Appels d’urgence : réunir les secours et la sécurité dans des plateformes communes

Pour répondre au manque d’interopérabilité entre les différents acteurs du secours et de la sécurité, des plateformes communes sont créées.Sont concernés les acteurs de l’urgence : les Samu, les services départementaux d’incendie et de secours, la police nationale et la gendarmerie nationale.Les opérateurs des différents services d’urgence sont rassemblés sur des plateformes communes de réception des appels , avec un numéro unique.

Abandonner les traditionnels numéros d’urgence – le 15 (Samu), le 17 (police-gendarmerie) et le 18 (pompiers) – au profit du seul 112, le numéro d’appel unique européen, et rassembler tous les acteurs chargés des appels d’urgence dans des plateformes communes. Voilà la proposition présentée par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) lors de son dernier congrès national à Agen, en septembre 2015.

Arguments majeurs : le 112 apporterait davantage de clarté au public confronté à une multiplication des numéros d’urgence – on en compte aujourd’hui une quinzaine… Quant aux plateformes communes, elles faciliteraient l’interconnexion entre les différents acteurs et diminueraient les coûts.

Rapprochement des « 17″, « 18″ et « 112″

« Ces plateformes pourraient être organisées sur plusieurs niveaux, précise le lieutenant-colonel Christophe Marchal, membre du comité exécutif de la FNSPF. A un échelon zonal ou régional, on trouverait un premier niveau de débruitage pour distinguer l’urgence du reste et un deuxième afin de traiter l’appel par des opérateurs métiers. A une échelle plus proche du terrain, un troisième niveau serait consacré à l’engagement des moyens. Cette logique pourrait s’accorder avec la tendance à la régionalisation des centres de réception et de régulation des appels des Samu. »

Présent à Agen, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a répondu à cette proposition en évoquant la nécessité de « faire l’inventaire précis des questions techniques », notamment en termes d’interopérabilité, et a exprimé le « souhait d’une expérimentation hors Paris concernant le 17 et le 18 ». Une première plateforme commune 17-18-112 vient, en effet, d’entrer en fonction sous l’égide de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.

Depuis le mois de février, les appels  17 composés depuis Paris et la Seine-Saint-Denis sont traités sur une plateforme qui rassemble des opérateurs policiers et sapeurs-pompiers – les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne devraient être intégrés au dispositif dans les mois à venir. « Ce rapprochement s’est fait naturellement car les deux services dépendent de la préfecture de police, confie le commandant Gabriel Plus, porte-parole des sapeurs-pompiers de Paris. L’intérêt est évident car nous sommes régulièrement amenés à échanger et à croiser des informations en amont des départs en intervention. »

Une autre expérimentation de plateforme commune 17-18-112 vient d’être lancée par le ministère de l’Intérieur dans la région Centre. Ce projet a vocation à tester l’approche du traitement des appels sur plusieurs niveaux et à développer l’interopérabilité des systèmes de gestion d’alerte. « Il n’existe pas de procédure d’échange informatique automatisé entre les systèmes d’information uniques de la police nationale et de la gendarmerie nationale, d’une part, et ceux des services d’incendie et de secours [Sdis], d’autre part », rappelle le colonel Pascal Farron, chef du bureau « organisation » à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

Du côté des acteurs du secours, il existe déjà une marque NF 399 « logiciel sécurité civile » qui garantit l’interconnexion entre les logiciels des Sdis, et entre ceux des Sdis et des Samu. Cependant, les échanges ne sont pas encore effectifs sur tout le territoire national.

Vingt centres communs « 15″ – « 18″

Le Samu n’est pas présent sur la plateforme parisienne et n’a pas non plus été intégré au projet dans la région Centre. « Il n’y a encore aucun projet immédiat de plateformes communes 15-17-18 », confirme le colonel Pascal Farron. De son côté, le ministère de la Santé a lancé en décembre 2015 un programme de développement de système d’information unique au niveau national pour les Samu.

« Un projet qui ne s’inscrit pas dans une démarche de création de plateformes uniques », regrette le lieutenant-colonel Christophe Marchal. Un peu plus tôt, en octobre 2015, l’association Samu – urgences de France présentait dans un livre blanc la création des plateformes uniques 15-18 comme une « fausse bonne idée ». L’initiative ne constituant « ni une condition nécessaire ni une condition suffisante pour établir ou maintenir une relation de qualité entre les deux services ». L’association proposait, en outre, la création d’un nouveau numéro d’appel d’urgence dédié à la santé : le 113.

