Affaire Sarah Halimi : le sens d’une décision judiciaire.

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L’émotion provoquée par la décision de la chambre d’instruction de la cour de Paris dans l’affaire Sarah Halimi est parfaitement justifiée, et je la ressens aussi. Comment ne pas être bouleversé par cette tragédie insupportable qui concentre tant de maux de l’époque. Voilà une personne qui après une vie de rectitude et de dévouement aux autres a été massacrée dans des conditions abominables et qu’on le veuille ou non, au nom d’une religion qui aggrave jusqu’au meurtre, la folie d’esprits déjà dérangés. Sarah Halimi fut médecin puis directrice de crèche, elle a été battue, torturée puis défenestrée par quelqu’un qu’il n’est pas possible de qualifier autrement que d’épave humaine. Bon à rien, Kobili Traoré n’a jamais travaillé, dispose d’un casier judiciaire garni de vingt condamnations, et consomme jusqu’à 30 joints de cannabis par jour ! Il a tué Sarah Halimi évidemment parce qu’elle était juive et il l’a fait en récitant des sourates du Coran et en invoquant son Dieu. Il s’agit là incontestablement d’un crime islamiste et antisémite.

La chambre d’instruction de la Cour de Paris vient de rendre une décision par laquelle Kobili Traoré a été déclaré pénalement irresponsable et ne pourra donc pas faire l’objet d’un procès en Cour d’assises. Décision extrêmement douloureuse évidemment pour ses proches, mais aussi pour tous ceux que l’islamisme et l’antisémitisme musulman révulsent. Et l’on assiste depuis à un déferlement de commentaires indignés et rageurs contre une décision qui apparaît incompréhensible.

Malheureusement, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler notamment sur cette affaire, une fois de plus on attend de la justice ce qui ne relève pas de sa mission et on fait dire à la décision judiciaire ce qu’elle ne dit pas. D’abord la montée de l’islam politique et ses conséquences criminelles, et le développement d’un antisémitisme spécifiquement musulman sont des questions directement politiques qui doivent être traitées dans le cadre politique. Ensuite l’état de démence au moment de la réalisation du crime aboutit à l’irresponsabilité pénale de l’auteur qui par conséquent ne peut pas être jugé. L’application de ce principe qui existe depuis la Rome antique n’est pas une quelconque absolution, mais repose sur le fait qu’il n’est pas possible dans ces conditions de conduire une procédure équitable pour prononcer une décision de justice légitime. En revanche la question du traitement de l’aliéné et de sa dangerosité incombe à l’État qui doit l’empêcher de nuire par l’internement et les traitements.

Alors, on fait quand même à la justice un procès d’intention, celui d’avoir voulu exonérer l’accusé de l’accusation d’avoir commis un crime islamiste et antisémite. Ce qui est d’ailleurs tellement compréhensible dans une affaire à ce point insupportable et par conséquent passionnelle. De façon schématique et caricaturale je vais en présenter un résumé en reprenant un tweet qui m’est tombé sous les yeux : « connaissez-vous la jurisprudence Kobili Traoré ? C’est celle qui vous permet de tuer une personne âgée sans risquer un procès, à trois conditions :

•            que vous ayez consommé du cannabis

•            que vous soyez musulman

•            que la victime soit juive »

Eh bien non ! À mon sens il n’y a pas et il n’y aura pas de jurisprudence « Sarah Halimi » ou « Kobili Traoré » . Et en aucun cas l’arrêt de la chambre d’instruction n’a dit que la consommation de cannabis était une circonstance atténuante. Cette présentation est fausse, et ceux qui le sachant, continuent à le prétendre sont de mauvaise foi. La difficulté de ce dossier réside dans le fait que « l’abolition du discernement » au moment de la commission du crime a été provoquée par une énorme surconsommation de cannabis sur un sujet psychiquement vulnérable.

Sur le plan juridique revenons une fois de plus sur la façon dont se pose le problème. C’est l’article 122–1 du Code pénal, succédant au célébrissime article 64 promulgué en 1810, qui traite de la question et des conditions dans lesquelles un accusé peut être déclaré irresponsable. Parlant d’abolition du discernement l’alinéa premier de cet article nous dit « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Le deuxième alinéa quant à lui traite de l’atténuation de la responsabilité et par conséquent de la peine en cas d’altération du discernement. C’est le choix de l’altération qu’a fait en conscience le premier expert choisi par le juge d’instruction, le Docteur Zagury. En application du premier alinéa de l’article 81 du Code de procédure pénale, le juge d’instruction a ordonné une nouvelle expertise réalisée cette fois-ci par un collège de trois experts, qui ont tranché en faveur de « l’abolition du discernement ». Face à ces avis divergents, une troisième expertise a été ordonnée et confiée à un collège de trois autres experts qui ont eux aussi choisi cette même « abolition du discernement ». Nous avons donc eu l’avis de six experts psychiatres assermentés, contre celui du seul Docteur Zagury.

Le profane que je suis ne peut pas dire si Kobili Traoré avait son discernement aboli ou seulement altéré au moment où il accomplissait son immonde forfait. Et personnellement j’aurais préféré qu’il soit jugé. Les magistrats quant à eux doivent se faire une opinion à partir des conclusions des experts psychiatres choisis pour leur compétence. Ils l’ont fait en conscience, et il serait particulièrement malsain de prétendre que c’était pour absoudre un musulman ayant tué une juive. Il se trouve qu’un des six experts qui a conclu à l’abolition est un ami proche de confession juive, et proférer à son égard cette accusation serait à la fois infect et rocambolesque.

Alors on va dire, répéter encore et encore que la Justice n’était saisie que d’une seule question à l’occasion de cette décision rendue le 19 décembre : au regard de la loi française Kobili Traore avait-il discernement aboli au sens de l’article 122–1 du Code pénal au moment où il a commis son ignoble forfait ?  Alors, on peut évidemment comprendre et partager cette frustration, cette colère, ce sentiment d’impuissance face au caractère mortifère de cette montée de l’antisémitisme musulman et de l’islamisme criminel. Mais dans ce cas, ce n’est pas à la justice d’en traiter la globalité de ce problème, c’est une question politique qui doit être traitée politiquement. S’il faut fermer les mosquées intégristes comme celle que fréquentait Traoré, s’il faut expulser les imams qui professent une vision mortifère de leur religion, s’il faut cesser de tolérer les dérives de délinquants d’habitude qui affichent des casiers judiciaires longs comme des jours sans pain, s’il faut amender, modifier, voire supprimer l’article 122–1 du Code pénal, alors il faut s’adresser à ceux dont c’est la responsabilité. C’est-à-dire les responsables de l’État, qui sont aussi ceux qui devront veiller à ce que Traoré dont la dangerosité est incontestable, ne soit pas remis en circulation.

Et non pas insulter une justice qui cette fois-ci a fait son devoir en conscience.

Source : Vu du Droit

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