Aux origines de la « théorie du complot », de Lance deHaven-Smith

Yves Michel, 2022 (2013), 420 p., 24,9 €.

mardi 18 mai 2021, par Lionel Labosse

Tom, le meilleur élève de la classe, est bègue & myope. Il s’apprête à prononcer un exposé brillant auquel il a travaillé toute l’année. Au moment où il ouvre la bouche, le cancre crie devant toute la classe : « Tom a la bra-braguette ou-ouverte » ! Tout le monde de rire, et l’exposé brillant est oublié, le cancre gagne tous les suffrages avec un exposé médiocre qu’il n’a fait que pomper sur Internet.

Voilà le scénario récurrent depuis plus de vingt ans. Remplacez Tom par le lanceur d’alerte ; le cancre par un « débunker » ou un « zététicien » comme dirait Idriss Aberkane. Tant que l’on n’aura pas appris à nos concitoyens à ne pas regarder les doigts mais les lunes, les cancres supplanteront toujours les génies. Voici un livre qui peut nous aider.

C’est un article de Nexus qui m’a donné envie de lire ce livre, qui je pense est un incontournable pour renforcer les convictions des « complotistes » que nous sommes et surtout pour faire flancher celles des moins enragés des covidistes, ceux qui nombreux doutent de plus en plus fort d’avoir eu raison de croire gouvernement, médecins & médias corrompus & menteurs. Si vous êtes plus ou moins en froid avec vos parents qui votent macron et frétillent d’aise à la perspective de la prochaine injection de leur drogue, vous pouvez tenter ce traitement de désintoxication. Il ne s’agit pas d’un livre engagé, mais d’un essai de recherche universitaire sur un sujet sensible, écrit dans un style accessible. Le livre est paru en 2013, bien avant notre affaire covidiste et avant sa répétition générale que fut le dressage de la population intellectuelle mondiale à l’anti-trumpisme primaire & au wokisme. Il a été traduit par Marielsa Salsilli (qui publie d’autre part des articles chez Nexus depuis des années) je pense sous l’impulsion de Jean-Dominique Michel & Ariane Bilheran, qui le préfacent & l’actualisent. En effet, ce livre prend tout son sens avec la plandémie de covidisme où la patte de lapin « Théorie du complot » a fait passer tout le narratif covidiste dans le cerveau de 90 % de ce qu’il est convenu d’appeler les « intellectuels », c’est dire. Ce livre permet de comprendre comment il a été possible que 90 % d’une population a priori éduquée ait pu se la faire mettre profond en criant « encore » et en votant en masse pour les comploteurs. Cet article ne peut rivaliser avec celui de Nexus. C’est au sein de l’éducation que le bât blesse, alors comme c’est mon métier, je me contenterai de citer des extraits à destination des rares enseignants éveillés, pour qu’ils puissent les intégrer par exemple à un cours sur les fake news qui ne soit pas de la propagande pour les mensonges de l’État profond. Ce livre m’a beaucoup appris sur ce que je subodorais, et pour ceux parmi les intellectuels qui continuent à ne pas voir par exemple que l’Affaire Dreyfus était un complot, et que Zola faillit payer de sa vie le fait d’avoir osé être « complotiste », ce livre peut – sait-on jamais – leur ouvrir les yeux… C’est pourquoi je me permets de suggérer que chacun d’entre nous offrions ce livre à trois personnes gagnables de notre entourage (en plus de faire circuler cet article et / ou celui de Nexus). Les festivités de printemps en fourniront l’occasion, des fêtes des pères & des mères, anniversaires, pots de départ en retraite ou de mutation, etc. Un ami m’a dit récemment quelque chose qui m’a frappé : « Quand on devient complotiste, c’est pour la vie, on ne revient jamais en arrière ». Alors soyons patients, et ouvrons chacun les yeux de seulement 3 personnes autour de nous… Permettez-moi de prendre un exemple d’un chanteur connu : Bernard Lavilliers semble avoir dilué une partie de son cerveau dans la décrépitude de l’âge, et nous a fait un petit vomi sur les « anti-vaxins ». Ai-je rêvé ou si c’était lui qui dénonçait les magouilles de la CIA dans les années 1970 ? Aurait-il constaté dans les 40 dernières années que la CIA se soit muée en association philanthropique ? Si un lecteur de cet article savait dans quel Ehpad se trouve papy Lavilliers et lui offrait ce livre, peut-être pourrait-on le ramener à la raison ? (cf. cet article).

Préface de Jean-Dominique Michel & Ariane Bilheran

On trouvera cette préface sur le blog de Jean-Dominique Michel anthropo-logiques :
« Dans son acharnement à effacer des pans entiers de la réalité, notre civilisation en vient (entre autres) à nier l’un des principes les plus fondamentaux des systèmes de gouvernance : ainsi que notre espèce en a acquis la nécessaire conscience au cours des âges, ceux qui détiennent le pouvoir tendent naturellement à en abuser, et à ourdir toutes sortes de conspirations pour camoufler leurs agissements derrière de vertueuses professions de foi et des discours qui, comme on le dit, « ne mangent pas de pain » » (p. 13).
« Cette évidence posée, nous pouvons relever que le terme « complotisme » relève de ce registre dénué de sens de la paranoïa. Il s’agit d’un néologisme, tout comme « conspirationniste », qui désigne tous ceux qui s’aventureraient à penser des complots, comme des fous, des hurluberlus, des gens à qui il ne faudrait pas accorder la moindre crédibilité. Ce faisant, on oublie l’essentiel : ces complots existent-ils ou non ? Sont-ils vrais ou faux ?
Cette absence de logique est caractéristique du délire. « Complotisme » est donc tout simplement un terme délirant, car il désigne tout à la fois quelque chose et son contraire. Parce que si ces complots sont vrais, celui qui affirme leur existence est un philosophe. Ou un résistant. Si ces complots sont faux, c’est un paranoïaque, qui voit des faux complots partout » (p. 15).
« Le Bristih (sic) Medical Journal (la moins corrompue des principales revues) a tonné du mieux qu’il a pu, par exemple en novembre 2020 :
« La science est actuellement réprimée pour des raisons politiques et financières. Le Covid-19 a déclenché la corruption de l’État à grande échelle, et elle est nuisible à la santé publique. Les politiciens et l’industrie sont responsables de ce détournement opportuniste. Les scientifiques et les experts de la santé le sont également. La pandémie a révélé comment le complexe politico-médical peut être manipulé en cas d’urgence, à un moment où il est encore plus important de sauvegarder la science.
La politisation de la science a été déployée avec enthousiasme par certains des pires autocrates et dictateurs de l’histoire, et elle est maintenant malheureusement monnaie courante dans les démocraties. Le complexe médico-politique tend à supprimer la science pour engraisser et enrichir ceux qui sont au pouvoir. Le complexe politico-médical tend à supprimer la science pour engraisser et enrichir ceux qui sont au pouvoir. Et, à mesure que les puissants deviennent plus prospères, plus riches et plus intoxiqués par le pouvoir, les vérités dérangeantes de la science sont supprimées. Lorsque la bonne science est supprimée, les gens meurent »
 [1].
« La répression préventive de toute mise en lumière des procédés de corruption a été assurée par cela même que Lance deHaven-Smith analyse magistralement dans le présent ouvrage : l’étiquette de « complotiste » a été diligemment dégainée et collée par des policiers de la pensée (journalistes et universitaires en tête, suivi de près par des politiciens flairant l’aubaine) sur le front de quiconque osait même questionner la « version autorisée » officielle. Le « complotiste » est l’équivalent moderne du « social-traître », à la différence que le « social-traître » était censé trahir les intérêts de la classe ouvrière, tandis que le « complotiste » trahit ceux de la classe dirigeante !
L’autocritique préalable a été introjectée par la population : toute velléité de poser une question ou de soulever une objection aux mesures sanitaires (pourtant absurdes) s’accompagne systématiquement aujourd’hui de la précaution oratoire « je précise bien que je ne suis pas complotiste, mais… »
Tout comme son pendant « je ne suis pas antivax, mais… » (p. 24).
Les préfaciers concluent en précisant que « le Dr Anthony Fauci, a bel et bien conspiré au moins à quatre reprises depuis le début de la crise selon différents documents obtenus au titre de la loi sur l’accès à l’information (FOIA) », et de donner ces 4 complots : « il a bel et bien financé des expériences de « gains de fonction » sur les coronavirus de chauve-souris au laboratoire P4 de Wuhan » ; « Au printemps 2020, le Dr Fauci ainsi que les principaux responsables américains ont été informés que l’hypothèse la plus probable au sujet du Sars-CoV-2 était qu’il s’agissait d’un virus expérimental échappé du labo de Wuhan. Ils ont alors orchestré la parution dans The Lancet (multirécidiviste dans la publication de papiers frauduleux) d’une tribune signée par une vingtaine de scientifiques niant cette possibilité et traitant l’hypothèse correspondante de « conspirationniste » » ; « L’efficacité des traitements précoces disponibles a été établie dès le mois d’avril 2020. Une campagne internationale a été alors mise en œuvre, avec bien sûr la publication d’articles truqués, mais aussi le montage d’essais cliniques malhonnêtement montés pour arriver à la conclusion souhaitée » [l’implication précise de Fauci n’est pas visible dans ce 3e point, sauf à lire l’article auquel renvoie la préface.] ; « Fauci a conspiré avec le directeur des National Institutes of Health pour mener une campagne de dénigrement visant à décrédibiliser les auteurs [« des épidémiologistes célèbres [qui avaient] entrepris de rappeler les bons principes en santé publique »] et à les faire passer « pour des marginaux » (sic). Le patron de Facebook, Mark Zukenberg, a été directement sollicité pour aider à la manœuvre en menant une politique de censure et de « fact-checking » fallacieux sur ses réseaux sociaux, ainsi qu’il a dû finalement l’admettre devant un tribunal » (p. 25).

