Disparues de l’A26 : un début de vérité dans la mort de Christel

Après 34 ans, un suspect vient d’être mis en examen pour le meurtre de Christel Oudin, une des disparues de l’A26. Un soulagement pour la famille.

25JUKJVNPQ7JRPWO24MW5VFXTELe suspect, 66 ans, avait déjà été entendu lors de l’instruction. DR

Leur vie aura été rythmée par l’attente. Interminable. Douloureuse. Elle vient peut-être de prendre fin avec la mise en examen surprise d’un ancien ouvrier de 66 ans jeudi soir pour meurtre. Trente-quatre ans après la mort brutale de Christel Oudin, l’arrestation de ce suspect, révélée vendredi matin sur notre site, sonne comme un « soulagement » pour la famille de la jeune victime. Un long calvaire qui a débuté dès la disparition de leur fille le 17 novembre 1985.

Ce dimanche-là, Christel Oudin, adolescente de 13 ans, quitte la maison de ses grands-parents à Moy-de-l’Aisne (Aisne) pour assister à un match de football au stade municipal du village voisin. À l’époque, le portable n’existe pas et le père de Christel commence à s’inquiéter lorsque la nuit tombe, vers 18 heures, et que sa fille ne rentre pas. Il prend sa voiture et tourne dans la campagne picarde avec une photo de sa fille. Sans succès. Une mauvaise rencontre, une fugue ? Six mois passent. « Invivables », se remémore Lydie Oudin, la mère de Christel, qui refuse alors d’imaginer le pire.

Le 16 avril 1986, la réponse tombe : un employé du chantier de l’autoroute A26, alors en construction, fait une macabre découverte. Aux commandes d’une pelleteuse, il retourne la terre d’où jaillissent des morceaux de corps. Malgré des mutilations importantes, Christel est rapidement identifiée. C’est le début d’une autre attente, bien plus longue. « Pendant 34 années, je me suis dit qu’on ne trouverait jamais le coupable, nous confie Lydie Oudin, aujourd’hui âgée de 72 ans. Il a fallu se battre à chaque fois avec la justice pour faire rouvrir le dossier, pour qu’ils continuent de chercher qui avait pu tuer Christel. Merci aux gendarmes de ne pas avoir lâché prise… »

Avec l’aide de profilers

Malgré des recherches menées en famille, le découragement gagne les Oudin. Car rapidement après les faits, les investigations confiées à la PJ d’Amiens s’enlisent. En 1989, l’enquête est clôturée faute d’éléments tangibles, sans aucun suspect mis en cause. Rouverte le 3 décembre 1990, elle est de nouveau classée en mai 1992. Il faudra l’intervention de Mes Corinne Herrmann et Didier Seban, conseils de la famille, pour relancer les investigations, en mai 2012, avec l’espoir que les progrès scientifiques apportent un nouvel éclairage. « C’était un nouvel espoir, glisse Lydie Oudin. Ne pas savoir les causes d’un tel drame rend impossible toute vie normale » En janvier 2017, le dossier prend un tournant quand la juge en charge de l’enquête décide de lier le dossier de Christelle Oudin à celui de Sophie Borca, une adolescente de 16 ans tuée la même année et dans le même secteur.

Les gendarmes de la section de recherche d’Amiens prennent alors le relais des policiers. « On a repris tout l’historique du dossier, confie une source proche de l’enquête. C’était un travail de fourmi, toutes les pistes ont été explorées. » Des gendarmes spécialisés dans les sciences comportementales – des profilers – tentent d’établir un profil et une signature criminelle. Et repèrent un fil à tirer. Celui d’un ouvrier, qui travaillait sur le chantier de l’autoroute l’année du meurtre. Il était alors âgé d’une trentaine d’années. Entendu une première fois en tant que témoin à l’époque des faits, il est placé en garde à vue, en toute discrétion, après 2012, selon nos informations. Face à ses dénégations et l’absence de certitudes, les gendarmes relâchent le suspect avant le délai des 48 heures maximales de garde à vue pour ne pas exclure de le réentendre.

Pas de trace ADN mais « c’est solide »

Finalement, jeudi, les enquêteurs de la SR d’Amiens décident d’interpeller à nouveau le suspect, aujourd’hui retraité, sur la foi de nouveaux « indices concordants ». Il ne s’agit pas de trace ADN mais « c’est solide », assure un proche du dossier. À l’issue de sa nouvelle garde à vue, au cours de laquelle il a répété être « étranger au crime », l’ancien ouvrier de 66 ans a été mis en examen – une première dans ce dossier – mais laissé libre sous contrôle judiciaire. « Nous n’étions pas au courant des évolutions, raconte Lydie Oudin. Les enquêteurs m’ont juste assuré, il y a quelques semaines, qu’ils travaillaient toujours. C’est une journée importante. »

Un jour triste aussi, pour cette femme de 72 ans qui aura, pendant plus de 30 ans, lutté pour savoir la vérité au côté de son mari, Jean-Pierre Oudin. Le père de Christel est décédé il y a un an et demi sans pouvoir connaître ce développement judiciaire. Cet ancien policier « a attendu toute sa vie que l’on trouve un suspect », confie sa veuve. Pendant des années, ce gardien de la paix avait lui-même refait l’enquête et mobilisé ses relations. « C’est dur de se dire que si cet homme est jugé, le père de Christel ne pourra pas être là, regrette Lydie Oudin. Il a été hanté toute sa vie par cette affaire. »

S’il faut rester prudent en l’absence d’aveux, la mise en examen de ce suspect de 66 ans ouvre de nouvelles perspectives dans d’autres affaires non résolues. Et notamment celle de Sophie Borca, 16 ans, tuée en 1985, non loin de l’autoroute A26. L’adolescente fréquentait le même établissement scolaire que Christel. À la sortie de l’école, elle n’était jamais montée dans le bus qui devait la ramener chez elle. Dans les deux affaires, les corps ont été déplacés. « Comme les aveux de Jacques Rançon, qui a sévi à la même période dans la Somme, cette arrestation ouvre de nouvelles hypothèses », se réjouit Me Corinne Herrmann, qui représente aussi la famille Borca. Là aussi, des parents attendent une réponse depuis plus de 30 ans.

Source : Le Parisien

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