Toulouse : la préfecture menace les auteurs d’affiches antivax et « ceux qui les ont laissées apposer »

Une publication reprise des milliers de fois sur Twitter évoque la présence de « 100 affiches » aux slogans anti-vaccins dans la métropole toulousaine. Si le nombre avancé paraît très exagéré, il en existe au moins neuf, sur des emplacements privés. Les pouvoirs publics locaux peuvent-ils les faire retirer ? Pas si simple.

Une campagne agressive. Une publication sur Twitter reprise des milliers de fois, évoque la présence d’affiches aux messages anti-vaccins contre le Covid-19, visibles sur des panneaux publicitaires disposés dans la métropole de Toulouse. « Un accident cardiovasculaire pour 100 injections. La santé de nos enfants vaut plus que des vaccins expérimentaux », peut-on lire sur l’image qui accompagne le tweet en question. Le tout est signé par l’autoproclamé « Comité scientifique indépendant », « Reinfo Covid » et « Reinfo Liberté », des collectifs portant des positions controversées sur la pandémie.

Si aucune indication de lieu ne figure dans le message, Marianne est parvenu à identifier la position de l’affiche. Elle se trouve en pleine rue de Lalande à Saint-Orens-de-Gameville, une commune située à une dizaine de kilomètres au sud-est de Toulouse.

Des panneaux privés

Les services de la municipalité comptant près 12 000 habitants ignoraient jusqu’alors la présence de cette affiche. Et ils n’ont pas le pouvoir de la faire retirer. « Ma mission est de veiller à ce qu’il n’y ait pas de risque pour la tranquillité des habitants ou la sécurité publique. En l’occurrence, ce panneau, qui appartient à une entreprise privée et se situe sur terrain privé, n’a pour l’heure pas causé de désordre. On ne peut donc pas intervenir. Et sur le fond du message, même si cela concerne la santé, je n’ai pas de jugement à émettre en tant qu’élu », indique le maire Serge Jop, qui dit néanmoins « étudier de près » les éventuels ressorts sur lesquels il pourrait s’appuyer pour prendre une mesure. Pour le moment, l’édile assure n’avoir pas reçu de plainte de la part de riverains.

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Une affaire similaire avait été révélée par La Dépêche du Midi à la fin du mois de juillet. Le journal local faisait état d’une affiche dans une rue passante du centre-ville de Toulouse, au quartier des Minimes, avec cette fois l’inscription « Vaccination Covid : un effet secondaire grave sur 100. Et si c’était votre enfant ? ». Plus de deux semaines après, celle-ci n’a pas bougé. Pis, d’autres panneaux similaires ont été identifiés par la mairie. « Pour le moment, on en a compté huit », affirme le Capitole auprès de Marianne.

Mais là encore, si elles vont toutes être « examinées au cas par cas », les premières affiches découvertes relèvent de réseaux privés. « On ne peut pas agir sur le simple fait que cela ne nous plaît pas. Le seul levier dont l’on dispose pour demander qu’elles soient enlevées, c’est un trouble à l’ordre public, ce qui n’est pour l’instant pas le cas », poursuit la mairie de la Ville rose. Face à l’impossibilité d’action des pouvoirs publics locaux, selon France 3 Occitanie, l’Ordre des médecins a saisi la préfecture de Haute-Garonne afin de trouver une solution.

« De la pure manipulation »

Les personnalités derrière « Reinfo Covid » et « Comité scientifique indépendant » sont notamment Louis Fouché, un anesthésiste reconverti en gourou covidosceptique, ou encore Laurent Mucchielli, un sociologue devenu une figure majeure de la galaxie antivax. « Ils connaissent bien les codes de la publicité : le message bien sale et anxiogène en gros, suivi d’un petit astérisque qui va bien pour ne pas pouvoir être accusé d’escroquerie et de mensonge. De la pure manipulation », dénonce sur Twitter le compte « Action Antifouchiste », qui suit cette mouvance depuis son émergence.

D’où viennent, d’ailleurs, les statistiques mentionnées par ces collectifs sur leurs affiches ? Pour celles situées à Saint-Orens-de-Gameville et aux Minimes à Toulouse, une « source » est en effet mentionnée en bas à gauche. Elle renvoie à la page principale de la « base de données européenne des rapports d’effets indésirables de médicaments ». Un site de l’Agence européenne des médicaments, qui, lorsque l’on atterrit dessus, annonce d’emblée les nécessaires précautions à prendre.

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« Les informations présentées sur ce site web ne reflètent aucune confirmation d’un lien potentiel entre le médicament et le(s) effet(s) observé(s). Les patients et les consommateurs ne doivent pas arrêter de prendre leurs médicaments ou en changer sans consultation préalable d’un professionnel de santé », indique la « clause de non-responsabilité » à valider avant toute navigation. Une page spécifique dédiée au Covid-19 ajoute : « Les informations sur ce site internet concernent les effets indésirables suspectés […] mais qui ne sont pas nécessairement liés au vaccin ou causés par le vaccin. Ces événements peuvent avoir été causés par une autre maladie ou être associés à un autre médicament pris par le patient en même temps ». Il est également stipulé que « l’évaluation scientifique » prend en compte de nombreux autres facteurs, comme les « antécédents médicaux du patient ».

Interrogé par Marianne, le Pr Jean-Louis Montastruc confirme que les chiffres des affiches sont « faux ». « Il faut bien faire la distinction entre la survenue d’un événement et sa qualification en tant qu’effet indésirable », insiste le pharmacologue et membre de l’Académie nationale de médecine, qui atteste qu’à l’inverse, « les vaccins diminuent les risques de formes graves et la mortalité due au Covid-19 ».

Mise à jour, jeudi 18 août : le préfet de la Haute-Garonne « condamne fermement » ces affiches aux « informations mensongères sur un sujet crucial de santé publique » et assure, aux côtés de l’ARS Occitanie et de l’Ordre départemental des médecins, « examiner les voies juridiques susceptibles d’être poursuivies » contre leurs auteurs et « ceux qui les ont laissées apposer ».

  • Par Lucas Planavergne

Source : Marianne

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