Femme passée à tabac et crâne fracturé en marge d’une manif des Gilets jaunes, non-lieux, policiers mis en examen, retour en 5 actes sur cette affaire

Le parquet de Marseille a annoncé la mise en examen de deux policiers, suite à une information de Mediapart, dans l’affaire de la femme passée à tabac en 2018, en marge d’une manifestation des Gilets jaunes.
Un fonctionnaire de police marseillais a été mis en examen du chef de non-assistance à personne en danger, indique ce vendredi 5 décembre le parquet de Marseille dans un communiqué, confirmant une information de Mediapart, précisant qu’un second fonctionnaire de police est également poursuivi des chefs de non-assistance à personne en danger et violences aggravées par trois circonstances.
Acte 1 : agressée en marge d’une manifestation des gilets jaunes
Une jeune vendeuse de 19 ans sort du travail vers 18h30 le 8 décembre 2018, alors que plusieurs manifestations (Gilets jaunes, climat et logement insalubre) sont toujours en cours dans le centre de Marseille. À l’angle de la rue Saint-Ferréol, elle est victime d’un tir de LBD dans la cuisse. Projetée au sol, elle est ensuite rouée de coups par un groupe de policiers, puis laissée au sol avec une hémorragie cérébrale et une fracture crânienne. « C’était calme, raconte alors à France 3 la jeune fille prénommée Maria dans un premier temps pour préserver son anonymat, et d’un coup, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Il y a commencé à avoir des fumigènes, tout le monde s’est mis à courir. J’ai même pas eu le temps de faire un pas, que je me suis pris un tir de flash-ball dans la jambe. Je suis tombée, j’ai essayé de me relever difficilement et j’ai reçu un coup de matraque dans la bouche. Ça m’a cassé la dent. Mon copain a essayé de me relever pour éviter qu’on me frappe encore. Mais, ils sont arrivés, une dizaine sur moi, et ils m’ont fracassée.« « Après tout ça, les policiers sont partis comme si de rien n’était », affirme-t-elle encore.
Maria dénonce des violences gratuites, elle ne participait pas aux manifestations. L’affaire devient très médiatique avec la photo viralisée de la victime, le crâne partiellement rasé et couvert d’agrafes, qui témoigne de la violence des coups.
Acte 2 : Ouverture d’une enquête, l’iGPN saisie
Opérée à la tête, la jeune femme passe plusieurs semaines à l’hôpital. Cinq mois après les faits, elle se plaint de séquelles : « Quand je marche, des fois, ma jambe reste raide, j’arrive plus à la bouger. J’ai des migraines à la tête. Quand il y a du soleil, j’ai mal. Quand il y a du vent, j’ai mal. Je n’y vois plus trop de l’œil droit.«
La Marseillaise porte plainte contre la police pour tentative d’homicide en avril 2019. Dans la foulée, le procureur de la République ouvre une enquête préliminaire pour « violences aggravées par personnes dépositaires de l’autorité publique, en réunion », des éléments laissant présumer que les violences impliquent des policiers. L’enquête est confiée à l’antenne marseillaise de l’Inspection Générale de la Police nationale (IGPN).
Acte 3 : Deux enquêtes ouvertes, deux non-lieux
« Sans l’ombre d’un doute, les individus qui ont violenté (Maria) avaient tous la qualité de fonctionnaires de police et ces violences sont d’autant plus inacceptables qu’elles ont été commises de façon purement gratuite« , conclut une première fois le juge d’instruction marseillais saisi de ce dossier. Mais l’enquête de l’IGPN ne permet pas d’identifier les agresseurs. Les enregistrements radio du logiciel Acropol, qui capte les échanges entre policiers sur le terrain, ont été effacés, comme le préconise une directive de la direction générale de la police. Quant aux enregistrements des caméras de vidéosurveillance de la Ville, ils ont été « écrasés ».
