

Le scrutin de 1969 (élection de Georges Pompidou, suite à la démission du général de Gaulle consécutive à son référendum-suicide) et celui de 1976 (élection de Valéry Giscard d’Estaing, suite au décès de Georges Pompidou) fonctionneront globalement de la même manière.

Ensuite, le 25 avril 1976, sous le septennat Giscard d’Estaing, « pour éviter la prolifération des candidatures », une loi organique porte à 500 le nombre de parrainages !

Le nombre d’élus susceptibles d’apporter leur parrainage est de l’ordre de 50 000 personnes. On notera ainsi que, insidieusement, le rôle des « grands électeurs » de l’ancienne constitution est en partie restaurée ; d’une manière un peu différente, mais restaurée quand même…

On ne pouvait mieux faire, pour réserver l’accès à la présidence aux notables, politiciens de carrière, apparatchiks et partisans de tous ordres, en le rendant inaccessible aux personnalités civiles et militaires non issues du sérail politique qui, bien que de grande valeur, ne pourraient pas s’appuyer sur un parti déjà implanté localement, dans les départements ou dans les régions.

2017 : LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL REND PUBLICS LES PARRAINAGES

Mais on fit pourtant mieux encore ! Ce fut le Conseil Constitutionnel (*), présidé par Laurent Fabius (photo ci-contre) qui porta le coup de grâce au dispositif en décidant en 2017 de publier sur son site web la liste des parrains. Manœuvre évidemment, ici aussi, destinée à favoriser les partis traditionnels et bien implantés, et particulièrement défavorable aux candidats individuels souvent considérés comme « sulfureux ». Sans compter les menaces et chantages des élus régionaux et départementaux contre les élus locaux qui auraient des intentions de demandes d’éventuelles subventions auprès de leur région ou de leur département…
Voyez comme l’édifice constitutionnel du fondateur de la V° République a été peu à peu déconstruit par ses successeurs, pour revenir en douceur aux déviances de la IV° République.
Sans référendum populaire.

Alors que c’est bien le peuple qui a voté par référendum l’élection du président de la république au suffrage universel, les nouveaux maîtres du pays n’ont eu de cesse d’en réduire la portée par des manoeuvres successives. Au détriment du principe absolu qui considère que ce qui a été voté par le peuple ne peut être modifié que par le peuple.
On connaîtra une forfaiture du même ordre un peu plus tard, en 2005, en ce qui concerne le projet de traité constitutionnel européen.

LA DÉCONSTRUCTION DE LA CONSTITUTION DE 1958

Dans le cadre de la déconstruction de la constitution de 1958, on peut aussi rappeler la transformation par Chirac du septennat en quinquennat, et la superposition des élections législatives et de l’élection présidentielle, ce qui est très exactement à l’opposé de ce que voulaient ses fondateurs !   

Éric Zemmour représente pour l’instant dans les sondages entre le tiers et la moitié des intentions de vote de Macron.
Et je ne parle même pas de la candidature du général Antoine Martinez qui ne parvient pas à franchir le mur de la communication, tant l’accès aux médias grand public lui semble interdit.

Le marchandage en cours chez LR, visant à aider Zemmour à obtenir ses parrainages, pour qu’il puisse se présenter dans l’espoir de diviser les voix de la droite nationale afin d’aider Valérie Pécresse à passer le premier tour n’y change rien, bien au contraire.
Nous voila de retour dans ce qu’il y a de pire dans le régime des partis, marchandages et combines diverses, dont nous avait provisoirement extirpé le général de Gaulle.

Etonnez-vous, ensuite, de la baisse tendancielle du taux de participation aux élections, et du désintérêt croissant des jeunes pour la vie politique !

Marc Le Stahler

Source : Minurme.org

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