2020, l’année commémorative de Charles de Gaulle où tous les politiques vont être « Charlie »

En cette année commémorative, nos responsables politiques seront nombreux à se réclamer du Général et pas seulement dans sa « lointaine » famille politique.

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2020 année De Gaulle: 130 ans de sa naissance, 80 ans de l’appel du 18 juin et 50 ans de son décès.

BBC / AFP

Dans un ciel si noir, on va rallumer les étoiles. Celles du Général… Une voie lactée pour le Grand Charles (de Gaulle). D’abord le 130e anniversaire de sa naissance, puis le 50e de sa mort, et encore le 80e de l’appel du 18 juin. Tant d’occasions de commémoration et de célébration dont ne vont pas manquer de s’emparer les leaders politiques. A la traîne pourtant de ceux qui ont tiré les premiers. Pour commencer l’écrivain « gaullo-gaulliste » Denis Tillinac dans un Dictionnaire amoureux du Général si enlevé, si épique, qu’on en pleure de nostalgie. Et puis « Le » film, car on n’a pas osé en tourner jusqu’ici, un premier long métrage simplement et audacieusement intitulé De Gaulle qui nous entraîne à la fois dans sa rébellion londonienne et son intimité amoureuse. Mais ce ne sont là que premières salves, car le fantôme du révolté devenu premier président de la Ve République, que certains imaginaient enfermé dans des châteaux en ruine du passé, va plus que jamais nous hanter et être réanimé.

Par l’actuel chef de l’Etat, d’abord! Emmanuel Macron ne va pas manquer l’occasion de se coiffer du képi de notre héros du passé. Il va commencer par célébrer le colonel blindé de fer et de courage qui, le 17 mai 1940 à Montcornet (Aisne), mena la seule contre-attaque de la bataille de France face à la redoutable 10e Panzerdivision (division blindée de la Wehrmacht). Puis ce sera Londres pour l’appel du 18 juin, la Résistance, la France qui se relève quand elle dit non, et enfin Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne), pour communier dans le souvenir d’un homme d’Etat qui toujours s’obséda autant de la grandeur que du rassemblement national. On se doute des accents graves et aigus que mettra son successeur pour rehausser son autorité et tenter de ravauder un pays déchiré. Mais il ne sera pas le seul. Loin s’en faut.

On les dirait tous « Charlie », les responsables politiques! Nostalgiques de sa grandeur que leurs petitesses magnifient, de son aventure empanachée, si loin de leurs médiocrités, de son romantisme comme de son énergie qui redressaient et galvanisaient des Français aujourd’hui mordus jusqu’à l’âme par le chien noir de la dépression consommatrice. Même son style, son rythme ternaire, en vient à manquer qui, par ses trois temps de répétition, entraîne. Pour peu qu’au départ on sache qu’il y a ce « veto du coeur », ce « non » à l’affaissement, à tous les accommodements, pour un « oui » à la France de toujours qui devrait être celle de demain comme d’aujourd’hui. On l’a tant perdu ce souffle épique qu’on peut être sûr que les « souffleurs » vont se multiplier, en même temps que se disputer les morceaux de la vraie croix de Lorraine.

Modèle de « liberté et de progrès social »

Ils sont si nombreux à se réclamer du Général, et d’abord dans sa lointaine famille politique, même si celle-ci a laissé se dégrader l’héritage fameux en pragmatisme famélique. Chacun des dirigeants de LR, ou qui en est issu, entend se revendiquer de l’Ancien si prestigieux fondateur du RPF. François Baroin, dans son bureau de la mairie de Troyes, garde précieusement un fanion d’une voiture officielle du Général offert par un compagnon de la Libération à son père. Valérie Pécresse s’est engagée en politique après avoir lu Les chênes qu’on abat d’André Malraux. Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, n’oublie jamais de se définir comme « gaulliste social » et a cofinancé avec sa collègue de l’Ile-de-France ce film, De Gaulle. Tous, y compris Jean-François Copé et les plus jeunes, tel le député du Lot, Aurélien Pradié nouveau secrétaire général de LR, affirment garder ce modèle en tête.

Modèle de « liberté et de progrès social ». Modèle de dignité dans une époque indigne qui mérite de rappeler sans cesse « que l’autorité ne va pas sans prestige ni le prestige sans éloignement ». Modèle « de refus de la fatalité », ainsi que le résume l’ex-ministre Hervé Gaymard, président de la Fondation Charles De Gaulle qui a organisé un symposium sur le bilan des années de Gaulle en présence de Julian Jackson, auteur d’une remarquable biographie du Général (Seuil). Cet universitaire anglais relève qu’on ne se rendait pas suffisamment compte que, grâce à ce militaire rebelle, la France avait figuré parmi les vainqueurs de la deuxième guerre mondiale, et non parmi les pays libérés, qu’ensuite, il avait aussi donné des institutions stables à la république. Tout cela sera donc rappelé et… enjolivé. Mais pas seulement par ceux qui se prétendent ses descendants.

Ainsi les communistes eux-mêmes vont profiter de ces anniversaires pour enluminer le leur, celui des 100 ans du Parti communiste. « Car nous avons avec lui façonné la France d’aujourd’hui, comme le relève volontiers son secrétaire général, Fabien Roussel. Une France non alignée, une France résistante. » Même chez ceux qui n’ont pas de passé en commun avec de Gaulle, par exemple les écologistes, on trouve des responsables, tel le député européen David Cormand, qui n’hésitent pas à saluer « l’homme qui nous a sortis du bourbier colonial en Algérie et qui a fait en sorte que la droite française soit la plus sociale du monde ».

Où sont les anti-gaullistes?

Plus surprenant encore, le « gaullo-souverainisme » qu’avait introduit Florian Philippot dans le parti de Marine Le Pen. Plusieurs des fondateurs du FN avaient pourtant voulu l’assassiner, et à plusieurs reprises, ce général qui fit la paix en Algérie contre ses promesses puis contre l’OAS. Mais Paris vaut bien un képi et Marine Le Pen n’hésite plus encenser « le souverainiste défenseur de l’identité nationale », et même à reprendre à son compte des « punchlines » gaulliennes telle « la chienlit ». Quant à Jean-Luc Mélenchon, qui ajoute évidemment « libérale » à « chienlit », il n’hésite pas à appeler « les Français à déferler en masse sur les Champs-Elysées », en se comparant très volontiers à cette « tête dure », de Gaulle fut-il d’origine bourgeoise.

Difficile alors de dénicher, pas même des anti-gaullistes, mais des gaullistes critiques, y compris parmi les socialistes que François Mitterrand avait convertis aux institutions de la Ve République après les avoir tant vilipendées. Le turbulent Arnaud Montebourg par exemple se qualifie lui même de « gaulliste 2.0 ». Pourtant l’ex-premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis veut se rappeler que « de Gaulle-président avait un talon de fer qui écrasait les libertés et les aspirations d’une jeunesse qui se rebella ». Et d’insister: « Il y a chez lui une part d’ombre jamais mise en lumière ».

Né d’une révolte, Charles l’Autoritaire tomba sur les contrecoups d’une autre révolte, celle de Mai 68. Et dans le parcours gaulliste que Valérie Pécresse et la région Ile-de-France ont préparé – »sur les traces du Général de Gaulle »- qui fait halte dans tous les lieux gaullo-sacrés (Rambouillet, Champs-Sur-Marne, Marly-le-Roi, etc.), on peut en effet se demander, s’il ne faudrait pas ajouter Nanterre et la Sorbonne.

Source : Challenges

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