Appel au lynchage d’un déviant social par des commissaires politiques de la presse gouvernementale, sous prétexte de « complotisme ». © La Pravda (Le Monde).

Chapitre I : « « High crimes », l’angle mort »

Ce 1er chapitre est une sorte d’intro qui pose la problématique à partir de l’assassinat de John Kennedy. « Quel que soit l’évènement invoqué, l’erreur la plus communément commise par les complot-sceptiques [2] est : de faire l’amalgame entre différents niveaux de spéculation sur des intrigues gouvernementales ; de tous les étiqueter « théories du complot » ; puis de prétendre (en citant les spéculations les plus improbables) que tout soupçon non démontré, portant sur des crimes que les élites politiques auraient pu perpétrer, n’est qu’invention tirée par les cheveux, susceptible de nuire à la confiance populaire » (p. 34). Le terme « théorie du complot » n’existait quasiment pas avant que la CIA ne l’impose en 1964. L’auteur précise : « Ce concept, qui stigmatise les soupçons politiques irrationnels à propos de complots secrets fomentés par des personnes influentes, est de toute évidence erroné. Parce que, au plus haut niveau de l’État, les complots politiques existent bel et bien » (p. 40).
« Les Pères Fondateurs considéraient que le pouvoir politique a une influence délétère [sur les individus qui l’exercent]. Ce qui rend les conspirations politiques contre les intérêts et les libertés du peuple presque inévitables. Ils ont appelé, explicitement et à maintes reprises, à la vigilance populaire à l’encontre des tentations antidémocratiques dans les sphères de pouvoir » (p. 42).
« Si les conspirophobes sont à ce point préoccupés par les dangers présentés par le fait de suspecter l’existence de complots, dans la culture politique et citoyenne américaine, pourquoi font-ils à ce point abstraction du conspirationnisme des politiciens américains ? » (p. 44).
« Dans un article, publié en 2006 dans une revue à comité de lecture, j’ai introduit le concept de « Crime d’État contre la Démocratie » [State Crime against Democracy], pour supplanter le terme « théorie du complot » [1]. Je dis supplanter, plutôt que remplacer, parce que « Crime d’État contre la Démocratie » n’est pas une autre appellation pour « théorie du complot ». C’est, au contraire, une formule pour désigner tout type de malversations que le label « théorie du complot » nous dissuade, justement, de mentionner. En pratique, le terme « théorie du complot » désigne péjorativement toute dénonciation de malversations gouvernementales qui n’auraient pas été corroborées par des membres du gouvernement eux-mêmes » (p. 46).
« Même lorsque des facteurs évidents relient des crimes politiques entre eux, ces crimes sont considérés comme indépendants, sans liens. Par exemple, John Kennedy et Robert Kennedy étaient frères ; tous deux étaient des rivaux de Richard Nixon et étaient détestés de Lyndon Johnson ; leurs meurtres ont eu lieu à moins de cinq ans d’intervalle ; tous deux ont été tués lors d’une campagne présidentielle ; et tous deux semblaient sur le point de gagner l’élection présidentielle à venir. Sans ces meurtres, il est probable que ni Johnson, ni Nixon, ne seraient jamais devenus présidents. Et pourtant, les assassinats de John et Robert Kennedy sont considérés comme étant sans aucun rapport entre eux. Si des parallèles sont faits, ils sont aussitôt rejetés et considérés comme des coïncidences. L’exécution des Kennedy est rarement considérée comme des « meurtres en série ». À vrai dire, pour évoquer ces meurtres, les Américains utilisent rarement le pluriel : « les assassinats des Kennedy ». Dans la terminologie usuelle, il y a : « l’assassinat de Kennedy » (au singulier), qui fait référence au meurtre du Président Kennedy ; et « l’assassinat de Robert Kennedy ». Cette bizarrerie lexicale, pour évoquer l(es) assassinat(s) des Kennedy, reflète manifestement un effort inconscient de la part des journalistes, des politiciens et de millions d’Américains ordinaires, pour éviter de penser conjointement aux deux assassinats. Et cela, alors même que les victimes sont reliées d’innombrables façons et qu’elles méritent mieux. Elles méritent que l’on se souvienne d’eux comme des frères, qui défendaient les mêmes valeurs et qui ont été terrassés par des forces pour l’instant hors de notre compréhension. Cette prouesse habile, consistant à maintenir les assassinats des Kennedy comme des faits isolés et séparés, pourrait être appelée « cloisonnement linguistique ». En évitant l’usage du pluriel pour le terme « assassinat », nous avons inconsciemment séparé et cloisonné, dans notre esprit, des événements pourtant significativement apparentés » (p. 56).
Voici une remarque que nous avons je pense tous expérimentée : « Cette aversion, à établir des liens, est « apprise ». Les Américains savent que le fait d’exprimer des soupçons sur les élites politiques fera d’eux des objets d’hostilité et de dérision. Les gifles verbales varient, mais elles sont difficiles à contrer car elles supplantent les arguments rationnels. Par exemple, en utilisant l’étiquette « théorie du complot » comme une insulte, les conspi-négationnistes [NdT : personnes qui nient toute éventualité de complots, ou conspiracy deniers] sous-entendent que le récit officiel d’événements troublants est forcément beaucoup plus fiable que des soupçons conspirationnistes. Comme si, en quelque sorte, le récit officiel ne comportait ni hypothèses, ni présupposés. Alors qu’en réalité, les conspi-négationnistes et les debunkers [NdT : ceux qui prétendent démystifier ces théories] invoquent une théorie de leur fait. Une théorie non reconnue, ni établie. Une théorie très discutable » (p. 62).
« Loin d’être plus factuelles, ou plus plausibles, que les thèses qui envisagent des crimes et des intrigues politiques, les « théories des coïncidences » deviennent de moins en moins plausibles à mesure que les coïncidences s’accumulent. Or, les « coïncidences » s’accumulent depuis des décennies aux États-Unis. C’est comme jouer à pile ou face dix fois et tomber, toujours du côté face » (p. 63).

