Nantes. Le gendarme perd la tête à la chasse au trésor

bbb229553d5ca34db392dab79f9359e8-nantes-le-gendarme-perd-la-tete-la-chasse-au-tresor_0

Le gendarme s’est cru verni en déterrant « un trésor ». (Image d’illustration)

Un gendarme de l’agglo nantaise a trouvé un magot. « Euphorique », il a voulu le garder. Pas de chance, il était déjà surveillé pour ses liens étroits avec des Hells Angels.

L’enquêteur de gendarmerie s’était cru verni en déterrant  « un trésor » . Chance trompeuse pour ce père de famille de 32 ans…  « Une malédiction plutôt », souligne son avocat, ce mercredi 9 mai, au tribunal correctionnel de Nantes, où son client se trouve entraîné à cause d’un enchaînement de circonstances digne des polars de  Canal + .

Le 27 novembre, ce sous-officier prometteur d’une brigade de l’agglo nantaise profite d’un congé pour s’adonner à sa nouvelle passion : la chasse aux trésors. Au bord de la Gesvres, rivière du nord de Nantes, son détecteur de métal sonne près d’un arbre. Le chasseur creuse et découvre un sac-poubelle rempli de billets et bijoux : 13 000,00 €, 2 500 dollars, 4 500 francs suisses… Jackpot. Le sac contient aussi dès chèques adressés à un homme qu’on nommera « monsieur H ».

Le découvreur appelle sa femme,  « euphorique » . Il lui explique :  « Ça vient sûrement d’un cambriolage » . Elle :  « J’ai peur » . Lui :  « Ça va pas ? Tu voudrais qu’on rende tout ? » Elle :  « Y’a quand même les chèques. » Lui :  « Faut s’en séparer » . Et il les brûle.

Mais quelques jours plus tard, « monsieur H » sonne à la brigade. C’est un commerçant ambulant des gens du voyage. Il avait jugé plus sage d’enterrer ses économies près de la Gesvres que de les laisser dans sa caravane. À son retour, on lui a dit qu’un gendarme de la brigade avait fouillé dans le coin.

Sur écoutes

L’euphorie du sous-officier vire en panique, aussi toxique. Pour masquer  « sa bêtise » , le « chasseur » va en faire trois autres. Il va nier. Il va chercher des infos sur la plainte de Monsieur H dans le TAJ  (dossier de Traitement des antécédents judiciaires) . Et il va planquer l’argent chez des parents.

En vain. Parce que son téléphone est sur écoute. Derrière les « grandes oreilles » : un service de recherche de gendarmerie mandaté par un juge d’instruction dans le cadre d’une tout autre affaire ! Celle-ci remonte au 14 septembre, deux mois plus tôt, au Hangar à Bananes, à Nantes. Quatre hommes proches des Hells Angels sont soupçonnés d’y avoir extorqué une Mercedes de luxe à un cadre de l’agglo.

Or, deux des motards, « A » et « B », fréquentent le gendarme de très près dans ces bars du Haut-Lieu de la fête nantaise… L’enquêteur y était encore avec eux la veille de l’extorsion. Si les écoutes n’établissent pas de lien entre le gendarme et ce délit, elles vont montrer, selon la juge Juliette Borgne,  « qu’il   entretient des relations assez éloignées de la façon dont les enquêteurs fonctionnent aujourd’hui avec leurs indics. »

Jusqu’au dérapage, début novembre. Le gendarme craint que « A » et « B » ne rejoignent une bande plus dure baptisée les « No Surrendor ». Trop dangereuse pour ses  « proches » . À la brigade, il a vu passer une  « Fiche de diffusion restreinte » sur la bande, avec photos et identités. Pour dissuader « B », il lui dit :  « On sait tout sur eux. » Pire : le 16 novembre, le motard consultera, dans son bureau de la brigade, le fichier interne à la gendarmerie… Une faute qualifiée par la justice de  « violation du secret professionnel » . Qui s’ajoute donc au  « détournement du Taj » , et au  « vol simple » du Trésor.

« Perdre son sens moral »

« Rendre service permettait d’avoir des informations », explique le prévenu. Et jusqu’ici, personne sa hiérarchie ne s’en est pas plainte. En témoignent ses promotions et ses bonnes notes, soulignées par son avocat Pierre Hurriet.

On ne débusque pas les tuyaux en fréquentant les grenouilles de bénitier. Mais en côtoyant  « les voyous » on  « peut perdre son sens moral » , dit le procureur Pierre Lecat, qui réclame une peine de prison avec sursis et une interdiction d’exercer sa profession pendant cinq ans. Autant dire, la fin de carrière, pour ce jeune gendarme contrit, repentant, dont les épaules s’affaissent. Sa hiérarchie, dit-il, voix nouée, envisage plutôt un blâme et une mutation, eût égard au travail fourni. La juge s’est donnée jusqu’au 6 juin pour trancher.

Source : Ouest-France

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *