Mineurs, journalistes, artistes…Les « ennemis de l’UKRAINE » fichés sur « MYROTVORETS », un site macabre créé à Kiev

Ségolène Royal

L’ONG ukrainienne Myrotvorets a listé sur un site des milliers de profils qu’elle décrit comme des «ennemis de l’Ukraine», et qu’elle estampille de la mention «liquidé» en cas de mort. Des personnalités françaises, dont des journalistes, y figurent.

4 septembre 2022 : voilà deux jours que l’ancienne ministre française Ségolène Royal est critiquée de toutes parts pour avoir dénoncé sur BFM TV ce qu’elle présentait comme de la propagande de guerre ukrainienne dans le cadre du conflit militaire en cours. Dans un silence tranchant avec le grondement politico-médiatique qui la vise, l’ex-candidate à la présidentielle de 2007, se retrouve dans le même temps, et sans le savoir, fichée sur le site internet d’une ONG ukrainienne baptisée Myrotvorets center, à traduire en français par « centre pacificateur ».  

Fichage macabre

Un nom de domaine d’autant plus glaçant qu’il désigne une plateforme où certaines fiches contiennent la mention « liquidé » : il s’agit de personnes recensées sur le site ukrainien qui ont trouvé la mort dans diverses circonstances.

Alors qu’y sont recensés des profils qualifiés d’ « espions», le site de Myrotvorets regorge à ce jour d’innombrables identités, parmi lesquelles on peut même retrouver celles de mineurs.

Bien que certains aient déjà alerté sur les risques sécuritaires liés à cette plateforme, l’ONG ukrainienne poursuit son fichage et ses publications, sans que ses méthodes n’aient éveillé l’attention médiatique occidentale depuis le début du conflit militaire en Ukraine. Ainsi, à l’heure où sont écrites ces lignes, une recherche contenant le mot « Myrotvorets» sur le site de l’AFP ne fournira par exemple qu’une seule et unique dépêche consultable. Celle-ci remonte au mois de juin 2019 et contient une occurrence de l’ONG où elle est simplement décrite comme un « groupe de militants» dans le cadre de l’enquête internationale sur le crash du vol MH-17.

Myrotvorets appelle à punir des profils désignés comme «ennemis de l’Ukraine»

«Mort aux envahisseurs et occupants fascistes russes !», est-il écrit sur le sinistre trombinoscope de cadavres défigurés qui, depuis le mois de mai 2022, occupe la page d’«accueil» du site Myrotvorets. Juste en-dessous, figure une illustration baptisée «terrorussie», qui représente des gouttes de sang recouvrant une carte de la Russie. Un coup de molette vers le bas et apparaît une publication remontant au 23 février 2022 (soit la veille de l’opération militaire russe en Ukraine), dans laquelle est annoncé un recensement des citoyens ukrainiens accusés d’avoir été «en contact» avec des profils décrits comme ennemis de Kiev : «C’est à vous de décider ce que vous voulez faire d’eux», explique l’équipe des «pacificateurs» aux visiteurs du site.

Autant d’éléments en guise de mise en bouche pour l’internaute qui se rend pour la première fois sur cette plateforme, dont la mise en ligne remonte à 2014, à l’initiative d’Anton Guerachenko qui se décrit sur les réseaux sociaux comme «ennemi officiel de la propagande russe». A l’époque, celui-ci trouve rapidement un poste dans le très controversé gouvernement ukrainien de transition, mis en place avec le soutien actif de l’administration américaine, dans la foulée de l’Euromaïdan (nom donné aux manifestations pro-européennes qui ont secoué la capitale ukrainienne dès la fin de l’année 2013). A ce moment déjà, Anton Guerachenko mène une campagne en faveur du renforcement des forces paramilitaires ukrainiennes tel que le bataillon Azov, alors ouvertement qualifié de néo-nazi y compris dans la presse occidentale.  

Enfants, journalistes ou encore artistes : les « pacificateurs » ratissent large

Connue pour ses multiples reportages dans le Donbass, où elle a notamment réalisé un documentaire en 2016, la reporter de guerre Anne-Laure Bonnel a publié le 22 septembre sur sa chaîne YouTube une vidéo qui témoigne de la diversité des profils fichés sur Myrotvorets.

Comme RT France a pu le vérifier, y figurent par exemple des fiches pour les journalistes Liseron Boudoul et Gilles Parrot, qui ont réalisé des reportages dans le Donbass pour TF1.

La première y est accusée de « coopération avec les organisations terroristes pro-russes » ainsi que de «violation consciente de la frontière de l’Etat ukrainien afin de pénétrer […] dans le Donbas occupé par les gangs russes-terroristes».

Son confrère est pour sa part fiché pour « propagande du nazisme et du fascisme russes », «participation à l’opération spéciale d’information de la Russie (pays agresseur et terroriste) contre l’Ukraine», ou encore «soutien informationnel pour une attaque militaire ouverte de la Russie fasciste contre l’Ukraine». A noter qu’en plus de sa date de naissance, son numéro de passeport est également rendu public sur le site.

Est également mentionné dans la vidéo d’Anne-Laure Bonnel le cas du photojournaliste indépendant italien Andrea Rocchelli, tué le 24 mai 2014 avec son fixeur russe Andreï Mironov, dans la périphérie de Slaviansk où ils rendaient compte des conditions de vie des civils. Si la justice italienne a dans un premier temps jugé responsable et condamné à 24 ans de prison un commandant de l’armée ukrainienne dans cette affaire, cette décision a finalement été annulée en 2020. De leur côté, les gestionnaires de la plateforme Myrotvorets continuent à ce jour d’imputer au défunt journaliste italien une « violation consciente de la frontière de l’Etat ukrainien afin de pénétrer […] dans le Donbass occupé par les gangs russes-terroristes» et d’accuser son fixeur russe de «collaboration avec des militants et des terroristes pro-russes pour créer du matériel de propagande anti-ukrainien».

