Suicides chez les forces de l’ordre : la crainte d’une nouvelle année noire

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Des policiers patrouillent à Paris le 30 novembre 2017. Photo d’illustration. STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

INFOGRAPHIE – Si le chiffre donné pour la police reste élevé mais stable comparé à l’année précédente, celui de la gendarmerie est en hausse. Mardi, le ministre de l’Intérieur a présenté un nouveau plan de prévention contre les suicides dans la police.

Le malaise chez les forces de l’ordre ne désemplit pas. En mars dernier, un jeune gendarme de 27 ans s’est suicidé à Rennes avec son arme de service dans le logement qu’il occupait au sein de la caserne. Quelques jours auparavant, c’était un policier de 36 ans qui se donnait la mort à Paris à son domicile, également avec son arme de service. Depuis le début de l’année, 17 cas de suicides ont été recensés parmi les personnels de Police tandis que 16 gendarmes se sont également donné la mort, a révélé le ministère de l’Intérieur dans un communiqué mardi soir, à la suite d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la Police Nationale qui se tenait plus tôt dans la journée. À la date du 28 mai, les forces de l’ordre avaient perdu 33 policiers et gendarmes. Un taux déjà élevé quand on sait que 68 suicides – 51 dans la police, 17 dans la gendarmerie – avaient été enregistrés sur l’ensemble de l’année 2017, après deux années consécutives de baisse en 2015 et 2016.

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Si le chiffre donné pour la police reste élevé mais stable comparé à l’année précédente, celui de la gendarmerie est en hausse. «Le voyant est passé au rouge alors qu’il était à l’orange», commente une source dans la gendarmerie. «Sur les dix dernières années, à la date de fin mai, nous n’avons jamais eu autant de suicides. Habituellement, on en dénombre une dizaine, pas 16». Ces chiffres préoccupent d’autant les militaires qu’un dispositif de prévention existe depuis plusieurs années. Il repose notamment sur des commissions locales de prévention, un accompagnement psychologique sur tout le territoire et des enquêtes de causalité à chaque suicide pour comprendre le passage à l’acte.

«Une tendance extrêmement inquiétante»

Déjà en mars dernier, le directeur général de la gendarmerie nationale, Richard Lizurey, avait lui-même tiré la sonnette d’alarme: «Cette année, malheureusement, nous sommes sur une tendance extrêmement inquiétante», avait-il prévenu devant les sénateurs de la commission d’enquête parlementaire sur l’état des forces de sécurité intérieure. Depuis le mois de janvier, cette instance travaille sur ces questions et tente de comprendre la recrudescence des suicides chez les policiers et les gendarmes. Face à cette tendance à la hausse, le directeur général de la gendarmerie avait avancé plusieurs pistes pour faire évoluer le dispositif de prévention, dont une meilleure formation des personnels, comme l’écrivait L’Essor , journal dédié aux gendarmes. «On ne pourra jamais avoir zéro suicide mais il faut qu’on puisse s’en approcher le plus possible», commente encore une source interne.

En 2014, année noire dans la police où 55 suicides avaient été répertoriés, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, avait lancé un plan de lutte de prévention en 23 mesures. Les deux années suivantes, en 2015 et 2016, le nombre de suicides avait baissé. Mais en 2017, sans que personne ne puisse l’expliquer, la tendance était repartie à la hausse et en novembre dernier, une vague de suicides avait frappé les forces de l’ordre, poussant les syndicats de police à de nouveau tirer la sonnette d’alarme. «Nul ne peut affirmer raisonnablement avoir identifié les raisons de ce fléau», avait réagi auprès du Figaro le syndicat Alliance, majoritaire chez les gardiens de la paix et les gradés, avant d’ajouter «mais il est évident que la surcharge récurrente de travail, l’accroissement des risques professionnels et psychosociaux, la déshumanisation (…), la désocialisation des agents au travers de rythmes inadaptés, sont autant de facteurs de fragilisation des policiers».

«Un programme de mobilisation»

À l’époque, Gérard Collomb s’était emparé du dossier et avait demandé aux directeurs généraux de la police, de la gendarmerie et de la sécurité intérieure de lui «présenter une évaluation des mesures pour prévenir» les suicides. Mardi, «un programme de mobilisation» a été présenté lors d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la Police Nationale. «Il est nécessaire d’amplifier les efforts afin d’améliorer la détection des personnels en difficulté dans un environnement professionnel qui expose par nature aux passages à l’acte», a déclaré Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur dans son communiqué.

Ce plan qui doit être mis en œuvre dans l’année à venir consiste notamment à renforcer les efforts sur le repérage des «agents traversant une crise suicidaire», mais aussi à mieux les suivre et les orienter et à «soutenir plus efficacement les agents qui ont tenté de se suicider». Pas de quoi convaincre Philippe Capon, secrétaire général de l’Unsa-Police. «Le programme ne m’a pas rassuré», a-t-il réagi. «Il n’est pas suffisant abouti et nous laisse un goût d’inachevé». Si le syndicaliste reconnaît quelques progrès, il regrette que certaines mesures n’aient pas été retenues. Notamment celle qui concernait les policiers en difficulté financière. «Nous voulions qu’ils puissent obtenir des avances sur salaire car dans un tiers des situations de suicide, il y a des problèmes d’argent», note Philippe Capon. «Or le plan n’en parle pas. Je doute que ce dernier fasse réellement baisser les suicides», déplore-t-il tout en rappelant qu’il y a eu ces 20 dernières années 915 suicides dans la police.

Source : Le Figaro

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