Bras de fer entre le trafiquant de drogue présumé et les gendarmes

La cour de cassation a annulé une condamnation. LE PARISIEN/OLIVIER BOITET

Mohamed Hideur devra être rejugé.

C’est une affaire pleine de rebondissements qui n’en finit pas d’empoisonner la justice et la gendarmerie. En juin 2016, Mohamed Hideur est condamné en appel à Paris à 12 ans de prison pour trafic de drogue, une peine similaire à celle obtenue deux ans plus tôt en première instance. Or, le 21 juin dernier, la cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel de Paris. Une décision rarissime. La Cour d’appel doit examiner mercredi matin la demande de de remise en liberté du trafiquant présumé de 44 ans. Même s’il reste en prison, l’homme de 44 ans devra être rejugé une troisième fois.

Motif de la décision : la cour d’appel n’a pas jugé nécessaire de contraindre les témoins cités par la défense à se présenter. Des témoins très particuliers puisqu’il s’agit, notamment, des indics qui ont permis aux gendarmes de la section de recherche (SR) de Paris de démanteler ce réseau. Des indics qui se retrouvent, en outre, mêlés à une affaire d’escroquerie qui éclabousse la SR.

Une enquête parallèle sur les coulisses de l’affaire

L’enquête qui a abouti à la condamnation initiale de Mohamed Hideur avait eu pour point d’orgue la découverte d’un laboratoire clandestin à l’Ile Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en 2012. Lors de la perquisition, les gendarmes avaient découvert 5 kg de cocaïne, 45 kg de différents produits de coupe, deux presses artisanales, un kilo de cocaïne en préparation, un pistolet et des munitions. En 2014, les sept prévenus renvoyés devant le tribunal, dont Mohamed Hideur, sont condamnés à des peines allant de 3 à 14 ans de prison.

 

Depuis, la procédure judiciaire suit son cours et le récent arrêt de la cour de cassation n’aurait pu être qu’une péripétie s’il ne s’inscrivait pas dans un contexte plus sensible. Car, depuis une plainte déposée en 2015 par Me Yassine Bouzrou, l’avocat de Mohamed Hideur, la justice mène une enquête parallèle sur les sombres coulisses de cette opération d’envergure.

Pas encore de date pour le 3e procès

En mars 2016, deux gendarmes de la SR de Paris ont ainsi été mis en examen pour complicité d’abus de confiance et de faux en écriture publique, et usurpation de titre. Ils sont en effet soupçonnés d’avoir aidé -voire encouragé- leurs deux indics à monter une escroquerie aux dépens des trafiquants et de leurs proches. «Comme la gendarmerie ne pouvait pas encore nous rémunérer, Manu et Eric (NDLR : les deux gradés mis en examen) nous ont dit que nous n’avions qu’à leur prendre de l’argent», a ainsi expliqué un des «tontons» sur procès-verbal -le second nie les faits. Les gendarmes sont également soupçonnés de s’être fait passer pour des avocats afin de rendre le scénario de l’escroquerie mis en place plus crédible. L’information judiciaire sur ce volet suit son cours.

C’est dans ce contexte que Mohamed Hideur est rejugé en appel en juin dernier. A l’époque, Me Bouzrou fait citer les deux indics comme témoin mais ces derniers ne se déplacent pas. Le pénaliste demande alors à la cour de les contraindre à se présenter. Refus des magistrats de la cour d’appel qui décident d’examiner le dossier en l’état, arguant que leurs dépositions n’apporteraient rien à cette affaire de trafic de stupéfiants.

«Les juges d’appel sont tenus, lorsqu’ils sont légalement requis, d’ordonner l’audition contradictoire des témoins, tant à charge qu’à décharge, qui n’ont, à aucun stade de la procédure, été confrontés avec le prévenu», leur rappellent au contraire leurs collègues de la cour de cassation qui estiment que leur refus est fondé «sur des motifs inopérants». «Je déplore que les magistrats de la cour d’appel de Paris aient décidé, en connaissance de cause, de ne pas respecter les principes fondamentaux de la procédure pénale», insiste Me Bouzrou. La date du troisième procès de Mohamed Hideur n’a pas encore été fixée.

Source : Le Parisien

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