Le 13 septembre, le site d’investigation américain The Grayzone a de son côté publié un entretien avec Faina Savenkova, décrite comme « une résidente de la République de Lougansk âgée de 13 ans [fichée sur Myrotvorets] après avoir lancé un appel aux Nations unies pour la fin de la guerre qu’elle vit depuis 2014».

Alors que la jeune fille mineure témoigne au cours de l’interview son vécu, elle fait notamment état de menaces en ligne qu’elle a reçues. Elle affirme par ailleurs que de nombreux autres enfants de son âge se sont vus attribuer une fiche sur la plateforme.

Fait notable, des observateurs ont pu constater le fichage sur le site de personnalités du monde de la culture tel que l’acteur français Gérard Depardieu ou encore l’auteur-compositeur Roger Waters, cofondateur du groupe Pink Floyd.

La fiche du célèbre acteur français semble avoir été créée en août 2015 au moment de son interdiction d’entrer en Ukraine (décrétée par Kiev en raison de ses propos de l’époque sur l’appartenance de l’Ukraine à la Russie), tandis que celle de la star britannique du rock progressif a été ajoutée en août 2018, et comporte plusieurs chefs d’accusation tels que «propagande anti-ukrainienne» ou encore «tentatives d’atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine»…

Mélenchon, Royal, Le Pen, Zemmour… Une partie de la classe politique française fichée
Plusieurs responsables politiques français se sont également vus attribuer des fiches du fait de certaines de leurs prises de position sur le conflit russo-ukrainien.

Ainsi est-il reproché au chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon d’avoir perpétré de «la propagande anti-ukrainienne» et d’avoir «justifié l’agression russe». Sa rivale politique Marine Le Pen est quant à elle accusée de «tentative d’atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine» et de «répandre la propagande du Kremlin». Des pseudo-griefs du même genre sont attribués à sa nièce Marion Maréchal. Pour sa part, le chef de Reconquête !, Eric Zemmour, se voit aussi accusé de «propagande anti-ukrainienne».

Dans le viseur de Myrotvorets également : François Asselineau, président fondateur de l’UPR. Il lui est notamment reproché de s’être rendu à Sébastopol en 2014, «avec ses assistants». Accusant le responsable politique de «violation consciente de la frontière de l’Ukraine», la plateforme a rendu publiques certaines de ses coordonnées personnelles, dont un numéro de téléphone portable.

Par ailleurs, comme évoqué plus haut, l’ancienne ministre française de l’Ecologie Ségolène Royal, est plus récemment rentrée dans le club des fichés, après des propos tenus lors d’une intervention télévisée sur BFM TV le 1er septembre. Dans les multiples allégations la visant figure notamment l’étrange motif : «participation à des actes d’agression humanitaire contre l’Ukraine.»

Plusieurs initiatives pour alerter sur le danger d’un tel fichage

Malgré l’absence d’écho médiatique dont il a bénéficié en France lors de sa publication, un rapport de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) alertait en 2018 sur «une atteinte à la sécurité des personnes» relative à l’activité du site de Myrotvorets.

L’Ofpra y rappelle notamment que la plateforme a publié en 2015 des informations détaillées relatives à diverses personnalités opposées au gouvernement ukrainien, parmi lesquelles trois anciens membres du Parlement (Alexander Peklushenko, Mikhail Chechetov et Oleg Kalashnikov) et Oles Bouzina, un journaliste ukrainien d’opposition. «En quelques mois, tous les quatre sont tués ou se suicident de manière suspecte», relevait alors l’institut public français.

La même année, le gouvernement allemand assurait de son côté avoir par le passé «exhorté le gouvernement ukrainien à œuvrer à la suppression de ce site web». En réponse, Kiev s’était défendu en expliquant que le site en question fonctionnait sur un serveur étranger. Et pour cause, depuis sa création à Kiev en 2014, l’organisation mentionne sur son site un hébergement outre-Atlantique, plus précisément sur le territoire de Langley, qui abrite le siège de la CIA.

Cet échange entre les deux diplomaties faisait suite au fichage sur Myrotvorets de Gerhard Schröder, alors président du conseil de surveillance de la compagnie pétrolière russe Rosneft. A l’époque, la presse allemande avait affirmé que la plateforme en question était directement liée au ministère ukrainien de l’Intérieur.

Plus récemment, le représentant permanent de la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU, Vassili Nebenzia, a fait le lien entre le meurtre de la ressortissante russe Daria Douguina et l’activité en ligne de Myrotvorets. «Voici la photo [de Daria Douguina] tirée du site tristement célèbre « Myrotvorets », dont nous avons parlé à plusieurs reprises. Ils se réjouissent ouvertement de sa mort, comme vous pouvez le voir, la photo de Daria est barrée de l’inscription « exterminée »», a ainsi interpellé ses pairs le haut diplomate russe, le 23 août, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

Source : Frontsyndical-Classe.org

Lire également : Les méthodes fascistes de Kiev : le musicien Roger Waters sur une liste de gens à abattre de l’extrême droite ukrainienne

Le site myrotvorets : https://myrotvorets.center/criminal/

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