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Excédés et fatigués, ils ont préféré quitter la police nationale et se reconvertir pour ne pas sombrer dans le désespoir. Aujourd’hui, ils dressent un portrait sans concession de leur ancien métier. Racisme, violences, carriérisme, pression du chiffre, heures sup, abus… Nicolas et Yann racontent.
Patrouille de policiers heureux• Crédits : Alain Nogues – Getty
Yann vient de la banlieue aixoise. Très jeune, son père lui inculque des principes de droiture, de justice, de loyauté. Il dit avoir toujours voulu bien faire et décide de devenir policier. A dix-huit ans et demi, il obtient un premier poste en banlieue parisienne. Très vite, il se rend compte de la « culture du chiffre » imposée aux policiers.
J’aimais les affaires judiciaires, mais ce qu’on nous demandait, c’était des affaires déjà élucidées : des petits jeunes avec une barrette de shit. (…) J’avais des affaires beaucoup plus graves mais je ne pouvais pas travailler dessus. C’était plus simple pour tout le monde mais pas pour moi. Psychologiquement, mon idéal était entaché. Yann
Peu à peu, Yann commence à avoir envie de quitter son métier.
Je n’ai jamais vu un collègue heureux dans sa vie de flic. Dès que vous commencez à réfléchir, c’est le début de la fin. Vous êtes un fonctionnaire, vous êtes là pour fonctionner. Si vous réfléchissez, soit vous quittez la police, soit vous finissez par mâcher le canon d’une arme, contre vous ou contre les autres. Yann
Nicolas a choisi de devenir policier à la fin de ses études secondaires. Au début de sa formation, une question lui vient : « Le vol est mal, le vol est puni par la loi. Qu’en est-il alors de Robin des bois ? Ce qui est légal est-il forcément légitime ? »
Bien classé à la sortie de l’école, Nicolas débute dans la brigade ferroviaire de la gare du Nord. Le mythe commence à se fissurer.
Dès 6h30, il y a les SDF à déloger, les contrôles de fraude dans le métro, alors qu’il y a tellement de choses plus bénéfiques à faire. Nicolas
Les gens ne croient plus en leur métier, ils deviennent amers, désagréables. J’ai vu des choses qui m’ont marqué mais c’est toujours fait intelligemment, c’est-à-dire qu’on reste toujours à la limite. Par exemple, un collègue qui crache sur un SDF, un autre qui s’amuse à prendre les pièces des gamines rom qui font la manche. Nicolas
C’est lorsqu’il sent qu’il est lui-même en train de changer que Nicolas se rend compte qu’il y a vraiment un problème.
Je commence à mal parler aux gens, à avoir moins de patience. Je suis cassé à ce moment. J’ai de la rancoeur contre le système, contre cette machine à broyer des hommes. Nicolas
Reportage : Olivia Müller
Réalisation : Emmanuel Geoffroy
Merci à Yann Persoglio, Nicolas Garnier, Marc la Mola et Alexandre Langlois.
Source : France Culture-Les pieds sur Terre
Deux commentaires de collègues Policiers :
C’est exactement ce que j’aurais pu écrire, j’ai aimé ce métier plus que tout, j’ai tout donné mon cœur (qui d’ailleurs en souffre aujourd’hui) mon âme, j’ai formé de nombreux collègues, j’ai vanté pendant longtemps les qualités de ce métier, le courage de ses hommes, l’honneur de servir le pays d’être au service de la population.
Ce métier je l’exerce depuis mes 19 ans et j’en ai 51 aujourd’hui. Il y a 20 ans en arrière je l’aurais recommandé avec passion, amour, plaisir, fierté à mon fils, à mon neveu et je les aurais fait adhérer à la haute opinion que j’avais de cette profession.
Aujourd’hui je les en dissuaderais avec autant de verve que j’en aurais eu à l’époque.
Il me reste que peu d’années à faire mais ce sont les plus longues. Je ne me reconnais plus dans ce métier que j’ai pourtant tant aimé. Je suis toujours sur la voie publique aujourd’hui dans un département et une unité exigeante, mais si je pouvais partir demain avec une retraite me permettant de continuer à vivre je le ferais sans regret.
Moi, je suis CRS, alors je ne suis peut-être pas aussi mal loti que mes chers collègues urbains. Ce qui me fait rester, c’est les copains avec qui je passe beaucoup de temps en déplacement. On a cette camaraderie qui aide énormément.
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