Chapitre II : « L’étiquette « théorie du complot » »

« La Pierre de Rosette, pour comprendre les origines et la fonction de l’étiquette « théorie du complot », est l’assassinat du Président John F. Kennedy. Il aura fallu plusieurs années, pour que cette appellation prenne forme et sens.
Elle fait partie des mesures prises par la CIA – un des meilleurs experts mondiaux en matière de guerre psychologique – pour réfuter les accusations selon lesquelles des dirigeants, au plus haut niveau du gouvernement américain, étaient complices du meurtre de Kennedy. Bien que la Commission Warren n’ait pas utilisé l’expression littérale « théorie du complot », elle y avait fait référenceà plusieurs reprises : évoquant le « problème du complot », la « question du complot » et autres mentions similaires ; et elle focalisa l’enquête sur la question de savoir si Lee Harvey Oswald avait agi de son propre chef, ou s’il avait reçu de l’aide. C’est sous la formule plus incisive – lancée par la CIA – de « théorie du complot », que le concept a gagné du terrain pour désigner toutes les versions rejetant la version officielle, selon laquelle Kennedy avait été tué par un « tireur isolé » (p. 71).
« Quant aux complot-sceptiques, qui utilisent l’étiquette « théorie du complot » comme insulte pour écarter les suspicions de machination politique, ils savent pertinemment que des conspirations politiques se produisent, de fait, parfois. Ils sont au courant du Watergate, de l’Irangate et de l’Iraq-gate. Mais ils font valoir que la révélation de ces scandales prouve que le secret est impossible aux États-Unis et que des complots, au plus haut niveau de l’État, seront toujours démasqués [1]. Ils disent que cela est particulièrement vrai pour le type de crimes envisagé par les « théories du complot » ; en particulier l’assassinat du Président Kennedy et la facilitation des attaques terroristes du 11 septembre 2001. Selon eux, si les exactions du Watergate et autres scandales ont été révélés, il ne pourrait qu’en être de même pour des délits plus graves encore. Ils en déduisent que les thèses qui ne sont pas corroborées par le gouvernement ne peuvent qu’être fausses » (p. 85).
Je dégage ici un extrait à étudier en classe par exemple en 1re année de BTS dans le cadre d’un cours sur les « fake news ».
« Les « théories du complot » sur la Mafia sont considérées comme acceptables ; les « théories du complot » sur le Président et la CIA sont considérées comme risibles et paranoïaques. C’est pourquoi l’étiquette « théorie du complot » est si dangereuse en tant que critère de régulation du débat politique. Car elle assimile la non-conformité intellectuelle à l’irrationalité ; et elle cherche à imposer la conformité, au nom de la raison, du civisme et de la démocratie.
À première vue, comme le souligne Olmsted, l’expression « théorie du complot » semble faire référence à la supposition qu’un événement préoccupant serait le résultat d’un complot secret. Cependant, l’utilisation de ce terme sous-entend quelque chose de tout à fait différent. Car ce ne sont pas toutes les thèses envisageant un complot secret qui sont qualifiées de « théories du complot ». Le récit officiel du 11 septembre affirme que les Tours Jumelles ont été abattues par une équipe de musulmans, ayant comploté pour détourner des avions et les projeter dans les tours. Ce récit envisage bien une conspiration. Mais il n’est pas ce que la plupart des gens appelleraient une « théorie du complot ». Les « théories du complot », à propos du 11 septembre, vont bien au-delà du fait que les attaques aient été secrètement planifiées et exécutées en bande organisée. La plupart des « théories du complot » sur le 11 septembre prétendent que le gouvernement américain a conduit lui-même ces attaques ; ou que des responsables politiques savaient que ces attaques allaient avoir lieu et qu’ils ont permis qu’elles soient commises.
Pour autant, une « théorie du complot » n’est pas simplement, non plus, une théorie à propos d’un complot de la part du gouvernement. Ce qui est qualifié de « théories du complot », ce sont des contre-théories : c’est-à-dire des thèses qui s’opposent aux récits officiels d’événements suspects. Les « théories du complot » les plus populaires aujourd’hui concernent : les assassinats de John Kennedy, Robert Kennedy et Martin Luther King ; la Surprise d’octobre de 1980 ; les failles de la défense nationale du 11 septembre et les attaques à l’anthrax de 2001. Les personnes qui soutiennent ces thèses affirment que le récit officiel de ces événements met de côté des preuves importantes, comporte des anomalies et des contradictions et tend à disculper les agents de l’État.
Ainsi, l’étiquette « théorie du complot », telle qu’elle est utilisée aujourd’hui dans le débat public, ne dénigre pas la pensée ou l’analyse conspirationniste en général ; même si c’est ce que ce terme suggère. Le label caricatural de « théorie du complot » dénigre les enquêtes et les questionnements qui remettent en cause le récit officiel d’événements politiques suspects et dans lesquels des agents de l’État eux-mêmes pourraient être impliqués. Une « théorie du complot » oriente les soupçons vers les responsables qui tirent profit des crimes et des tragédies politiques. De telles thèses sont considérées comme dangereuses. Non pas parce qu’elles sont manifestement fausses, mais au contraire parce qu’elles sont le plus souvent tout à fait plausibles, dès lors qu’elles sont considérées avec objectivité et sans égard particulier pour les institutions et les responsables politiques américains » (p. 95).
Le détail de l’effacement des preuves après le décès de John Kennedy est accablant : « Le mépris pour la loi du vice-président ne s’est pas arrêté à « l’enlèvement » du corps du Président au Parkland Hospital avant qu’une autopsie ne puisse être pratiquée. L’équipe fédérale a, en outre, détruit des preuves d’une importance capitale : en faisant laver la limousine du Président, nettoyer tout le sang des sièges et des tapis de la limousine et remplacer le pare-brise et les chromes intérieurs touchés par les balles. Les impacts de balles et les éclaboussures de sang étaient essentiels pour déterminer la direction et le nombre de coups de feu. Le fait que Kennedy a vraisemblablement été abattu de face aurait été clairement confirmé par la grande quantité de sang, de cheveux et de fragments de crâne recouvrant le coffre arrière de la limousine. Le nettoyage a commencé en public et en plein jour, alors que la limousine était encore à l’hôpital Parkland. À 20 heures, au soir de l’assassinat, la limousine était rapatriée par avion-cargo à Washington D.C. Elle resta sous surveillance, mais pas pour protéger les preuves puisqu’il n’en restait plus. L’attitude de Johnson pourrait être interprétée comme une preuve circonstanciée de sa culpabilité puisqu’elle laisse supposer que ce dernier avait connaissance d’une fusillade frontale. Cette attitude constitue également une obstruction à la justice par destruction de preuves dans le cadre d’un délit majeur » (p. 102).

Chapitre III : « Envisager les complots est patriotique »

