Vous vous souvenez certainement de « l’affaire Théo ».

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Chère Madame, cher Monsieur,

Vous vous souvenez certainement de « l’affaire Théo ».

Le 2 février 2017, quatre policiers d’Aulnay-sous-Bois procèdent à un contrôle d’identité sur un groupe de jeunes gens. Rapidement le contrôle dégénère. Les individus contrôlés s’enfuient. L’un d’entre eux, Théo Luhaka, 22 ans, se bat avec un policier. Les quatre agents tentent de l’interpeller. Théo, un solide gaillard d’un mètre quatre-vingt-dix, se débat violemment. Il est finalement maîtrisé. C’est à son arrivée au commissariat que les policiers disent constater qu’il saigne au niveau des fesses. Théo est alors transporté à l’hôpital, où un médecin diagnostiquera « une plaie longitudinale du canal anal » et une « section du muscle sphinctérien ».

De son lit d’hôpital, le jeune homme accuse les policiers d’avoir baissé son pantalon et son caleçon et de lui avoir volontairement introduit une matraque télescopique dans l’anus au cours de l’interpellation !

Les policiers accusés nient mais ils sont mis en examen, placés sous contrôle judiciaire et suspendus de leurs fonctions par le ministre de l’Intérieur.

Depuis, un certain nombre d’éléments sont venus fragiliser les accusations initiales.

Deux expertises médicales ont conclu à l’absence de viol et que l’unique coup de matraque, porté au niveau des cuisses, n’était « pas contraire aux règles de l’art ». Les images de vidéosurveillance, qui ont été rendues publiques, vont dans le sens du récit fait par les policiers. Et, devant le juge d’instruction, Théo a reconnu qu’en fait les policiers n’avaient pas baissé son pantalon, contrairement à ce qu’il avait prétendu.

La justice n’a pas encore rendu son verdict définitif, mais aujourd’hui il semble clair que « l’affaire » est assez différente de la première version donnée par Théo.

Par ailleurs, on a appris que l’association « Aulnay Events », présidée par un des frères de Théo, aurait détourné 678 000 euros de subventions publiques tout en laissant 350 000 euros de cotisations sociales impayées.

Huit membres de la famille Luhaka ont reçu de l’association 170 000 euros, dont 52 000 virés sur le seul compte de Théo. En juillet 2018, Théo Luhaka a été mis en examen pour « escroquerie en bande organisée, blanchiment, faux et usage de faux et travail dissimulé au préjudice d’un organisme chargé d’une mission de service public. »

Ce n’est pas tout. Jeudi dernier, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles révélait que Théo, qui vit seul dans un appartement de 76 mètres carrés à Aulnay, était menacé d’expulsion pour plus de 10 000 euros de loyer impayés.

Seulement voilà, Théo Luhaka a été « sauvé » par la trêve hivernale. Depuis le 1er novembre, c’est la préfecture de la Seine-Saint-Denis qui prend en charge son loyer.

Oui, vous avez bien lu.

Théo est désormais logé en HLM aux frais du contribuable, alors même qu’il est mis en examen pour avoir détourné de l’argent public.

Malheureusement, le cas de Théo est loin d’être isolé.

Dans les quartiers dits « sensibles », les situations choquantes comme celle-là abondent. Car ces quartiers sont presque entièrement gérés par la puissance publique, qui y tolère des abus innombrables.

Comme l’explique l’ancien préfet Michel Aubouin dans son livre 40 ans dans les cités :

« L’initiative privée dans les “ quartiers ” se réduit à peu de chose. Même les rares commerçants qui y subsistent : boulangerie, bar à chicha, boucherie halal… sont des locataires d’un bailleur public. Quant au peuplement il résulte lui aussi d’une politique publique : les attributions de logements sont aux mains de commissions présidées par les maires, ou bien elles relèvent de la responsabilité de l’État, via le “ contingent préfectoral “. Et la demande est, elle-même, fortement corrélée avec les flux de l’immigration. »

Et il ajoute :

