Un détenu picard oublié depuis quarante ans

Condamné à perpétuité en 1979 pour meurtre, un Amiénois n’a, depuis, reçu aucune visite.

Michel Cardon est incarcéré dans la prison de Bapaume. Il n’a reçu aucune visite durant 39 ans.

Michel Cardon est incarcéré dans la prison de Bapaume. Il n’a reçu aucune visite durant 39 ans.

Michel Cardon, 67 ans, n’avait jusqu’alors rien demandé. Condamné à perpétuité en 1979 devant la cour d’assises de la Somme, l’Amiénois croupit depuis en prison. Sans aucune visite, sans jamais espérer sortir, donc sans faire de démarche pour cela. Il vit sa petite vie de détenu à la prison de Bapaume, purgeant sa peine jusqu’à sa mort. On l’a oublié au point qu’il est devenu le Picard qui a vécu la plus longue peine de prison, et il ne doit pas être loin du record au niveau national. La situation est d’autant plus incroyable que l’homme a été condamné pour un meurtre « simple », pas pour assassinat, tortures ou terrorisme.

 

Le Samarien a été jugé avec un autre Amiénois, Jean-Yves Defosse, décédé depuis. Les faits ont eu lieu en 1977 dans une habitation d’Amiens nord. Michel Cardon, qui a grandi dans le quartier Saint-Leu, vit du ramassage et de la vente de cartons et de vieux journaux, gagnant 100 à 150 francs par semaine. Ses parents sont séparés, il est aidé par sa grand-mère. Placé dans son enfance, il a une adolescence marquée par les fugues et les vols.

«Cet homme a besoin d’être accompagné pour son retour dans le XXIe siècle»

Maître Éric Morain

Sa vie a basculé avec la mort d’un retraité lors d’un cambriolage qui a mal tourné. Quarante ans plus tard, il a été oublié, très longtemps. En 2016 toutefois, il s’est passé un événement dans la vie de Michel Cardon. Il a reçu une visite au parloir. Sa première après 38 ans derrière les barreaux ! C’était celle de Benoît, qui a partagé pendant quelques années sa vie carcérale. L’histoire a ému l’avocat Éric Morain. Il a écrit une lettre à Michel Cardon, publiée dans la Gazette du palais. Et il a demandé la permission de rendre visite à l’Amiénois. Ce qui a été accepté. «  Je suis allé le voir mi-septembre 2016. J’ai eu l’impression d’avoir Robinson Crusoé face à moi  », raconte Maître Morain. Michel Cardon est marqué par ses longues années de détention.

«  C’est un vieux monsieur, alors qu’il n’est pas si vieux. Il a un très beau sourire, les yeux qui pétillent  ». Michel Cardon est sourd d’une oreille, aveugle d’un œil, il a des difficultés d’élocution à la suite d’un AVC. «  Il était heureux d’avoir de la visite. Après la médiatisation de son histoire, il a reçu des courriers. Ça lui a fait tout bizarre  », explique l’avocat. « Je lui ai demandé s’il voulait que je le sorte de là, il m’a dit oui. » L’homme de justice a rassemblé des documents sur Michel Cardon. Et il a déposé une demande de libération conditionnelle auprès du tribunal de grande instance d’Arras. C’était en octobre 2016. Depuis, la décision n’a toujours pas été prise. «  Nous attendons le retour d’une expertise. C’est très long, mais il y a toute une procédure particulière pour libérer quelqu’un qui a été condamné à perpétuité.  » Or selon l’avocat, il y a urgence.

Et pour lui, la justice devrait faire preuve de plus d’humanité. Malgré 40 ans passés derrière les barreaux, le retour dans la société de Michel Cardon est possible selon Maître Morain. Il touche une pension d’invalidité et une petite retraite après avoir travaillé en prison. «  Il lui faut des garanties à l’extérieur, un logement, etc. Cet homme a besoin d’être accompagné pour son retour dans le XXIe siècle. » Il pourrait ainsi être placé sous curatelle. Une aide utile pour un homme oublié de tous pendant 40 ans.

Source : L’Union

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