« Cette logique n’est pas paranoïaque. C’est, au contraire, un effort louable de donner un sens aux événements politiques qui surviennent, dans le contexte d’un pouvoir politique en déliquescence. Un gouvernement fondé sur une Constitution devient rarement tyrannique du jour au lendemain. La liberté disparait, suite à une multitude de petits accrocs. Tout d’abord, un droit peut être bafoué pour un groupe de citoyens impopulaires. Ensuite, une exception peut être faite à un garde-fou constitutionnel mineur. Puis, un dissident peut être banni, ou emprisonné. La mise en péril des principes fondamentaux est dissimulée par leur violation à petite dose » (p. 122).
Le sous-chapitre consacré au procès de Nuremberg est instructif car il revient sur une idée reçue selon laquelle Hitler aurait été porté au pouvoir de façon démocratique : « Le tribunal militaire international (International Military Tribunal) a été autorisé, par sa charte, à juger les accusés nazis pour avoir « participé à l’élaboration ou à l’exécution d’un projet concerté, ou d’une conspiration » en vue de mener une guerre offensive. Adoptant le concept juridique de « conspiration », la charte du tribunal stipulait que toute personne ayant participé au projet ou à la conspiration était responsable de tous les crimes commis dans le cadre de l’exécution de ce plan. Le tribunal militaire était également habilité à désigner des groupes entiers comme « organisations criminelles » (Article 9). Toute personne ayant appartenu à l’un de ces groupes était automatiquement jugée coupable de tous les crimes commis par l’un des membres du groupe.
Le tribunal n’a pas utilisé les termes de « Crimes d’État », ou « Crimes contre la Démocratie », mais sa compétence et ses sentences s’inspirent du concept de « Crime d’État contre la Démocratie ». Selon l’acte d’inculpation, les accusés ont fomenté des actes terroristes sous faux-drapeau, de fausses invasions et autres tactiques similaires, pour transformer l’Allemagne démocratique en un État policier, en attisant la panique sociale et en incitant les masses à soutenir un gouvernement autoritaire et la guerre. […]
Il est important de comprendre que les nazis ne sont pas arrivés au pouvoir de manière démocratique. Avant que les institutions démocratiques de l’Allemagne ne soient éventrées par Hitler et ses partisans, les nazis étaient incapables de prendre le contrôle du Parlement, par le biais du processus électoral. Lors des élections de 1932, où ils ont atteint leur apogée par des voies légitimes, ils n’ont reçu que 37 % du total des voix et n’ont obtenu que 230 des 608 sièges. Les nazis n’ont pris le contrôle du Parlement qu’en commettant un certain nombre de « Crimes d’État contre la Démocratie », en 1933, après que le Président Hindenburg ait choisi Hitler pour diriger le gouvernement en tant que chancelier du Reich. Parmi les actes terroristes perpétrés, les conspirateurs nazis ont mis le feu au siège du Parlement (le Reichstag) et ont rejeté la faute sur un simple d’esprit communiste, qu’ils avaient placé sur les lieux. Prétextant l’imminence d’une révolution communiste, Hitler persuada Hindenburg de signer un décret suspendant les articles de la Constitution qui protègent les libertés civiles. Puis, à l’aide de ce décret, Hitler interdit le Parti communiste et arrêta ses dirigeants. C’est ce qui donna aux nazis le contrôle du Parlement. Hitler fit ensuite adopter une loi qui lui conférait les pouvoirs législatifs [fin de la séparation des pouvoirs !].
Dès 1939, l’Allemagne pénétrait en Autriche et en Tchécoslovaquie, dans le cadre d’opérations éclairs que la Grande-Bretagne, la France et d’autres pays désapprouvaient, mais ne contestaient pas militairement. Hitler se tourna ensuite vers la Pologne, commandant des attaques sous faux-drapeau sur plusieurs villes allemandes, proches de la frontière polonaise. Des Allemands, qui avaient été condamnés au camp de concentration, furent revêtus d’uniformes militaires polonais, drogués et emmenés sur le lieu de l’attaque orchestrée, où ils furent abattus. Quand Hitler envahit la Pologne, il justifia cette invasion comme étant une contre-attaque » (p. 147).
Conclusion sur cette page d’histoire, à appliquer à la tyrannie covidiste : « Lorsque des dirigeants prétendent avoir besoin de pouvoirs extraordinaires pour faire face à des menaces, les citoyens devraient examiner attentivement ces menaces et envisager la possibilité qu’elles soient inventées de toutes pièces » (p. 148).

Chapitre IV : « Le déni de complot dans les sciences sociales »

L’auteur pointe la responsabilité involontaire de deux philosophes européens des années 1940 et 50, Léo Strauss (1899-1973) et Karl Popper (1902-1994).
« Les journalistes, les agents de l’État et les universitaires :
• qui ignorent les enseignements de Charles Beard ; [En fait, Charles Austin Beard, 1874-1948).]
• qui ne sont pas vigilants vis-à-vis des intrigues potentielles des classes dirigeantes (intrigues destinées à préserver leur pouvoir politique, en manipulant le système autant qu’elles le peuvent) ;
• qui rejettent les croyances à propos des complots, comme étant a priori farfelues et pernicieuses ;
adoptent la théorie de Popper, sans le savoir. Ils supposent que les complots des élites ne peuvent pas réussir ; ou qu’ils ne peuvent pas rester secrets. Ils omettent d’envisager les autres approches, conspi-réalistes [celle de Beard : les complots existent et doivent être dénoncés ; ou celle de Strauss : les complots existent, mais ne doivent pas être dénoncés]. Ils adoptent arbitrairement l’idéologie poppérienne, que l’on pourrait qualifier de « déni de complot ». Ils sont aveugles à la possibilité qu’une partie des élites politiques américaines soit en train de conspirer pour manipuler la démocratie américaine afin de la rendre plus dirigiste. Que ce soit pour de mauvaises, ou de bonnes raisons (préserver un vestige de démocratie américaine dans un monde hostile, selon Strauss). [NdT : Ces conspirophobes sont, au mieux, des complot-sceptiques, au pire, des conspi-négationnistes] » (p. 163).
Les agents de propagande actuels conramment appelés « journalistes » semblent n’avoir aucune connaissance du « Church Committee » :
« Le Church Committee [Cf Commission Church.] était une commission spéciale du Sénat américain, qui a enquêté en 1975 sur les abus de la Central Intelligence Agency (CIA), de la National Security Agency (NSA), du Federal Bureau of Investigation (FBI) et de l’Internal Revenue Service (IRS). Présidée par le sénateur de l’Idaho, Frank Church, la commission a fait partie d’une série d’enquêtes, en 1975, sur les abus du milieu du renseignement (Commission Pike de la Chambre des représentants, Commission présidentielle Rockefeller…). Les révélations les plus choquantes du Church Committee comprennent :
– l’opération MK ULTRA, qui consistait à droguer et à torturer des citoyens américains non consentants, dans le cadre d’expériences sur le contrôle de l’esprit ;
– le projet COINTELPRO, qui consistait à surveiller et à infiltrer les organisations politiques et de défense des droits civiques ;
– le programme Family Jewels, visant à assassiner secrètement des dirigeants étrangers ;
– l’opération Mockingbird, une campagne de propagande systématique, où des journalistes et des organes de presse agissaient comme des agents de la CIA.
Préfigurant les divulgations sur la surveillance globale de Snowden en 2013, le Committee Church a également révélé le projet SHAMROCK, dans lequel les principales entreprises de télécommunications américaines divulguaient l’ensemble de leurs données à la NSA » (p. 168).

Chapitre V : « La « théorie du complot » est un complot »

