Suicide de la policière en colère Maggy Biskupski : « Elle s’est battue à mains nues contre l’administration »

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Maggy Biskupski, présidente de l’association « Mobilisation des policiers en colère », s’est suicidée ce lundi 12 novembre à son domicile avec son arme de service. Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unité SGP Police Force Ouvrière, lui rend hommage et alerte sur le malaise persistant au sein de la police.

Maggy Biskupski, cette fonctionnaire de police qui avait créé en 2016 l’association « Mobilisation des policiers en colère » (MPC), a mis ce lundi 12 novembre fin à ses jours avec son arme de service. Comment vos collègues et vous-même avez réagi à l’annonce de sa mort ?

 

Yves Lefevre : Nous le vivons très mal. C’est le trentième suicide depuis le début de l’année. Maggy Biskupski a payé de sa vie son engagement pour défendre ses collègues. Si j’avais certaines divergences avec elle, sur le rôle des organisations syndicales dans la police par exemple, je respectais sa pugnacité, le temps qu’elle sacrifiait pour défendre notre métier et nos conditions de travail. Elle s’est battue à mains nues. C’était aussi une policière qui, à côté de son engagement, continuait de prendre son service de nuit en Brigade anti-criminalité (BAC) pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Il faut lui rendre hommage. Elle était surtout très jeune, trop jeune. On ne devrait pas mourir à 36 ans. C’est une triste nouvelle.

Contre qui s’est-elle « battue à mains nues » ?

Contre l’administration, ce qui n’est pas un petit combat. C’est particulièrement épuisant et éprouvant. Quand on milite dans une organisation syndicale structurée, on est entouré dans ce combat par nos camarades. On a des moyens humains pour le mener, des relais. Elle, a sacrifié son temps libre pour mener sa défense de nos collègues. Il y a également le sentiment de solitude qui s’installe lorsqu’on se confronte à l’administration. Il peut, moi aussi, m’arriver d’avoir des coups de mou mais je peux toujours compter sur un membre de mon syndicat pour boire un verre et en parler. Ça évite de craquer.

Pensez-vous que l’administration policière soit responsable de sa mort ?

 

Non, on ne peut pas dire ça. Par contre, l’administration est responsable de n’avoir pas encore mis en œuvre un véritable plan pour enrayer les suicides dans nos rangs.

C’est-à-dire ?

Que rien n’est fait pour les empêcher ! Le seul ministre de l’Intérieur qui avait commencé à faire quelque chose, c’est Bernard Cazeneuve en 2015, en disant qu’il fallait remettre l’humain au cœur du débat. Aujourd’hui, le flic souffre de la politique du chiffre, d’un mauvais management et d’un manque chronique de moyens pour réaliser sa mission. Le flic est un citoyen comme tout le monde qui a besoin de se reposer, de vivre une vie de famille normale, de décompresser. Or aujourd’hui, il ne peut pas le faire. Le service lui prend tout son temps. Quand j’entends Madame Nicole Belloubet dire qu’un policier, c’est fait pour obéir, c’est intolérable !

Le problème du flic aujourd’hui, c’est qu’il a l’impression d’être totalement lâché par son administration. Et qu’aujourd’hui, les gens qui le dirigent ne sont plus des policiers mais des managers froids. Notre métier est à la fois extraordinaire et particulièrement éprouvant. Et qui nécessite d’être soutenu car nous ne sommes préparés ni à côtoyer la mort, ni à subir des violences. J’ai discuté récemment avec des collègues qui sont intervenus lors de l’attentat au Bataclan le 13 novembre 2015. Ils n’ont jamais eu de débriefing ni de discussions ensuite avec leur hiérarchie pour décompresser et partager ce qu’ils avaient vécu. Avant, quand on revenait d’une opération difficile, le taulier venait manger avec ses troupes pour les soutenir, pour les écouter vider leur sac. Car c’était un policier. Aujourd’hui, ce sont des managers qui nous dirigent.

Craignez-vous d’autres suicides ?

Malheureusement, tant que rien ne sera fait pour améliorer réellement les conditions de travail des fonctionnaires de police et tant que la politique du chiffre continuera à dicter notre manière de travailler, cette série noire se poursuivra. Et ça, notre nouveau ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, doit à tout pris l’avoir en tête.

Source : Marianne

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