Comment combiner devoir de réserve et opinions politiques sur internet lorsque l’on est agent de la fonction publique ?

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En France, tous les agents de la fonction publique et fonctionnaires sont soumis au devoir de réserve, qui intime une neutralité politique et idéologique de ces agents lorsqu’ils sont en service mais également dans leurs prises de position personnelles lorsque leur fonction pourrait potentiellement « être instrumentalisée à des fins de propagande ». Ce devoir ne figure cependant pas dans la loi, bien que des cas antérieurs aient donné naissance à une jurisprudence sur le sujet. L’une des conséquences de ce devoir est donc logiquement une difficulté pour les agents de la fonction publique d’exprimer leurs opinions sur le fonctionnement de leur administration et sur les conditions de travail des fonctionnaires de l’État. Il est donc difficile d’allier liberté d’expression et devoir de réserve dans ce contexte. C’est pourquoi certains agents de la fonction publique se sont tournés vers internet et les réseaux sociaux afin de pouvoir exprimer leurs idées. Néanmoins les propos tenus par des fonctionnaires sur internet qui ne tiennent pas de la conversation privée peuvent potentiellement être sanctionnés. Il convient d’être prudent et de protéger au maximum son anonymat sur internet lorsque l’on veut exprimer une opinion pouvant potentiellement aller à l’encontre du devoir de réserve. Nous allons justement voir quelques bonnes pratiques à mettre en place afin de dissocier au maximum son identité numérique de son statut de fonctionnaire de l’État, afin de protéger ses informations personnelles mais également de s’assurer que ses prises de position sur internet soient entièrement dissociées de sa fonction.

  1. Vérifiez les paramètres de confidentialité de vos réseaux sociaux

Les réseaux sociaux ont la fâcheuse tendance à en révéler beaucoup trop sur vous au tout venant. C’était principalement le cas de Facebook qui publiait publiquement tout le contenu de ses utilisateurs si ces derniers ne faisaient pas attention à leurs paramètres de confidentialité. La situation s’est légèrement améliorée, même si Facebook n’est toujours pas un parangon du respect de la vie privée et des données personnelles, le récent scandale autour de l’affaire Cambridge Analityca en étant un bon marqueur. Il vaut donc mieux jeter un œil à ses paramètres et vérifier que le contenu de son mur, ses photos et sa liste d’amis ne soit pas partagé avec autrui. Pensez également à cocher l’option qui masque votre profil des résultats de recherche de Facebook. Idéalement, supprimez toutes les photos et les informations qui permettraient de vous identifier et de vous relier à votre statut d’agent de la fonction publique. Si vous souhaitez continuer à utiliser vos réseaux sociaux pour partager des informations personnelles avec vos proches, vous pouvez considérez la création d’un compte secondaire anonyme pour vos prises de positions publiques, dans une optique de compartimentalisation de votre identité numérique (voir plus loin).

  1. Utilisez un VPN pour anonymiser votre connexion

L’une des meilleures pratiques pour protéger au mieux ses informations personnelles sur internet est d’utiliser un VPN sur votre PC. Un VPN est un service qui vous permet de vous connecter à des serveurs sécurisés qui vont chiffrer les données que vos appareils émettent et reçoivent depuis internet et agir comme un intermédiaire entre vous et le web. En vous connectant à un serveur VPN, les services en ligne que vous consultez ne reçoivent pas votre adresse IP mais celle du serveur par lequel vous passez. Certains fournisseurs de VPN comme ExpressVPN suppriment automatiquement les informations de connexion de ses usagers afin de préserver leurs données personnelles. C’est d’autant plus important si vous appartenez à un secteur sensible, à l’image de la gendarmerie, ce qui peut faire de vous la cible d’un individu malintentionné. D’une manière générale, prenez l’habitude de vous connecter à un VPN lorsque vous utilisez un réseau potentiellement utilisé par d’autres individus, mais également lorsque vous mettez en ligne du contenu afin d’éviter de faciliter votre identification. Un VPN est également très utile si vous devez envoyer des informations sensibles depuis votre appareil et que vous voulez vous assurez que celles-ci ne soient pas interceptées.

