Nicole Belloubet : Taubira sans le verbe…

Pourquoi les aberrations d’un pouvoir trop souvent déconnecté du réel, des citoyens et de leurs attentes épargneraient-elles la Justice ?

Bien au contraire. Il me semble conforme à la logique erratique française qu’avec la montée de la délinquance et de la criminalité, on s’apprête à la fin du mois de mars à mettre en application une loi « Justice » dont l’objectif est de réduire à tout prix le taux d’incarcération.

Alors que des magistrats cohérents et lucides prononcent plus de condamnations ferme en prenant en compte l’augmentation des délits et des crimes – notamment agressions sexuelles, violences et vols à main armée -, l’idéologie compassionnelle va encore frapper.

Entre d’un côté Christiane Taubira et son laxisme revendiqué et de l’autre Nicole Belloubet avec sa mansuétude affichée (directement inspirée par un président de la République accroché au fragment de gauche qui lui reste), il y a une évidente continuité. La seule différence étant que la seconde ne dispose pas du verbe flamboyant de la première.

Derrière ce qui se profile et va nuire à la sécurité des personnes et des biens, il y a plusieurs idées fausses qui relèvent d’une philosophie pénale jamais questionnée : un humanisme prêt à sévir jusqu’au dernier citoyen et hostile à la prison.

Qu’importent les absurdités puisque le peuple va « trinquer », et lui seul.

D’abord, ressasser qu’il y a une surpopulation pénale est un constat inutile si on n’ajoute pas immédiatement que « notre parc carcéral est sous-dimensionné » (Le Figaro). Ce n’est pas la prison qui est coupable mais des gouvernants qui refusent d’en élargir l’espace, prisonniers de poncifs démagogiques.

Ensuite, il convient de rejeter l’opprobre systématique, pur réflexe du coeur, s’attachant à ceux qui condamnent à de la prison ferme ; comme s’ils avaient un autre choix et qu’ils devaient en permanence s’excuser de leur compétence rigoureuse. Alors qu’ils accomplissent leur devoir et participent encore de ce qui fait tenir notre société.

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Par ailleurs il est insensé de vouloir endiguer les courtes peines, voire les supprimer alors que l’Observatoire des peines d’emprisonnement ferme établit que ce ne sont pas les courtes peines qui contribuent le plus à la surpopulation pénale. Surtout il convient de répudier ce catéchisme judiciaire occultant que pour des trajectoires venant à peine de s’engager dans la délinquance, une courte peine prononcée dans le bon tempo est souvent le moyen le plus efficace pour mettre fin au processus transgressif.

L’aménagement automatique des peines de six mois et la création d’une nouvelle sanction à domicile via le bracelet électronique vont accentuer un mouvement pervers qui vise à donner bonne conscience à un pouvoir régalien qui, n’étant plus capable de s’assumer, recherche désespérément, contre l’intérêt de la société, les moyens de fuir ses obligations.

Même si le bracelet électronique est opératoire, croit-on vraiment que l’impact sera le même, et la traduction judiciaire à la hauteur de la réprobation sociale, pour des infractions loin d’être bénignes, avec ces dispositifs de faiblesse institutionnalisée ?

Nicole Belloubet se trompe quand elle suit la voie de Christiane Taubira ; ou faut-il considérer que, pour un garde des Sceaux, la constance dans l’erreur représente une qualité ?

Si on accepte de quitter le territoire de l’idéologie – qui sur beaucoup de plans réunit malheureusement droite classique et gauche sulpicienne – pour revenir à la dure réalité, deux défis devraient mobiliser les gouvernements en matière pénale.

La construction dans l’urgence de nouvelles prisons et instaurer une authentique et fiable exécution des peines.

C’est en effet à cause du désastre que représente la multitude des sanctions non exécutées ou dépourvues de toute effectivité dans des casiers judiciaires lamentablement éclairants, que notre univers pénal est infiniment critiquable. Le paradoxe est que cette incurie structurelle condamne parfois à une trop lourde sévérité mais la plupart du temps emporte des scandales quotidiens à force de ne pas jamais tirer les conséquences de chaque condamnation.

Je déplore d’avoir à énoncer cette banalité, mais les peines, on les exécute. On ne cherche pas à les effacer, à les réduire ou à les interdire.

Il y va du sort – grand mot mais justifié – du peuple français, citoyen par citoyen.

Source : Philippe Bilger.com

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