C’est dans ce chapitre qu’est reproduite la « note 1035-960 », que l’on retrouve facilement sur Internet, non pas la note elle-même, qui devait être « détrui[t]e après usage », mais une « copie retapée de la dépêche ». On ne sera pas étonné de retrouver un article de l’éternel chien de garde de la Vérité officielle contestant non pas l’existence de la note en question, mais le fait que la CIA ait inventé le terme, ce qui permet un titre à la syntaxe typique de ces chiens de garde : « Non, la CIA n’a pas inventé le terme « théorie du complot ». Le but est de disqualifier le livre et son auteur (à l’époque pas traduit en français), auprès des 95 % des internautes qui ne lisent que les titres des articles. Or Lance deHaven-Smith n’a jamais prétendu que la CIA eût « inventé » le terme ! Il montre juste, graphique à l’appui, que depuis cette note, l’usage du terme a explosé dans la presse étasunienne ! La traductrice a relégué dans sa dernière annexe les analyses de l’auteur sur justement l’utilisation de ce terme « théorie du complot » par Beard et par Popper, bien avant l’assassinat de Kennedy (Beard est mort en 1948 !)
« • Lorsqu’il parle de « théories du complot », Beard désigne des hypothèses à propos de mesures politiques spécifiques, prises par des personnes (ou des catégories identifiables de personnes), qui se traduisent par des avantages législatifs ou politiques pour ces personnes (ou groupes).
• Popper, en revanche, désigne habituellement par « théorie du complot » toute croyance proche de la superstition, selon laquelle les grandes calamités sociétales, telles que les guerres, les crises financières, les famines, ou autres seraient causées par des catégories de personnes (telles que des classes économiques, des races, des groupes ethniques, etc.).
• Strauss, quant à lui, n’utilise pas le terme « théorie du complot ». Il parle plutôt de « mensonges vertueux » (p. 403).
L’auteur démonte l’argument éternel des « complot-phobes » : « Franchement, si la CIA avait commis le meurtre de Kennedy, elle n’aurait pas été aussi minable ». C’est d’ailleurs parfaitement transposable au covidisme, et je pense que même des gens de bonne foi comme Raoult, Perronne et autres, se sont laissés berner par ce type d’arguments, du moins au début :
« Or, il est hautement improbable qu’une telle agence veuille afficher son expertise en matière d’assassinat. Dans les faits, la CIA ferait probablement en sorte que l’assassinat se présente exactement comme il s’est produit à Dallas. Tout d’abord, elle choisirait un bouc émissaire, pour porter le chapeau. Sinon, il y aurait une chasse à l’homme à l’échelle nationale, qui pourrait bien mettre la main sur certains membres de l’équipe réelle d’assassins. Deuxièmement, les experts de l’agence voudraient que le président soit abattu à distance, de sorte que personne ne puisse dire exactement d’où venaient les coups de feu et qui les avait tirés. Mais pas de trop loin, pour que le bouc émissaire puisse tirer. Troisièmement, le bouc émissaire devrait avoir un passé qui lui fournisse un motif crédible pour le crime ; et une expérience des armes. Et quatrièmement, le bouc émissaire serait idéalement tué, avant qu’il ne puisse être jugé. Si un procès pouvait être évité, il n’y aurait jamais de tribune, au sein de laquelle des éléments de défense pourraient être exposés. Le fait que la dépêche de la CIA ne tienne pas compte de ce scénario plausible est presque cocasse ; étant donné que la CIA est constamment impliquée dans des opérations destinées à faire apparaître ses actions sous un jour différent de ce qu’elles sont. Lors de l’Invasion de la baie des Cochons, par exemple, des efforts considérables ont été déployés pour que l’envahisseur ressemble à un corps autonome de soldats expatriés ; et non à une armée auxiliaire, entraînée et équipée par les États-Unis. En bref, l’assassinat du Président Kennedy présentait, en fait, les critères d’une véritable expertise : à savoir des connaissances et des compétences d’expert, sous couvert d’amateurisme » (p. 188).
Nos débunkers ne s’intéressent pas du tout aux arguments massue de l’auteur : « La dépêche laisse entendre que la seule raison pour laquelle la suspicion populaire viserait la CIA est que les détracteurs de la Commission Warren envisageraient des complots. La dépêche insinue, apparemment, que la CIA n’aurait pas pu être soupçonnée simplement parce que : son chef avait été congédié par Kennedy ; parce que Kennedy avait menacé de supprimer l’agence ; parce que la CIA a été impliquée dans de multiples tentatives d’assassinats à l’étranger ; parce que le cloisonnement de l’information dans l’agence augmentait le risque d’opérations véreuses ; et parce que la CIA aurait dû surveiller Oswald, en raison de sa désertion pour l’Union soviétique et de son retour aux États-Unis. Il est difficile de croire qu’une agence comme la CIA, capable de raisonner aussi froidement sur la meilleure façon d’assassiner un président, soit naïve au point de penser que les Américains ne la considèrent pas avec un peu de suspicion » (p. 190).
Selon les époques, les « théories du complot » étaient considérées comme « gauchistes » ou « de droite ». « Ainsi, l’étiquette « théorie du complot » devient un puissant moyen de diffamation, qui, au nom de la raison, du civisme, ou de la démocratie, préempte le débat public, renforce – plutôt qu’il ne résout – les désaccords et sape la vigilance populaire à l’encontre des abus de pouvoir. Mis en place par la CIA en 1967, ce terme continue sa mission destructrice au sein de la politique américaine » (p. 213).

Chapitre VI : « Les crimes d’État contre la Démocratie »

Ce chapitre est le plus important à mon avis. Il aurait mérité d’en faire deux. L’auteur établit un parallèle intéressant entre la preuve de la gravité par Galilée avant Newton et les preuves des crimes d’État : « Le fait que des objets de poids différents chutent avec la même accélération a été une découverte stupéfiante. Les gens avaient vu des objets tomber d’innombrables fois, mais ils avaient toujours supposé que les objets les plus lourds tombaient plus vite que les objets les plus légers. Ainsi, le concept de gravité mettait en évidence un phénomène observable que les croyances conventionnelles avaient empêché de voir. Le concept de « Crime d’État contre la Démocratie » fonctionne de manière similaire : en postulant l’existence de programmes, de la part d’une élite invisible, on découvre des tendances et des schémas répétitifs en matière de crimes politiques » (p. 220).
Sur l’événement appelé « 11 septembre », les révélations sont connues, et pourtant les « journalistes » se refusent à en tirer les conclusions logiques :
« Aujourd’hui encore, lorsqu’on évoque le 11 septembre, les images qui nous viennent à l’esprit nous montrent la destruction « d’en bas ». Si ce sont des images des Tours Jumelles, la perspective est toujours en contre-plongée, depuis la rue. Bien sûr, dans le cas du 11 septembre, la tendance naturelle à amplifier la menace et à la voir « d’en bas » a été renforcée par le fait que cette dernière venait du ciel. Mais elle a également été encouragée par la décision du gouvernement américain de mettre sous séquestre les photos montrant le carnage en plongée. Avant, pendant et après l’implosion des Tours Jumelles, des milliers de photos ont été prises du World Trade Center, depuis un hélicoptère de la police qui le survolait. Ce sont les seules images existantes qui montrent la destruction vue d’en haut. Et pourtant, ces photos ont été retirées du circuit pendant plus de huit ans. Elles n’ont été rendues publiques que parce qu’ABC News a formulé une requête, au titre de la Loi sur la liberté d’information (FOIA), auprès de l’Institut national des normes et de la technologie (le NIST), l’agence chargée de l’investigation sur la destruction du World Trade Center.
Il est significatif qu’aucune explication officielle, pour justifier la mise sous séquestre de ces photos, n’ait été fournie. Et ce, malgré un éditorial du New York Times dénonçant cette façon de procéder, après la publication des photos le 14 février 2010. Cet éditorial se concentrait sur la façon dont ces photos auraient changé la perception populaire du 11 septembre, si elles avaient été publiées plus tôt. L’éditorial était intitulé « 9/11 vu d’en haut ». Il s’agit d’un texte tourmenté et perturbant, qui laisse planer de sombres doutes, sans pour autant les exprimer clairement. L’éditorial mentionne qu’il est « surprenant de voir ces photographies maintenant, entre autre parce que nous aurions dû les voir plus tôt ». Les auteurs, en soulignant que « le 11 septembre s’est résumé à une collection d’images stéréotypées », laissent entendre que ces images ont laissé aux Américains une représentation des événements à la fois trouble et amplifiée (comme zoomée de trop près). Opposant, implicitement, cette « collection d’images stéréotypées » aux photographies rendues publiques, l’éditorial affirme que, parce que les photos de l’hélicoptère ont été « prises de haut, elles saisissent avec une précision étonnante, à la fois le volume du nuage pâle qui a englouti Lower Manhattan et la netteté de ses bords ». Les auteurs n’expliquent pas ce que cela révèle sur le 11 septembre, mais ils croient, à n’en pas douter, que ce point est significatif ; car ils concluent en disant : ces photos « nous rappellent combien il est important de continuer à élargir notre perception de ce qui s’est passé le 11 septembre, de continuer à l’envisager dans un contexte historique plus large » (p. 224).