  1. Compartimentez votre vie numérique

Afin de séparer au mieux votre vie privée et votre statut d’agent de la fonction publique, il est important de compartimenter votre vie numérique. Si vous comptez exprimer une opinion sur les réseaux sociaux, créez vous un compte secondaire avec un pseudo, dans lequel vous ne ferez figurer aucune information personnelle. Ce compte doit être utilisé uniquement pour vos prises de position pouvant potentiellement aller à l’encontre de votre devoir de réserve si exprimées sur votre profil personnel. Pensez également à vous créer une nouvelle adresse email que vous n’utiliserez que pour la création de vos comptes en ligne. De cette manière, si par exemple un forum sur lequel vous participez venait à se faire pirater et que des individus aient accès aux informations personnelles de ses utilisateurs, il serait impossible pour eux de les exploiter afin de lier votre compte sur ce forum à votre véritable identité.

  1. Optez pour des services plus respectueux de votre vie privée

Si vous êtes dans l’optique de protéger votre identité numérique, il peut être utile de considérer des alternatives aux GAFAM, notamment concernant leur politique de gestion des données sur leurs utilisateurs. DuckDuckGo et Qwant sont deux alternatives au moteur de recherche Google et qui ne collectent pas d’informations sur vous lorsque vous les utilisez. Pour les réseaux sociaux, vous pouvez envisager de vous créer un compte sur Diaspora*, un réseau social décentralisé fondé autour des notions de respect de la vie privée de ses utilisateurs et de compartimentalisation. Il est en effet possible de créer facilement des sous-instances de Diaspora* qui agiront comme des versions privées du réseau social, et que vous pouvez même décider d’héberger vous-même pour un meilleur contrôle de vos données personnelles. Dans la même optique, PeerTube se place comme une alternative décentralisée à YouTube. Les vidéos consultées par les utilisateurs sont repartagées entre les différents spectateurs via un protocole peer-to-peer, ce qui permet de proposer une qualité de service proche de celle offerte par la plateforme de Google sans avoir l’infrastructure du géant américain. Pensez également à utiliser un navigateur web qui ne collecte pas d’informations et qui bloque automatiquement les cookies de navigation. Brave et Mozilla Firefox sont d’excellentes alternatives à Google Chrome et Microsoft Edge, et proposent de nombreuses fonctionnalités pour favoriser la confidentialité de vos informations.

  1. Vérifiez les informations disponibles à votre sujet sur le web

Malgré toutes ces bonnes pratiques, il est toujours possible que des informations à votre encontre soient facilement trouvables sur la toile. Afin de le vérifier, vous pouvez utiliser un service comme Pipl.com, malheureusement devenu récemment payant, qui vous permet de chercher pour des traces de votre identité numérique sur la toile, et de voir les sites sur lesquels vous avez des comptes liés à votre nom ou votre adresse email. Pensez également à faire des recherches sur vous en utilisant un moteur de recherche afin de déterminer ce qu’il est possible de connaître sur vous par ce biais. Profitez-en aussi pour vérifier que votre adresse email et votre mot de passe n’aient pas été piratés en utilisant le site HaveIBeenPwnd. Celui-ci va chercher si votre adresse email figure dans une base de données précédemment piratée et vous indiquer vos informations sont potentiellement compromises. Si c’est le cas, vous devez immédiatement remplacer votre mot de passe actuel par un nouveau, sécurisé et unique. Vous pouvez utiliser un gestionnaire de mots de passe pour générer des mots de passe efficaces pour chacun de vos comptes sans avoir à vous en souvenir, ceux-ci étant chiffrés et stockés dans le gestionnaire, lui-même protégé par un autre mot de passe dont il faudra vous souvenir.

L’anonymat et la discrétion sur la toile sont des mesures nécessaires pour les agents de la fonction publique souhaitant exprimer leurs opinions sur internet sans risquer de contrevenir à leur devoir de réserve. Ces quelques pratiques présentées ci-dessus ne brossent que la surface des méthodes employables pour préserver votre anonymat sur internet et ne représentent pas une liste exhaustive. Dans un climat où les revendications sociales et les luttes populaires sont de plus en plus présentes, il est facile d’imaginer que certains agents de la fonction publique souhaitent s’exprimer sur ces sujets. Il est cependant important de s’assurer avant tout que ces actions ne risquent pas de lui être préjudiciables, et les pratiques présentées dans cet article sont une première étape dans ce sens. Si ce sujet vous intéresse, n’hésitez pas à vous renseigner sur le domaine de la sécurité informatique, qui vous sera utile tant dans votre vie professionnelle que personnelle.

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