Besançon : les confidences d’un négociateur de la gendarmerie

On les appelle sur les interventions humainement sensibles, pour porter la voix de la raison. Ils incarnent « la lumière au bout du tunnel », et dans le Doubs, ils n’ont jamais autant été sollicités qu’en 2017… Zoom sur les négociateurs de la gendarmerie.

negociateurs-de-france-alain-renaud-a-ete-forme-par-les-specialistes-du-gign-en-marge-de-ses-activites-habituelles-de-gendarme-en-unite-il-exerce-cet-art-depuis-2006-photo-franck-hakmoun-1515873937Comme tous les négociateurs de France, Alain Renaud a été formé par les spécialistes du GIGN. En marge de ses activités habituelles de gendarme en unité, il exerce cet « art » depuis 2006.  Photo Franck HAKMOUN

Dans l’imaginaire collectif, le métier de négociateur suscite son lot de fantasmes. Que ce soit sur un écran de cinéma ou dans la « vraie » vie, ces hommes et femmes forcent l’admiration, par leur capacité à déminer, sans dommage, les situations les plus inextricables. Qui sont-ils, comment travaillent-ils, qu’éprouvent-ils ? L’adjudant chef Alain Renaud, référent régional de la gendarmerie, lève le voile sur ce métier à part.

Dans quels cas sont-ils appelés ?

« Les principales interventions concernent les gens retranchés, forcenés ou suicidaires. Il y a aussi des contextes intrafamiliaux difficiles, avec des parents ne voulant pas rendre leur enfant, par exemple. Nous sommes aussi formés aux prises d’otage, voire aux tueries de masse, surtout depuis Charlie », détaille Alain Renaud.

Comment préparer sa négociation ?

C’est « l’intelligence de situation » qui prime : s’attendre à tout, puis savoir s’adapter. « On travaille en amont pour dresser un profil psychologique de la personne, en lien avec sa famille, ses amis, ses voisins. C’est essentiel », précise Alain. Les paranoïaques opteront par exemple pour l’arme à feu. Un schizophrène, plutôt pour une arme blanche. Toujours bon à savoir… « Pour la prise de contact, on privilégie le téléphone, mais on peut aussi travailler à la voix, notamment avec les personnes psychotiques », confie le gendarme. Attention, ajoute-t-il, « les situations sont évolutives, on se méfie des premiers renseignements reçus. Il ne faut jamais sous-estimer l’individu. »

Quelles clés de communication utiliser ?

Si chaque négociation est unique, quelques règles restent immuables : « On ne tutoie jamais et on essaie de s’interdire le mot “non’’. Péter un plomb peut arriver à Monsieur Tout-le-monde. On s’enferme alors dans une spirale infernale, de laquelle le dialogue permet parfois de sortir. On doit, nous, toujours laisser une échappatoire ». Proposer « une lumière au bout du tunnel ».

Quelles sont les qualités humaines requises ?

Une grande capacité d’écoute, de l’expérience – tant du terrain que de la vie en général – et bien sûr, du sang-froid… « Pour me mettre dans le rouge, il faut déjà y aller », confirme Alain en souriant. « On peut se faire insulter, menacer, se faire raccrocher au nez dès le premier coup de fil. Quoi qu’il arrive, il faut rester linéaire. » Et endurant. Nerveusement. Mais aussi physiquement : « Ça m’est arrivé de mener des négociations de plus de 24 h. Hormis pour les prises d’otage, le temps joue pour nous. Si par exemple la personne est alcoolisée et que le dialogue est impossible, on peut le laisser cuver et reprendre ensuite. »

Qu’est ce qu’une négociation réussie ?

« C’est lorsqu’on ramène l’individu en bonne santé. Quand on sent en face que ça lâche, qu’on comprend qu’on va y arriver, c’est un moment très intense, très prenant humainement. Un fois que tout est terminé, il n’y a rien de plus précieux que de voir la personne nous serrer la main en nous remerciant », dévoile Alain Renaud.

Son souvenir le plus marquant ?

Alors en poste en Île-de-France, Alain Renaud avait lui-même été pris en otage, en compagnie d’un autre négociateur « On s’était rendu dans une cage d’escalier, il nous attendait avec une arme. On s’est retrouvé dans l’appartement, assis, face à lui qui nous braquait avec ce revolver. Il réclamait une bière et pouvoir voir son bébé. Après vingt minutes, on a finalement réussi à se faire remettre l’arme. » Sans jamais se départir de leur calme.

Willy GRAFF

Source : L’Est Républicain

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