Photo aérienne de l’attentat du World Trade Center, 11 septembre 2001 (reproduite p. 248).
© Greg Semendinger, npr.org

On peut visionner ces photos prises par un inspecteur de police maintenant retraité, Greg Semendinger, sur des archives diverses de février 2010, mais je n’ai pas réussi à trouver dans un texte en français un journaliste s’interrogeant sur la raison de la mise sous séquestre pendant 10 ans de ces photos aériennes. Circulez, il n’y a rien à voir !
Le réflexe de tout enquêteur de se demander à qui profite le crime semble oublié quand il s’agit de crimes d’État : « Nixon fut non seulement responsable du Watergate et de la surveillance illégale de Daniel Ellsberg, mais il bénéficia directement de l’assassinat de Robert Kennedy, en 1968, et de la tentative d’assassinat de George Wallace, en 1972 [NdT : Wallace est resté hémiplégique après cette tentative d’assassinat]. R. F. Kennedy fut assassiné le soir où il remportait la primaire démocrate de Californie. Il était le favori, destiné à remporter l’investiture nationale du Parti démocrate. Et il aurait été un candidat redoutable, lors de l’élection présidentielle contre Nixon. Quant au candidat tiers, G. Wallace, il représentait une menace pour Nixon, car il semblait pouvoir remporter un certain nombre d’États du Sud, ce qui aurait pu empêcher Nixon d’obtenir la majorité des voix du Collège électoral » (p. 234). L’auteur note d’ailleurs ironiquement : « Il est clair, par exemple, que les cibles d’assassinat sont des responsables qui contrôlent la politique étrangère. Des présidents pacifistes, dotés de vice-présidents bellicistes, sont des assassinats sur liste d’attente. Depuis la fusillade visant Ronald Reagan [son vice-président est alors Bush senior], les candidats à la présidence ont plutôt pris soin d’éviter de tenter le sort. Ils choisissent, désormais, des colistiers qui sont des clones d’eux-mêmes, qui sont cardiaques, ou qui – comme Dan Quayle ou Sarah Palin – ont des compétences discutables » (p. 239).
« En observant les agissements des enquêteurs du NIST, nous apprenons que, malgré des indices de démolition contrôlée (ou à cause de ces indices), le gouvernement a omis d’enquêter sur les débris du World Trade Center. Une enquête aurait permis de découvrir des traces d’explosifs et de bombes incendiaires. Cette défaillance a été dénoncée par de nombreux scientifiques, ingénieurs, architectes et autres experts. Un leader de ces lanceurs d’alerte a été le scientifique Steven E. Jones, qui critiqua l’enquête du NIST dans un chapitre de l’ouvrage 9/11 and American Empire. La décision des enquêteurs fédéraux, de ne pas vérifier la présence de traces chimiques témoignant d’une démolition contrôlée, constitue sans aucun doute une omission délictueuse, révélatrice qu’ils disposaient « de connaissances coupables » sur la question. En d’autres termes, les enquêteurs pourraient avoir évité d’examiner les débris, parce qu’ils savaient qu’une telle enquête révélerait des traces d’explosifs et de bombes incendiaires ; et qu’ils ne voulaient pas que de telles preuves soient découvertes.
Parmi les agissements d’autres responsables, immédiatement observables après le 11 septembre, on recense :
– l’invasion immédiate de l’Afghanistan ;
– l’adoption d’une politique officielle de guerre préventive (cf. le Rapport sur la Stratégie en matière de Sécurité nationale, de 2002) ;
– et la manipulation des services de renseignements, pour justifier l’invasion et l’occupation de l’Irak.
Par ces agissements, les membres de l’exécutif pourraient avoir simplement exploité les attentats du 11 septembre 2001, sans pour autant avoir joué un rôle dans leur facilitation. Cependant, les preuves existent d’un programme préexistant, visant à trouver un prétexte pour mener des guerres offensives au Moyen-Orient. Ceci, afin de prendre le contrôle sur des réserves énergétiques, en déclin aux États-Unis. Aussi troublant que cela puisse paraître, on ne peut exclure la possibilité que le 11 septembre ait été un coup monté de l’intérieur, motivé par des ambitions impérialistes. Pour les chercheurs, la question suivante à se poser est : si le 11 septembre est un « Crime d’État contre la Démocratie », qui en sont les principaux suspects, concrètement, et que faisaient-ils à l’époque ? » (p. 249).

Mèmes et « virtoks »

L’un des apports les plus originaux de cet ouvrage, au-delà de la propagation du terme « théorie du complot », est la proposition de « rechercher des phrases toutes faites, des ensembles sémantiques artificiels et cohérents, en provenance de la CIA (de même nature que le concept langagier [meme], implanté par le programme de propagande de la CIA pour stigmatiser toute thèse envisageant des conspirations) » (p. 247). Cela aurait pu constituer un chapitre à part, en tout cas c’est passionnant pour le professeur de lettres que je suis !
« Le programme de propagande de la CIA de 1967 montre que le gouvernement des États-Unis s’est engagé activement dans l’ingénierie sociale de la culture citoyenne américaine. Et il a fait preuve, dans ce domaine, d’une inquiétante efficacité. Il semble qu’une des méthodes adoptées consiste à [établir un contrôle psychique des populations par la manipulation du langage. Par exemple, en] introduisant des modes langagières [memes] dans le langage courant [NdT : le terme meme (cf. Annexe 6.4) n’aurait pas encore de traduction en langue française. Nous le traduirons ici par toc verbal viral, ou virtok] [3]. Le gouvernement s’appuie, pour cette manipulation linguistique, sur un réseau mondial de contacts et de ressources médiatiques. L’universitaire le plus calé sur la question a comparé cette machine de propagande à « un orgue aux tuyaux géants ».
INGÉNIERIE CULTURELLE.
L’éventualité d’une ingénierie culturelle, en lien avec le 11 septembre, les attaques à l’anthrax et autres crimes connexes, devrait être étudiée. Il est logique de présumer que des opérations d’ingénierie culturelle secrètes comportent l’introduction de modes langagières à base de virtoks débilitants ; et peut-être même d’autres formes de langage, pouvant être utilisées comme des armes linguistiques [weaponized language] dans l’arène discursive. Ceci, afin de fausser la recherche de sens, la recherche de consensus et la recherche d’action concertée, dans la sphère publique. Ces virtoks destructeurs pourraient avoir des caractéristiques similaires à ceux de l’étiquette « théorie du complot » (étiquette rappelons-le puissante sur le plan normatif, mais erronée conceptuellement et qui s’écarte des us et coutumes de la culture citoyenne américaine originelle).
Un certain nombre de virtoks ont été introduits par les militaires, dans le cadre de la guerre contre le terrorisme. À commencer par l’expression « guerre contre le terrorisme », ou « guerre mondiale contre le terrorisme ». Mais on peut considérer que ces termes ne sont pas destinés au contrôle psychique des populations par la manipulation du langage, du moins lorsqu’ils sont considérés isolément, car ils n’ont pas été diffusés subrepticement dans la sphère publique. Ces virtoks, certes, faussent et entravent la communication ; mais ils sont identifiés et reconnus comme des artefacts. Et, à ce titre, leur capacité à déformer le débat public est atténuée. En revanche, les modes langagières, ou virtoks, méritant d’être examinés soigneusement sont ceux considérés comme allant de soi, comme semblant provenir du bon sens naturel de la société civile. Ces virtoks sont de potentiels chevaux de Troie linguistiques, susceptibles d’induire une restructuration cognitive insidieuse » (p. 254).
L’analyse du même linguistico-typographique « 9/11 », que j’ai allégée, peut aussi constituer un bon extrait pour des cours de médiologie ou de culture générale :
« Tout d’abord, l’expression « 9/11 » renferme un symbolisme chargé émotionnellement ; car, aux États-Unis, les chiffres 9-1-1 correspondent au numéro d’appel d’urgence. Ce qui signifie que faire référence au 9/11 provoque, chez tout Américain, des pensées subliminales en lien avec le fait de décrocher son téléphone pour appeler une ambulance, ou pour demander l’aide de la police ou des pompiers. Mais la formule 9/11 n’aurait pas été possible, si les événements n’avaient pas eu lieu un 11 septembre. On peut donc supposer qu’il ait d’abord fallu planifier une date chargée de représentations émotionnelles. Puis intervenir dans le processus discursif de la société civile pour proposer que la date devienne l’étendard de ces événements. Et enfin, intervenir pour supprimer « l’année » de la date « 9-11-01 » et aboutir à l’appellation « 9-11 ».
Il s’avère que la relation, entre la date abrégée (9/11) et le numéro d’appel d’urgence (9-1-1), a été relevée explicitement, lors d’une des toutes premières mentions du terme « 9/11 » dans les médias. Cette formule 9/11 est en effet apparue dans le titre d’un article du New York Times, daté du 12 septembre 2001 : « America’s Emergency Line : 9/11 ». Dès la première phrase, l’article indique que le 11 septembre est une « date sonnant, à juste titre, comme un avertissement pour l’Amérique ». Depuis, le lien entre la date des événements et le numéro d’urgence n’aura été mentionné qu’une seule autre fois dans le New York Times (article de février 2002) » […] « Lorsque les Américains font référence à un jour particulier, en raison de sa signification historique, ils utilisent rarement la date. Ils parlent de l’Independence Day, du D-Day, du VE Day, de l’Election Day, et ainsi de suite. S’ils avaient fait cela pour l’attentat du 11 septembre 2001, ils l’auraient appelé l’Hijacking Day, ou quelque chose du genre.
Le terme « 9/11 » devrait être suspect, parce que, tout en étant extrêmement sobre et concis, il a eu tellement d’impact. Il devrait, à ce titre, faire l’objet d’une enquête scientifique et judiciaire. 9/11 est comme un projectile verbal, chargé de répercussions explosives et profilé pour pénétrer. C’est une expression très courte : trois chiffres et un slash. Et pourtant, par le simple fait d’évoquer indirectement le numéro d’appel d’urgence national, cette expression véhicule une certaine idée de la relation entre le citoyen et le gouvernement. Les actes du gouvernement doivent désormais être dictés par l’urgence et non plus par des exigences légales ou constitutionnelles. Le gouvernement se présente comme un sauveur, un protecteur. Le rôle du citoyen se résume à appeler à l’aide et à attendre que l’aide arrive » […] « Nous ne sommes pas en état de guerre, nous sommes en état d’urgence. Ce qui représente une menace bien plus grande, pour notre démocratie, qu’un conflit ordinaire. Ce lien, entre 9/11 la date et « 9-1-1 » le numéro d’appel d’urgence, en semant l’idée que le 11 septembre 2001 a créé un état d’urgence, a transformé les attentats du 11 septembre en un événement aux proportions historiques à l’échelle mondiale : le début d’un état d’urgence sans fin » […] « Le terme « 9/11 », en mettant l’accent sur la date, a également d’autres implications : il détourne notre attention des victimes, des dégâts et de l’absence de réponse militaire nationale. Imaginez que l’on évoque ces événements par une formule comme « les massacres par avions », ou « l’effondrement de plusieurs gratte-ciels », ou de « l’échec de la défense aérienne nationale ». Chacune de ces évocations renverrait à un objectif d’enquête différent. Alors que « 9/11 », utilisé comme un nom, nous amène à raisonner en termes de chronologie et de tournant historique ; plutôt qu’en termes de défaillances et de responsabilités. Les forces armées des États-Unis, l’armée de l’air en particulier qui a la responsabilité en priorité de la défense aérienne de la nation, ont largement bénéficié que l’accent soit mis sur la date. 9/11 permet de faire oublier l’échec de l’armée de l’air, ce jour-là » (pp. 257-262).