La première information judiciaire s’achève par un non-lieu en décembre 2020. Quelques mois plus tard, la victime présente un nouveau témoin qui doit avoir vu la scène de sa fenêtre, le parquet de Marseille annonce rouvrir l’enquête pour violences volontaires aggravées, mais cette fois encore, la procédure débouche sur un non-lieu en janvier 2022.
Acte 4 : La cour d’Appel annule l’ordonnance de non-lieu de janvier 2022
Le 7 juin 2023, les magistrats de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ordonnent d’annuler l’ordonnance de non-lieu de janvier 2022, conformément aux réquisitions du parquet général. Quatre ans après les faits, l’information judiciaire ouverte pour violences volontaires aggravées et non-assistance à personne en danger reprend. Cette réouverture de l’enquête vise à récupérer les dossiers des 47 interpellations opérées ce 8 décembre 2018, dont 20 ont donné lieu à l’archivage d’images vidéo. Selon Me Grazzini, avocat de la jeune femme, ce travail de fourmi sur ces données pourrait « permettre de retracer le parcours des agents ayant commis les violences, voire d’identifier des visages de façon plus précise« .
Acte 4 : Six policiers identifiés, l’un d’eux reconnaît avoir menti
Selon Médiapart, une étape décisive est franchie le 3 octobre 2025, avec l’identification et la mise en examen de six policiers pour non assistance à personne en danger. Ces agents, qui appartenaient au moment des faits au service interdépartemental de sécurisation des transports en commun (SISTC), ont tous été témoins des violences et ne sont intervenus ni pour les faire cesser, ni pour aider la victime.
Le site d’investigation révèle qu’au cours de sa garde à vue, un de ces six policiers, Christophe M., reconnaît « avoir menti »à la justice, lors de sa première audition en 2019. Invoquant des « pressions de sa hiérarchie et de son syndicat », Alliance, il avait à l’époque nié sa présence et celle de ses collègues, se conformant à la version mensongère de son supérieur », écrit Mediapart.
Acte 5 : Un policier de la BAC mis en examen pour « violences aggravées »
Dernier acte en date, dans un communiqué le vendredi 5 décembre 2025, le parquet de Marseille confirme la mise en examen d’un fonctionnaire de police du chef de non-assistance à personne en danger et son placement sous contrôle judiciaire, comme révélé par Mediapart. Il précise par ailleurs la mise en examen d’un second fonctionnaire de police des chefs de non-assistance à personne en danger et violences aggravées par trois circonstances (arme, réunion et par personne dépositaire de l’autorité publique).
Pour le second, le parquet confirme avoir requis le placement en détention provisoire, mais le juge des libertés l’a placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer. À ce stade, le parquet n’entend pas faire appel de cette décision, selon le communiqué.
Selon Mediapart, ce dernier est un policier de la BAC Nord, depuis, muté à Toulon. Il est « soupçonné d’avoir donné des coups de pied et de matraque, alors que la victime était au sol, et potentiellement d’avoir tiré sur la jeune femme. » Il s’agit du premier policier directement incriminé pour les violents coups reçus par la jeune femme de 19 ans, désormais prénommée Angelina, selon Le Figaro qui rappelle qu’au total dans ce dossier, dix policiers ont été mis en examen, essentiellement pour «non-assistance à personne en danger ».
« L’obstination a payé », salue sur franceinfo Brice Grazzini, l’avocat d’Angelina, appelée Maria au début de l’affaire. Il tient à souligner « le travail extraordinaire de la juge d’instruction, de la nouvelle équipe de l’IGPN (police des polices) et de son antenne de Marseille » qui ont permis « d’avoir les résultats qu’on a aujourd’hui ». Brice Grazzini appelle maintenant les policiers responsables des faits à « se dénoncer auprès de la juge d’instruction avant même d’être convoqués », afin de « mettre fin à ce silence assourdissant depuis sept ans ». Avant octobre 2025, aucun policier n’avait été mis en examen.
Source : France TV Info
Lire également :
Laisser un commentaire