Malgré ces réticences, les initiatives locales ont déjà abouti à la création de 20 plateformes communes 15-18 sur le territoire national, et 8 sont en projet. Ces centres communs présentent différents degrés de rapprochement interservice. Certains, dit virtuels, reposent simplement sur l’interconnexion de deux sites distincts. Cependant, la plupart des plateformes communes rassemblent les opérateurs des deux services dans une même salle et, de plus en plus, avec des systèmes informatiques interconnectés.

Parfois, les personnels du Samu et du Sdis utilisent un seul outil de gestion de l’alerte en commun. Tel est le cas en Haute-Savoie (lire ci-contre). « A la prise d’appel, un régulateur du Samu décroche le 15 et un opérateur du Sdis décroche le 18 et le 112, mais tous les deux suivent la même procédure, explique le colonel Michel Anthoine, chef d’état-major de la Haute-Savoie. Ils déterminent un niveau de priorité de l’appel et transfèrent le requérant soit au pôle Samu, soit au pôle Codis” (*), selon le type de secours à déclencher. »

« Un atout pour l’entente et la coordination »

En Lot-et-Garonne, où les deux outils métiers sont interfacés, le lieutenant-colonel Philippe Moineau, directeur adjoint du Sdis, confirme l’intérêt du travail collaboratif entre les deux services : « Que ce soit pour du secours à personnes ou pour une crise majeure, la plus-value de la plateforme est de pouvoir traiter et réguler ensemble les interventions. Cela passe par une proximité des postes de travail, des locaux de vie communs et la possibilité de se parler en direct en permanence. »

Un avis partagé par le docteur Laurent Maillard, chef du département « Samu et urgences » d’Agen : « A l’échelle de notre département rural à faible démographie médicale, le rapprochement nous a permis d’obtenir une vision globale des moyens et de lancer une vraie réflexion sur l’aide médicale urgente. »

Dans l’Hérault, le colonel Christophe Risdorfer, directeur du Sdis, souligne l’apport de la plateforme commune lancée en 2014 dans les relations entre les deux services : « C’est à la fois un atout pour l’entente et la coordination, et un facteur d’efficacité pour les secours. Les informations sont traitées rapidement, et il peut arriver que les personnels d’un service prêtent main-forte aux autres lorsqu’ils sont surchargés. »

D’autres services peuvent être présents dans ces centres communs 15-18, tels que les ambulanciers privés, le Samu social ou le service de téléalarme du conseil départemental. Dans certains départements, les acteurs du secours ont proposé aux services de la police et de la gendarmerie de rejoindre leur plateforme. Sans effet pour l’instant.

Focus

« Une interconnexion essentielle pour l’urgence vitale »

Dr Patrick Hertgen, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

« Les besoins de lisibilité pour le grand public mais aussi d’interopérabilité entre les acteurs de l’urgence militent en faveur du 112 comme numéro unique. Fonctionner avec un numéro unique et une plateforme commune permet de faire circuler les informations plus vite entre les trois services. Nous regrettons la position autocentrée de l’association Samu-urgences de France, alors qu’il y a un besoin essentiel d’interconnexion pour faire face aux urgences vitales. L’idéal serait que le 112 réunisse tous les acteurs de l’urgence et que la permanence des soins, qui constitue aujourd’hui l’essentiel de l’activité des centres 15, soit relayée vers un autre numéro. »

 

Focus

« Mutualiser les moyens dans l’intérêt de la victime »

Dr Thierry Roupioz, responsable du centre 15 de la Haute-Savoie

« En Haute-Savoie, la réception du 15 et du 18 a été centralisée à partir de 1996. Les responsables du Samu et du Sdis ont donc l’habitude de travailler ensemble. Nous nous réunissons régulièrement afin d’évoquer les difficultés rencontrées par les opérateurs au quotidien et de trouver des solutions à ce qui peut dysfonctionner, en gardant toujours comme objectif principal l’intérêt de la victime. Le fait d’avoir connaissance de l’ensemble des moyens disponibles, tout service confondu, nous permet de choisir les ressources les plus adaptées et proches de chaque intervention. La prise d’appel par un premier répondant qui évalue la situation facilite le traitement prioritaire des cas les plus graves. Cela se traduit directement par une amélioration de la prise en charge des victimes. Nous avons ainsi identifié un meilleur taux de survie à la suite d’arrêts cardio-respiratoires, grâce à la rapidité de la reconnaissance et à l’engagement réflexe des moyens de secours. »

Références

Avantages :

  • Une meilleure lisibilité pour le public, une coordination des moyens améliorée et des coûts rationalisés.

Inconvénients :

  • La difficulté à rassembler les différents acteurs, et l’interconnexion des systèmes informatiques encore insuffisante.

Source : La Gazette des communes

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