Chapitre VII : « Pour un rétablissement de la Démocratie »

« Il n’y a pas, dans la Constitution, de clause prévue pour un accord secret entre le Président américain, George W. Bush, et le Premier ministre britannique, Tony Blair, pour envahir l’Irak au printemps 2003 (comme le rapportent les Downing Street Memos). Dans son ouvrage, sur les décisions précédant l’entrée en guerre de l’Amérique dans la Deuxième Guerre mondiale, Charles Beard soulignait que le Président Roosevelt avait conclu des accords secrets avec les Britanniques, pour entrer en guerre dans l’océan Pacifique sous certaines conditions. Roosevelt avait « omis » de soumettre ces projets à l’approbation du Sénat. Beard avertissait [déjà] que cette usurpation d’autorité créerait un précédent, si elle était tolérée. Et c’est manifestement ce qui s’est passé. Car, malgré le tollé provoqué par le fait que l’administration Bush ait induit le pays en erreur pour déclencher une guerre en Irak, aucune plainte n’a réellement été formulée, concernant l’alliance secrète entre les États-Unis et le Royaume-Uni.
« Le peuple ne peut pas, non plus, contrôler le gouvernement, si les présidents passent l’éponge sur les crimes de leurs prédécesseurs, en usant de leur pouvoir de « grâce présidentielle » pour affranchir leurs subordonnés ou eux-mêmes de toute responsabilité. […] Cependant, selon Walsh, ces grâces présidentielles empêchèrent l’application juste de la loi à des personnes occupant des postes de responsabilité, qui avaient menti pour aider un président à échapper aux mesures législatives contraignantes, qui encadrent l’action du pouvoir exécutif [NdT : ces « grâces présidentielles » s’avèrent autant d’incitations répétées à l’impunité] » (pp. 277-279).
« Si les présidents savaient qu’ils feraient l’objet d’investigations à la fin de leur mandat, il est probable qu’ils auraient la prudence, tout simplement, de respecter les lois » (p. 282).
« Bien sûr, depuis que le premier Président Bush a gracié les accusés dans l’affaire Irangate, l’incitation des agents subalternes à protéger le président de la destitution est devenue très forte. Préserver le président rend les « grâces présidentielles » disponibles, si nécessaire, ultérieurement. Mais affirmer « qu’un président n’est pas responsable de crimes qu’il n’aurait pas approuvés dans le détail », c’est comme dire qu’un patron de Mafia est innocent parce qu’il ne savait pas que ses hommes allaient détourner tel camion, à telle ou telle date » (p. 284).
Le mensonge autour de l’assassinat de JFK est assimilé à un « éléphant dans le salon » (p. 287). L’auteur se livre alors à une analyse objective (et presque convaincante) des raisons de cet assassinat d’État, et conclut : « À l’époque, la Constitution ne prévoyait aucun moyen rapide de destituer le Président Kennedy. Toute initiative en ce sens aurait conduit à un conflit politique prolongé et aurait nécessité la divulgation d’ordonnances militaires, au sujet du président. Des ordonnances qui ne pouvaient tout simplement pas être diffusées. La consommation de drogues et de femmes de Kennedy pouvait être un motif valable à sa destitution, car elle témoignait de son incurie. Mieux encore, ses efforts manifestes pour positionner son frère, en le nommant procureur général afin que ce dernier suive ses traces vers la présidence, pouvaient être mentionnés. Au-delà d’être indélicats, ils rendaient possible douze autres années supplémentaires de règne Kennedy (quatre de plus pour John et huit pour Robert). Et peut-être huit de plus, encore, si Teddy s’avérait compétent. Mais les motifs véritables ne pouvaient être abordés. Si John Kennedy fut victime d’un crime d’État, il l’a très certainement été à cause de son positionnement politique, au plus fort de la Guerre froide, quand les États-Unis et l’Union soviétique étaient dans un bras de fer thermonucléaire » (p. 297).
« Néanmoins, la campagne de la CIA contre la « théorie du complot », lancée en 1967, connut un succès retentissant. L’étiquette péjorative « théorie du complot » finit par devenir la norme dans la bonne société. Et tout commentaire, à propos d’indices de crimes de la part de l’élite, quel qu’en soit le domaine, fut banni des médias. Mais les gens sont étranges. Ils peuvent être intimidés et réduits au silence. Pour autant, leurs pensées refoulées parviennent à s’échapper, d’une manière ou d’une autre. Oh, juste un peu. Dans des lapsus, des blagues, des conversations pendant leur sommeil. Ainsi, à mesure que les thèses envisageant des conspirations étaient interdites dans la sphère publique, des tournures de phrases, issues de ces thèses, entraient dans les propos politiques usuels : « tireur isolé », « monticule enherbé », « balle magique », « candidat
mandchou », « terrorisme sous faux drapeau », « sortie sous condition », « agiter le chien », « laisser-faire », « Iraqgate », « Plamegate », « Surprise d’octobre », etc. [NdT : ces termes, relativement intraduisibles en français, proviennent des publications issues d’enquêtes indépendantes] » (p. 306).
Je note un paragraphe optimiste qui mentionne le conte d’Andersen « Les Habits neufs de l’empereur » auquel j’ai consacré une parodie, après que le Pr Raoult l’ait également mentionné dans une de ses interventions !
« Voici donc où en sont les choses. D’une part, il y a une pression croissante pour une glasnost américaine. Ce n’est pas une coïncidence, si des recherches sur la notion de « Crime d’État contre la Démocratie » – c’est-à-dire sur la pertinence d’examiner les crimes politiques de manière conjointe et comparative – ont émergé au cours de la dernière décennie. La nation est en train de recouvrer la vue. En effet, il devient difficile de ne pas remarquer la spirale de corruption apparue concomitamment avec la « guerre contre le terrorisme ». Chaque événement est comme un point aléatoire supplémentaire, sur la carte des « Crimes d’État contre la Démocratie » et rend plus perceptible leur schéma répétitif. L’Internet est également un facteur qui a facilité cette prise de conscience. Non seulement, il met en contact les esprits suspicieux ; mais il offre également, au citoyen lambda, un accès immédiat à de vastes archives (notamment celles des journaux et des magazines) ; une ressource qui n’avait jamais, jusqu’alors, été accessible, si ce n’est aux analystes militaires et du renseignement. Les citoyens américains ressemblent, de plus en plus, à ceux de l’histoire des Habits neufs de l’empereur… Il semblerait que ce ne soit qu’une question de temps, avant que l’électorat ne finisse par voir clairement ce qui est sous ses yeux depuis longtemps » (p. 309).
L’auteur insiste dans cette conclusion sur les failles de l’enquête sur le « 9/11 » : « Les enquêtes sur les crimes politiques, les catastrophes et les événements suspects ne répondent pas aux normes minimales d’investigation sur de nombreux autres points. Les suspects ne sont pas interrogés. Les témoins ne sont pas entendus. Les allégations et les alibis ne sont pas vérifiés. Parfois, les enquêtes sont retardées par les personnes mêmes qui devraient être suspectées. Pendant l’année qui suivit le 11 septembre 2001, l’administration Bush-Cheney résista aux demandes de création d’une commission d’enquête sur le 11 septembre. Elle céda, finalement, sous la pression des familles de victimes. L’administration attribua alors, à la commission, un budget ridicule et lui imposa des délais irréalistes. Plus tard, on fut étonné d’entendre que le Président Bush et le vice-président Cheney avaient insisté pour témoigner ensemble, en privé et sans prêter serment, auprès de la Commission du 11 septembre » (p. 317).

