Chronique d’un flic – Face au coronavirus, une police sans protection

Face à la pandémie du nouveau coronavirus, notre chroniqueur fait le constat d’une police, en première ligne dans cette lutte, insuffisamment protégée.

KSF*

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Je ne tiens pas à vous refaire, ici et maintenant, tout l’historique de nos supplices. Cependant, après le manque chronique d’effectifs, le laxatif persistant d’une justice à la sauce Taubira, la lutte contre le terrorisme, les violences urbaines de tous ordres et la fièvre jaune, pour les grandes lignes, voilà qu’une autre guerre s’est ajoutée à cette liste.

Celle-ci contre un ennemi plus sournois encore, ce fameux Covid-19. Même si, cette fois-ci, notre mission est juste de protéger le front vu que nous sommes loin d’être en première ligne pour le combattre. Disons que, excepté donc ce corps médical, nous sommes quasiment tous dans le même bateau face à cette crise.

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Néanmoins, c’était compter sans le génie de notre pays à soutenir l’exercice de sa police. Puisqu’il nous est de nouveau demandé d’affronter ce fort coefficient de marée, non seulement sans faire de vagues, mais aussi sans bouées de sauvetage.

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Nos dirigeants ont voulu nous masquer leur manque de moyens

Le long épisode des « masques de protection » en est l’insupportable illustration. La manière dont nos dirigeants ont voulu nous masquer leur manque de moyens fut une énième preuve du mépris de nos âmes. Aller jusqu’à essayer de nous faire croire qu’ils ne nous étaient pas nécessaires en exigeant, en parallèle, des contrôles systématiques fut, en effet, une lourde pierre ajoutée au mur de nos offenses.

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Aucun chef de guerre, digne de ce nom, n’est entré dans l’histoire avec un si faible taux de crédibilité face à ses troupes. Et comme si tout cela ne suffisait pas, l’incapacité de nos instances à juguler deux ou trois mutineries entraîna notre gouvernement à libérer 10 000 détenus.

Toutes ces heures, ces jours, ces mois et ces années de travail, toute cette énergie dépensée, ces moyens utilisés, tous ces risques courus, jetés à la poubelle en un mouvement d’aile de papillon. Des bennes et des bennes vidées dans la nature, devant nos yeux ébahis, qu’on nous demande de laisser s’éparpiller. Comme si nos centres de tri n’étaient pas déjà trop pleins. Comme si notre ennemi commun et invisible du moment n’allait pas en ressortir gagnant. Comme si ces sujets toxiques dont nous avions prouvé la nocivité jusque devant les tribunaux, d’où cette idée de confinement temporaire en prison, ne représentaient plus un danger.

Si seulement tous ces maux n’étaient que le fruit de fake news

Enfin, ce qui est sûrement plus grave encore, cette décision, synonyme de manque de poigne et de courage, sera inévitablement payée au prix fort par des tonnes et des tonnes de victimes…

Si seulement tous ces maux n’étaient que le fruit de fake news, telles que les Français en raffolent, mais la réalité du terrain ne laisse pas la place aux mensonges, contrairement à nos écrans. La seule vérité est celle que nous côtoyons de plein fouet chaque jour. J’aimerais parfois être aussi bête qu’ils le devisent. Ce qui m’amène à la réflexion suivante, oui, même les « baqueux » tant décriés y parviennent de temps en temps.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours éprouvé des difficultés à définir la notion « d’intelligence ». Il faut dire qu’on a longtemps voulu me faire croire qu’elle servait principalement à favoriser les grandes études, pour ensuite les récompenser de ce sceau. Ce qui, par répercussion, me rangeait dans cette fameuse catégorie, des sots.

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Par bonheur, la vie m’a offert depuis de nombreuses opportunités de démystifier ces symboles, assez aisément au final. Bref, je vous parle de ce sujet parce qu’il a été prétendu, avec conviction, que nos dirigeants étaient « trop intelligents, trop techniques, trop subtils ». Une intelligence que personne ne renie. Moi-même, je dois le reconnaître. Il m’arrive d’être épaté par tant d’habileté intellectuelle émanant des derniers discours présidentiels, par exemple.

Dommage que mon inconscient connaisse si bien le sort de ces douces mélodies, en dehors de mon canapé. Oui, car il est anormal que nous souffrions autant de cette intelligence prétendue dès que l’on arpente les rues. Oui, car le constat est malheureusement limpide, cette mention d’excellence se transforme couramment en un vulgaire brouillon à l’épreuve du réel.

Nous devons rester à jamais fiers de nos travaux accomplis

D’autant que, dans mon idée, sa majesté l’intelligence doit être avant tout vertueuse à l’ensemble. Son écho ne devrait aucunement inonder nos pupilles ou exploser nos tympans. Il ne devrait pas tant disposer de barrière dans la lutte effective du bien contre le mal et, par conséquent, ne devrait point laisser dénigrer une fonction au rôle si salutaire.

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Nous sommes policiers ! Nous n’avons pas à en rougir, tel du métal brûlant entre le marteau et l’enclume. Nous n’avons pas, non plus, à permettre davantage d’être traités comme des idiots utiles. Par miracle, la police tient encore debout et nous devons rester à jamais fiers de nos travaux accomplis. Nous allons continuer de nous battre, car nous ne le faisons pour personne en particulier, mais pour « le bien de tous ». J’ai bien conscience qu’exprimer ce label ainsi peut paraître presque naïf, voire pathétique, mais c’est pourtant la véracité de ce que nous sommes et du pourquoi de notre amour initial pour ce métier.

Je demande une fois de plus, en ma qualité de chroniqueur zombie et de simple flic, le respect de ma fonction, du haut de la pyramide jusqu’à ses fondations. Que les fautifs parmi nous soient punis, soit. Toutefois, je le répète, encore faudrait-il qu’ils le soient réellement, et non si perpétuellement soumis à des interprétations militantes ou opportunistes d’antiflics de base, ignorés ou pas.

Pourquoi notre parole est-elle sans cesse remise en cause ?

Nous ne devons plus accepter, par exemple, qu’il suffise d’un talent de cinéaste, césarisé depuis, pour que tous ces idéaux soient bus à la paille, même les plus misérables d’entre eux, dans les salons de l’Élysée en l’occurrence.

Pourquoi le talent des policiers, des millions de fois confirmé, leur dévotion, des millions de fois démontrée, ainsi que le cœur que nous mettons à l’ouvrage, des millions de fois éprouvé, ne pèsent-ils pas autant dans la balance ? Pourquoi notre parole est-elle sans cesse remise en cause ?

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Je rêve que, un jour, l’un d’entre nous parvienne à taper du poing sur les tables de leur bunker. Non pas pour leur dire comment diriger notre pays. Non pas pour leur apprendre les subtilités du jeu politique. Non pas pour leur enseigner la gestion d’une économie, mais juste pour leur parler de notre domaine et leur dire que ce que nous voyons est trop souvent d’une absurdité sidérante…

* KSF, pour K, simple flic, est policier dans la région lyonnaise.

Source : Le Point

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