Pourquoi le major Xavier T. s’est-il tué devant une gendarmerie ?

L’officier de sécurité de Christiane Taubira, puis de Muriel Pénicaud, est le 48e policier à s’être donné la mort cette année. Son père accuse sa hiérarchie.

<p>Selon les syndicats, les probl&#232;mes personnels dont souffrent les policiers sont intimement li&#233;s &#224; leur travail, ses conditions et son organisation (photo d'illustration).</p>

Une année noire pour les forces de l’ordre. Près de 60 policiers et gendarmes ont mis fin à leurs jours en 2017, un chiffre en hausse par rapport à 2014, ce qui constitue jusque-là l’année la plus sombre. Des suicides dont le ministère de l’Intérieur a bien du mal à admettre qu’ils aient un rapport avec le métier. Le plus souvent, ce sont les « problèmes personnels » qui sont mis en avant.

Dans le cas du major de police Xavier T., 50 ans, du service de la protection (ex-SPHP), la thèse est plus difficile à faire avaler, car il a mis fin à ses jours devant une gendarmerie. Les courriers que Xavier T. a laissés ont été saisis par les enquêteurs et remis au procureur de la République. Un progrès par rapport aux pratiques qui ont cours en général dans ce corps d’élite, où les patrons sont soupçonnés d’effacer les courriers posthumes, considérés comme sensibles, officiellement parce que ceux qui y ont travaillé peuvent avoir eu connaissance de faits mettant en cause des personnalités. Pourtant, la famille, qui se sent tenue à l’écart, s’insurge contre la tournure de l’enquête.

Des « problèmes personnels » liés aux conditions de travail

« J’ai ressenti comme de la pression et de l’intimidation (devant) le fait que je doive supplier la justice de me donner une copie de la lettre que mon fils nous a laissée », s’indigne Jean-Louis T. ingénieur d’essais de la Snecma à la retraite. Son fils a également rédigé un long courrier à l’attention de Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, qui en a accusé réception publiquement. « Il nous a adressé ses condoléances, mais on ne connaît pas du tout le contenu de la lettre que mon fils lui a envoyée », confie-t-il.

« J’ai été interrogé par les enquêteurs le 9 décembre. Toutes les questions étaient orientées sur les problèmes personnels de mon fils. Je ne nie pas que cela ait pu avoir une influence sur son geste fatal, mais je voudrais que sa hiérarchie reconnaisse elle aussi sa part de responsabilité. »

Ainsi que l’ont fait remarquer les organisations syndicales réunies par Gérard Collomb le 24 novembre pour évoquer les suicides dans la police, les difficultés d’ordre privé que peuvent vivre les fonctionnaires de police sont souvent les conséquences de leur métier. « Près de la moitié des 100 000 policiers n’ont qu’un seul week-end sur six de libre. Les divorces explosent et, lorsqu’il arrive qu’un gardien de la paix obtienne la garde alternée de ses enfants, elle lui est rapidement retirée, car ses horaires ne lui permettent pas de remplir ses obligations, détaillait Yves Lefèvre, du syndicat Unité-SGP. « Il faut revoir les cycles horaires. Un policier bien dans sa vie privée est un policier efficace pour son service », renchérissait Frédéric Lagache d’Alliance, 1er syndicat des gardiens de la paix et des gradés.

Il me disait à quel point son administration est inhumaine.

Xavier T. était un policier très bien noté, choisi pour encadrer l’équipe de protection de Christiane Taubira au ministère de la Justice, cette dernière saluera par écrit son professionnalisme alors qu’elle quittait la place Vendôme. L’ex-garde des Sceaux comme la ministre du Travail Muriel Pénicaud, dont Xavier était l’un des gardes du corps, ont assisté à la cérémonie d’adieux mardi dernier.

L’officier de sécurité aurait dû intégrer le prestigieux groupe de sécurité du président de la République : « Sa hiérarchie le lui avait promis et n’a jamais honoré son engagement », révèle Jean-Louis T. à propos de son fils unique. « Il me disait à quel point son administration est inhumaine, en particulier les directeurs plus soucieux d’assurer leur carrière sur le dos des policiers de terrain que de leur apporter leur aide et soutien. »

Jean-Louis T. a convié les médias ce mercredi devant le lieu du drame à la gendarmerie de Rozay-en-Brie, en Seine-et-Marne. « Je veux connaître toute la vérité », dit-il.

Source : Le Point

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