« Cette prééminence de l’État et de ses satellites rend plus invraisemblables encore certaines situations, car ce sont dans les mêmes quartiers qu’au vu et au su de tous la drogue se vend et s’achète. “ Elle est stockée dans des logements vides ”, me dit un commissaire de police, en ajoutant qu’il lui est difficile de sévir. Si les propriétaires de ces appartements étaient des personnes privées, on pourrait les mettre en cause pour les désordres causés par leurs locataires, mais on n’a jamais vu un bailleur social poursuivi pour des faits de ce type. Ces propriétaires publics abritent les plus gros marchés de vente de drogue, et pour certains ne l’ignorent pas. Certains gestionnaires avouent même y trouver un intérêt, car les dealers payent régulièrement leur loyer. »

L’État loge des dealers, en sachant parfaitement qu’ils sont des dealers.

Et si jamais, par hasard, certains se retrouvaient dans la même situation que Théo, à devoir être expulsés, il est plus que probable que l’État ferait comme pour Théo : il paierait lui-même leurs loyers ou bien il les relogerait, au nom du « droit au logement ».

Savez-vous ce qui a été le plus choquant dans l’affaire Théo ? La réaction de certains hommes politiques.

Juste quatre jours après le début de l’affaire, alors que l’enquête avait à peine commencé, le président de la République François Hollande s’est rendu au chevet de Théo, pour lui témoigner son soutien et se faire photographier avec lui.

Cette photographie a été vue par la France entière.

Le ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, a suspendu les policiers mis en cause « immédiatement et à titre conservatoire ».

Le 8 février, Emmanuel Macron, futur président de la République a déclaré : « Comment ne pas être choqué par ce qui est arrivé à Théo ? Parce qu’à Aulnay, c’est la force illégitime de l’État qui a eu cours et la dignité d’un jeune garçon, d’une famille et d’un quartier, qui a été mise en cause. Je tiens à rendre hommage à Théo et à son entourage. Alors que tout semble les pousser vers la haine et la révolte, ils font preuve d’un formidable sang-froid. »

Quelques jours plus tard, des émeutes éclataient un peu partout en France. Les émeutiers réclamaient « justice pour Théo » en incendiant des véhicules et en affrontant brutalement les policiers. Le 11 février à Bobigny, le 15 et le 18 février à Paris, le 11 et le 17 février à Rouen…

Dans les « quartiers sensibles », l’État et les hommes politiques jouent trop souvent le rôle du pompier pyromane.

Ils affirment qu’ils vont lancer une « reconquête républicaine » de ces zones de non droit, mais ils lâchent les policiers au moindre problème.

Ils disent vouloir lutter contre la drogue, mais ils logent des dealers en HLM.

Ils disent qu’ils seront impitoyables avec ceux qui fraudent le fisc, mais ils achètent la « paix sociale » dans les quartiers à coups de subventions à des associations douteuses.

Et ceux qui paient la note de cette lâcheté et de cette hypocrisie, ce sont les habitants honnêtes de ces quartiers, ce sont tous les Français respectueux des lois.

Comment ne pas donner raison à Michel Aubouin lorsqu’il écrit :

« Il faut accepter le jugement de l’histoire : l’État a été défaillant pour traiter la question des “ quartiers “. Et il le demeure. Il n’a pas su résoudre la question du logement social ; il n’a pas su endiguer l’expansion du trafic de drogue ; il n’a pas su répondre aux défis de l’échec scolaire ; il n’a pas su retisser les liens distendus entre les autorités publiques et la population ; il n’a rien fait pour canaliser les mouvements de l’immigration ; il n’a pas voulu modifier le jeu des politiques locales ; il a en partie perdu la guerre des territoires ; il a refusé de traiter de la question des cultures et n’a pas vu l’implantation massive des religions dans les nouveaux espaces urbains. Surtout, il n’a jamais voulu adapter ses organisations aux enjeux d’une situation inédite et, à plus d’un titre, menaçante. »

Plus que jamais, il est nécessaire de se battre pour que cela change. Et vous pouvez compter sur notre détermination de tous les instants. À l’Institut pour la Justice, jamais nous n’accepterons une telle situation.

Avec tout mon dévouement,

Laurence Havel

Source : Institut pour la Justice

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