Annexes

Les Annexes sont à la fois des pages ôtées de l’essai parce que trop propres au contexte étasunien, et des compléments que la traductrice-journaliste a souhaité porter à la connaissance des lecteurs, comme le texte intégral de la Constitution étasunienne ou de la « Déclaration d’indépendance américaine », dont j’extrais ce paragraphe à méditer pour nous français en 2022 : « Dans tout le cours de ces oppressions, nous avons demandé justice dans les termes les plus humbles ; nos pétitions répétées n’ont reçu pour réponse que des injustices répétées. Un prince, dont le caractère est ainsi marqué par les actions qui peuvent signaler un tyran, est impropre à gouverner un peuple libre » (p. 365).
L’auteure a adapté en français deux articles anglais pour constituer un très instructif précis d’infiltration de forums par les trolls intitulé « Exemples de techniques d’infiltration cognitive ». Je ne le recopie pas ; reportez-vous à la version en ligne du livre (pp. 299-301).
Son chapitre sur la Novlangue de George Orwell contient cette information très instructive :
« Peu d’intellectuels ont osé écrire sur ce sujet. Parmi eux, Michel Geoffroy, auteur de La Superclasse mondiale contre les peuples (2018). Il a publié plusieurs dictionnaires de novlangue répertoriant ces mots, ou expressions, qui apparaissent ex nihilo et envahissent les médias. Avec ces mots, rabâchés et imposés, qui changent le sens du réel, la pensée est formatée avant même qu’elle ne s’exprime. « La novlangue part de l’idée, lancée par les structuralistes français, que les mots véhiculent des valeurs ; et qu’en changeant le sens des mots on réussira à changer la réalité des choses », explique Michel Geoffroy. « La novlangue a donc pour but d’empêcher de penser les choses telles qu’elles sont. Il s’agit d’une désinformation, qui a pour finalité de jouer sur les perceptions du sujet qui utilise ces mots. » Sidérer la pensée, c’est l’annihiler. De 2010 à 2017, M. Geoffroy est passé d’un lexique de 250 mots à ces « 1 000 mots qui vous manipulent ».
Certains sont des « mots trompeurs » (qui désignent le contraire de ce qu’ils prétendent signifier). D’autres des « mots subliminaux » (qui déclenchent des réactions inconscientes). D’autres encore, des « mots sidérants », des « mots terroristes », qui interdisent toute pensée critique, en imposant une association d’idées conditionnée. Ou des « mots tabous » : ces derniers ont tendance à disparaître, car les utiliser rend suspect (démocratie, nation, souveraineté, indépendance, peuple, racines, civilisation, famille, race…). Michel Geoffroy incite à décrypter le discours dominant dans la sphère publique, pour s’en libérer. La novlangue « est un bobard permanent, qui exprime l’emprise du politiquement correct sur notre société. Dépister la novlangue constitue donc une œuvre de salubrité et contribue à rétablir une liberté essentielle : la liberté de pensée ».
Références : M. Geoffroy & J-Yves Le Gallou (inspecteur général de l’administration), Dictionnaire de Novlangue, ces 1 000 mots qui vous manipulent, 2015, Éd. Via romana » (p. 397).

 La lecture de ce livre est bien sûr à compléter par des informations sur la situation en France. Voir ce dialogue passionnant sur la tuerie du Bataclan, à visionner sur Profession Gendarme. Aux États-Unis, la révolte populaire & pertinace à propos de la fraude massive aux élections de 2020, révélée par le film 2000 Mules est un signe de changement d’attitude de la population. On se doute que pour ne pas finir comme les Kennedy, Trump a dû avaler un banc de couleuvres, mais là, c’est le peuple qui se réveille, et quand le peuple aura vraiment compris pour l’un de ces crimes, il tirera le fil et toute la pelote viendra ; c’est ce qu’il faut nous souhaiter de meilleur. Je me suis amusé à lire la fiche W sur Wikipédia, eh bien croyez-le si vous voulez, mais l’article sur 2000 Mules ne comporte pas encore le tampon « complotiste », qui avait été apposé sur Hold-up en moins d’une heure chrono, comme cela a été révélé dans cet article.

Voir notre cours sur les fake news.

Article repris sur Profession gendarme.

Lionel Labosse

Voir en ligne : Aux origines de la « théorie du complot » disponible en ligne

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[1] Voir l’article cité en anglais : « Covid-19 : politicisation, “corruption,” and suppression of science ».

[2] La traduction de Marielsa Salsilli ne me semble pas heureuse sur ce point ; pour ma part, j’ai opté depuis des lustres pour « complotosceptiques ».

[3] J’ignore pourquoi la traductrice ne traduit pas « meme » par « mème », le mot étant désormais bien diffusé en français, contrairement à ce qu’elle affirme dans son annexe 6.4., page 398 ; son « virtok », auquel j’aurais préféré « virtoc », est pourtant alléchant. Mes étudiants ont utilisé ce mot spontanément cette année pour désigner un photogramme du film Shining que l’on retrouve effectivement repris partout, pour tourner en dérision tout et n’importe quoi, ce qui est le principe du mème visuel, pour le meilleur et pour le pire. Rechercher :

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Source : Alter sexualité

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