Mutualisation des interventions de la gendarmerie : des débats parfois vifs en interne

PHOTO FRANCOIS DESTOC / LE TELEGRAMME LANDEVANT (56) : gendarme gendarmerie motard moto escadron départemental de sécurité routière de Vannes contrôle vitesse

La mise en place du « dispositif de gestion des événements » (DGE), qui mutualise les interventions des gendarmes, est parfois la cible de vives critiques en interne, que la hiérarchie tente de dissiper. Elle alimente en tout cas le débat sur la question des missions de la gendarmerie.

On affiche volontiers son mécontentement, plus rarement sa satisfaction. C’est encore plus vrai sur les réseaux sociaux, où le nouveau système de mutualisation des interventions de la gendarmerie, le « DGE », cristallise les critiques. « C’est le système police, avec l’effectif de la gendarmerie, mais en zone rurale !, s’enflamme un gendarme anonyme. Les gars courent dans tous les sens à travers la circonscription d’une compagnie et dans des délais d’intervention à rallonge, au détriment des victimes qui attendent. » « C’est la mort de la gendarmerie ! », assène un autre.

« On a l’impression de perdre notre territoire »

« Les patrouilles DGE peuvent intervenir sur des secteurs qu’elles ne connaissent pas, avec des gens qu’elles ne connaissent pas, ajoute un gendarme breton, qui se confie anonymement au Télégramme. Et cela aboutit parfois aussi à des aberrations : la patrouille DGE va intervenir sur le secteur où moi, je suis de service et peut-être disponible, et où je pourrais me rendre plus rapidement qu’elle. Mais je ne peux pas parce que c’est le boulot de la DGE… » « On a l’impression de perdre notre territoire, nos contacts, nos citoyens, acquiesce un autre gendarme breton, qui pointe aussi le fait que « d’un point à un autre de certains secteurs du DGE, il peut y avoir jusqu’à 45 minutes de transport ! ».

Certains groupements, comme le Morbihan et le Finistère, ont d’ailleurs renoncé à l’application du dispositif en journée, mais l’ont conservé pour la nuit. « Le dispositif est souple et évolutif. Rien n’est imposé », fait observer un haut cadre de la gendarmerie.

« Et quand le couvre-feu sera levé ? »

Dernier bémol soulevé : « Le système fonctionne. Mais nous sommes en période de couvre-feu : il n’y a aucun bar ou discothèque d’ouvert et c’est autant d’interventions en moins. Cela risque d’être une autre musique avec le déconfinement… »

Les deux témoins bretons relèvent cependant « un gain de confort » : « Fini les astreintes avec les réveils à tout bout de champ. Et quand on a terminé une patrouille DGE, on sait qu’on ne sera pas rappelé. On peut vraiment se reposer. »

« Les retombées sont négatives dans une dizaine de départements, rapporte l’association professionnelle GendXXI. Mais là où le dialogue est bon, le ressenti est très bon. »

Quelques-uns s’étonnent de certaines revendications et rappellent leur « statut militaire ». « Un certain confort s’était installé, évoque l’un d’eux. Avec des difficultés à mobiliser des effectifs aux heures « familiales » (repas, rentrées et sorties des enfants à l’école…) qui sont aussi celles où il y a le plus de monde sur la voie publique et où l’on doit justement être visible ! »

Aucune fermeture de brigade

Dans certains départements, l’expérimentation semble s’être d’ailleurs traduite par une augmentation des flagrants délits, selon le même haut cadre de la gendarmerie, qui répond aussi aux critiques. « Si vous êtes victime d’un accident de la route, ce n’est pas votre médecin de famille qui interviendra, mais les pompiers, là où cela se produira ! C’est la même chose pour nous. Le DGE intervient en premier. La brigade territorialement compétente prendra ensuite le relais et la main sur la procédure. »

Sur la question des distances : « Si la patrouille DGE est trop éloignée, et s’il s’agit d’une urgence, c’est la brigade territoriale la plus proche qui interviendra », assure la même source, qui devance d’autres questions : « Il s’agit d’une mutualisation des interventions, et en aucun cas de mesures visant à fermer ensuite des brigades. Au contraire, ce nouveau dispositif est là pour dégager des moyens et être davantage présent et plus proche de la population et des élus. »

Missions indues

Le nouveau système pourrait aussi davantage permettre de coller à la réalité des interventions de nuit. « La plupart sont concentrées entre le jeudi et le samedi soir », relève un officier. Et de mieux prendre en compte toutes les sollicitations. Un gendarme de terrain, en Bretagne, acquiesce : « Avant, en cas d’astreinte la nuit, on était au lit et réveillés à 2 h pour un cheval en divagation ou un tapage, c’était dur… Là, on est déjà dehors. On ne se pose pas la question. Il faut intervenir. On est là et on y va ». « C’est un plus, observe un officier. Un tapage nocturne peut par exemple cacher des violences intrafamiliales, ou révéler des besoins éducatifs et sociaux. »

Restent les tâches « indues », qui consomment beaucoup de temps et n’entrent pas spécifiquement dans les missions prioritaires, dénoncent régulièrement les gendarmes (comme les policiers) : extractions judiciaires, participation aux réunions des commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité, médecine légale de proximité (transport des gardés à vue dans les hôpitaux, souvent éloignés ou très éloignés, pour examen médical, faute de médecin disponible localement)…

Une amende de… 4 €

Un officier évoque aussi les divagations d’animaux (près de 1 000 appels distincts par an dans son département). « S’il y a danger grave et immédiat, on intervient, pas de problème. Mais les élus connaissent aussi les éleveurs et ont pouvoir pour intervenir. Les gendarmes n’ont aucune expérience pour gérer ces bêtes, et aucun équipement dédié. On ne fait pas entrer une bête dans son champ à coups de feu ! »

Même constat pour les personnes en divagation sur les routes. « Contrairement à ce qu’on croit, ce sont rarement des gens ivres ou en panne, mais des personnes qui veulent rentrer chez elles à des heures où il n’y a plus de transport en commun, et qui n’ont pas les moyens ou envie de se payer un taxi. Et c’est la gendarmerie qui est sollicitée pour intervenir et qui, très souvent, les ramène à leur domicile. Ce n’est pas notre rôle et cela nous fait perdre des centaines d’heures chaque année… » Ces divagations sont pourtant passibles d’une contravention… de 4 € ! Un montant plus dissuasif a bien été demandé. « On nous a répondu qu’il n’était pas possible d’aller à l’encontre des mobilités douces ! »

Source : Le Télégramme

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