Réforme des retraites : les militaires défavorables au projet

Selon un document que nous nous sommes procuré, le projet de loi passe très mal auprès des forces armées qui conservent une partie de leurs anciennes règles.

U3PGTE4XKQOAB56G4US46NZ624C’est un verdict cinglant qui tombe alors que depuis des mois le gouvernement multiplie les déclarations pour rassurer ces fonctionnaires sur leur sort dans le nouveau système. PhotoPQR/République du Centre/Eric Malot

Coup de tonnerre pour l’exécutif. La grande muette dit non à la réforme des retraites. Le Conseil supérieur de la fonction militaire, saisi par le ministre des Armées pour se prononcer sur le projet de loi instituant un système universel par points, vient de rendre un avis qui ne va pas plaire au gouvernement.

« Après l’étude du projet de loi, il ne peut, en ce qui concerne la condition militaire, émettre un avis favorable », lit-on à la fin de ce document daté du 15 janvier, à en-tête du ministère des Armées, avec au bas de ces trois pages la signature du contrôleur général des armées Olivier Schmit, secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire.

C’est un verdict cinglant qui tombe alors que depuis des mois le gouvernement multiplie les déclarations pour rassurer les 348 000 fonctionnaires de l’armée de terre, la gendarmerie, l’armée de l’air ou la marine, sur leur sort dans le nouveau système. Et de marteler les concessions acquises avec le maintien « des particularités objectivement justifiées par les missions qui leur sont assignées ».

Encore récemment, Édouard Philippe insistait sur les « spécificités fonctionnelles, opérationnelles » : « On ne veut pas se retrouver avec un régiment de combattants de 63 ans ». Façon de marteler que les règles de départs à la retraite resteraient inchangées pour les forces armées, avec des droits ouverts selon les rangs, à partir de 17 ans, 20 ans, voir 27 ans de service effectif.

Les militaires incités à rester en poste

Sauf que dans le détail, au-delà des départs anticipés, les auteurs de cet avis – de haut gradés membres de ce conseil — ne ménagent pas leurs critiques : « Certaines dispositions (NDLR : de ce projet) fragilisent notre modèle d’armée et la condition militaire », assènent-ils d’entrée de jeu.

En tête des points durs, « les modalités de calcul de la pension militaire qui suivraient le régime de droit commun, qui est d’encourager les salariés à poursuivre leur activité ». À l’appui, ils citent « le calcul des décotes qui peut se traduire par des abattements de l’ordre de 20 % (NDLR : du montant des pensions) pour certaines catégories » de militaires, « des décotes dissuasives pouvant aller au-delà de 60 % », affirment-ils.

Cette disposition qui incite à rester en poste plus longtemps, « participerait au vieillissement de la population militaire ». Et de pointer « une discordance entre l’objectif poursuivi par le projet de loi et l’impératif de jeunesse imposé par la loi à nos armées ».

«Le principe même de l’escalier social est mis à mal»

Autre disposition du projet de loi qui déclenche les foudres militaires : « La mise en place d’une règle de calcul assise sur l’ensemble de la carrière au lieu des six derniers mois ». « Cela engendrera inexorablement une baisse des pensions » pour « certains militaires n’étant pas ou peu primés », affirme cet avis. Particulièrement pénalisés : « Essentiellement des militaires du rang (NDLR : les engagés volontaires), dont la rémunération n’évolue qu’en fin de carrière, ainsi que les jeunes sous-officiers et officiers mariniers ». Jusqu’à ébranler certaines valeurs militaires : « Le principe même de l’escalier social est mis à mal avec le nouveau système. »

« Le Conseil s’est attaché […] à centrer ses observations et son avis sur les articles ayant un impact sur la condition militaire », rappelle le texte. Il regrette « l’absence d’un outil de simulation, pourtant demandé à plusieurs reprises » et évoque une analyse « non exhaustive » « sans préjuger des ordonnances et des décrets à venir » où comme on le sait, le diable se cache dans les détails.

Cet avis tient lieu, à l’évidence, de mise en garde adressée à l’exécutif : pas touche aux militaires qui veulent figurer à part dans le projet de loi. « C’est un pied de nez aux technos. Et la revanche des militaires après le coup de menton du général Pierre de Villiers », décrypte une source proche du dossier. L’ancien chef d’Etat major avait démissionné à l’été 2017 après un désaccord avec Emmanuel Macron sur le budget de la Défense.

 Source : Le Parisien

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