Mort de Myriam Sakhri : la famille souhaite la réouverture d’une enquête indépendante

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La gendarme de 32 ans a été retrouvée morte dans son logement de fonction en 2011. L’enquête a conclu à un «suicide pour raisons personnelles» mais les proches n’y croient pas. Ils appellent à manifester ce mercredi à 15 heures devant le tribunal de grande instance de Lyon pour demander l’ouverture d’une nouvelle instruction.

«L’enquête a été saccagée.» L’avocat et la famille de Myriam Sakhri, gendarme à Lyon, continuent de remettre en cause les conclusions de l’enquête concernant la mort de la jeune femme. Pour faire entendre leur voix et lui rendre hommage, ses proches et leur avocat appellent à manifester pacifiquement ce mercredi à 15 heures devant le tribunal de grande instance (TGI) de Lyon.

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Myriam Sakhri était en colère. Et pour ses proches, c’est sans doute la cause de son décès. Le 24 septembre 2011, vers 10 heures du matin, la jeune femme est retrouvée morte, une balle dans le foie. Elle gît sur le canapé de son logement de fonction à la caserne Delfosse à Lyon. Sur la table devant elle: un mot met en cause son supérieur hiérarchique qu’elle cite nommément. Il est écrit «Merci à G. le connard».

L’enquête est confiée à l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) qui conclut à «un suicide pour raisons personnelles». Mais la famille n’y croit pas. Selon elle, des zones d’ombre persistent. «L’autorité à la charge de l’enquête n’est pas indépendante de l’autorité mise en cause», dénonce par exemple à l’époque Me Metaxas, l’ancien avocat des proches. «Les investigations menées par l’IGGN ont été partielles», estime Me Jean-Christophe Basson-Larbi, actuel avocat de la famille. Il considère que «l’hypothèse d’un homicide volontaire ou involontaire aurait dû être étudiée» notamment à cause de la trajectoire descendante de la balle.

Des faits et des propos racistes

Celle qui «ne supporte pas la détresse des autres», selon sa sœur Farida, devient gendarme à 25 ans puis est mutée à Lyon en 2010 en tant qu’opératrice téléphonique. C’est elle qui répond aux personnes qui composent le 17 en cas d’urgence. Quatre mois avant sa mort, la gendarme d’origine algérienne envoie une lettre à sa hiérarchie dans laquelle elle dénonce des faits et des propos racistes de trois collègues. «Les mots bougnoule, boukak et youpin sont des termes récurrents», écrit-elle. Elle précise également que l’un des trois mis en cause n’hésite pas lancer «Tu nous rappelleras quand tu sauras parler français» aux personnes étrangères avant de raccrocher le téléphone. La jeune femme est reçue par son supérieur mais rien ne change et elle devient elle-même la cible d’insultes racistes. «Il est resté sourd et a œuvré pour que cette histoire reste lettre morte», déplore au Figaro Me Jean-Christophe Basson-Larbi.

Celui-ci porte même plainte contre la jeune femme quelques semaines plus tard pour avoir consulté des fichiers de gendarmerie dans un but personnel. Alors que l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) se déplace à Lyon pour l’interroger, elle en profite pour leur signaler les faits de racisme et de harcèlement dont elle dit être victime. L’IGGN interroge alors les collègues de la jeune femme mais ces derniers n’osent pas parler et l’institution conclut à l’absence de racisme.

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Après cet entretien, la gendarme de 32 ans a la sensation de ne pas être prise au sérieux. Elle se rapproche d’un avocat, Me Sylvain Cormier qui lui conseille de recueillir des témoignages et de porter plainte. «Elle ne mentait pas puisque certains gendarmes lui ont envoyé des textos pour s’excuser de ne pas avoir eu le courage de dire la vérité», souligne aujourd’hui Me Basson-Larbi. En 2012, ces gendarmes ont d’ailleurs accepté de témoigner anonymement dans un épisode de Spécial Investigation sur Canal+. «Elle vivait un mal-être dans cette unité. Quand on insulte quelqu’un de «sale algérien», «retourne dans ton pays» alors qu’on est gendarme… Pour moi Myriam était victime de harcèlement moral et d’une discrimination raciale», rapporte l’un d’eux.

Des zones d’ombre dans les scellés

Jusqu’en 2016, la famille épuise tous les recours et demande en vain à ce que la police soit chargée de l’enquête mais les conclusions sont identiques et l’affaire est chaque fois classée sans suite.

Un «suicide pour raisons personnelles» est une «fumisterie», déplore le conseil de la famille, qui souligne que la jeune femme était déterminée à faire éclater la vérité. «Elle était très fière de son métier, elle était convaincue que ce genre de pratiques n’étaient pas compatibles avec les valeurs de la gendarmerie.» Le jour de son décès, la jeune femme appelle sa sœur Farida. Elle lui explique qu’elle «a du lourd» et qu’elle compte «déposer plainte». Lorsque sa sœur lui conseille de ne pas rester à la gendarmerie, Myriam Sakhri lui rétorque: «Non, ça leur ferait trop plaisir».

L’enquête close, les proches demandent à récupérer les effets de la jeune femme. Les réponses qu’ils reçoivent sont troubles. Selon une source proche du dossier, une première lettre du parquet explique en janvier 2017 que la liste des effets demandés (vêtements et matériel informatique) ne correspond pas aux scellés en possession de la justice (uniquement les vêtements). L’avocat souhaite ensuite recevoir une copie du dossier mais une lettre à en tête du parquet de Lyon, mais non signée, lui indique que le dossier a été détruit, ce qui est formellement interdit. Enfin, en juillet 2018, le parquet informe la famille que les scellés sont désormais «propriété de l’État». Contacté par le Figaro, le parquet de Lyon n’a pas encore pu confirmer ces allégations.

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Dévouée à faire toute la lumière sur cette histoire, la famille a lancé un appel à se rassembler mercredi devant le de Lyon. Elle souhaite faire reconnaître par la justice les «faits avérés de discrimination à caractère racial et de harcèlement moral» que subissait la gendarme, exiger la restitution des scellés ou la confirmation de leur préservation, et enfin demander qu’une enquête indépendante et impartiale soit menée. «Sept ans se sont écoulés et c’est peut-être le bon moment pour que des langues se délient et que des éléments nouveaux puissent convaincre le parquet de rouvrir une instruction. Quelle que soit l’issue, elle sera acceptable si l’enquête est menée en toute impartialité.»

Source : Le Figaro

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