Maintien de l’ordre : la nouvelle doctrine anticasseurs de Gérald Darmanin

Le ministre de l’Intérieur a présenté les grandes lignes du nouveau schéma national de maintien de l’ordre. Chaque tir de LBD sera désormais soumis à l’accord d’un « superviseur ».

Alors que plusieurs milliers de « gilets jaunes » sont attendus ce samedi dans la capitale après des semaines de léthargie, parmi lesquels plusieurs centaines d’« ultras » déterminés à mener un coup d’éclat sur des Champs-Élysées placés sous haute surveillance, Gérald Darmanin a dévoilé vendredi les contours du nouveau schéma national du maintien de l’ordre (SNMO). Très attendue, cette doctrine est le fruit d’un travail de fond réunissant depuis juin 2019 des parlementaires, des experts, des policiers et gendarmes, des syndicalistes ou encore des journalistes pour forger une « vision du maintien de l’ordre du XXIe siècle ». Soucieux d’y imprimer sa marque, le ministre de l’Intérieur a de son côté évoqué les « questions de déontologie des forces » avec Jacques Toubon et Claire Hédon, la nouvelle Défenseure des droits, avant de consulter pendant deux mois les troupes sur le terrain.

Conçue comme une « réponse à l’irruption de la violence dans les manifestations, à l’infiltration de groupes séditieux et de délinquants qui veulent casser, tuer », cette nouvelle doctrine, pour la première fois commune aux policiers et aux gendarmes, va changer le visage du maintien de l’ordre en France. Pour garantir la liberté de manifester de manière pacifique, le schéma va permettre aux forces d’agir avec plus de fermeté face aux casseurs. Dans les régions, les unités en tenue sont invitées à agir de manière « plus réactive », « plus mobile » en s’inspirant, quand cela n’est pas déjà mis en place, des brigades de répression de l’action violente (Brav) déployées par la préfecture de police de Paris. Désireux de « réaffirmer la légitimité de l’action de l’État », les architectes de la nouvelle doctrine ont prévu d’offrir une formation plus étoffée aux policiers et aux gendarmes car « l’exercice du maintien de l’ordre ne s’invente pas ».

Pour « ne pas déstabiliser les citoyens », le port de l’uniforme, avec le numéro d’immatriculation RIO, est rendu obligatoire, hors service de renseignement, judiciaire et interpellation, pour toutes les unités en intervention. Le port de la cagoule est quant à lui interdit. « Quand on fait du MO, on n’a pas à se cacher », lâche-t-on Place Beauvau. À la source de vives polémiques, les armes dites « intermédiaires » vont elles aussi être modifiées. Dès ce samedi à Paris par exemple, chaque policier armé d’un lanceur de balles de défense (LBD40) sera accompagné d’un « superviseur » – comme cela se fait déjà chez les gendarmes mobiles et les CRS – qui l’aidera à prendre une décision avant de tirer. La très décriée « grenade à main de désencerclement » (GMD) est, quant à elle, remplacée par un autre modèle moins puissant et explosant de manière plus horizontale pour limiter les « effets lésionnels ».

L’ordre, et l’ordre seul, fait en définitive la liberté. Le désordre fait la servitude

Gérald Darmanin

Sur les parcours, des policiers affectés à d’inédits « groupes de liaison et d’information » vont tenter de maintenir un dialogue permanent et tenter de trouver des accords avec les organisateurs qui déclarent la manifestation mais aussi ceux qui défilent dans les cortèges. Dans ce même esprit de faire tomber la pression, les forces de l’ordre vont davantage communiquer via des haut-parleurs, des « panneaux lumineux à message variables » semblables à ceux qui informent sur les axes routiers mais aussi des « messages groupés » envoyés par SMS dans un périmètre donné. Ce projet, rendu possible en faisant appel aux opérateurs téléphoniques tout en préservant l’anonymat des utilisateurs, pourrait voir le jour dès le premier semestre 2022. Enfin, d’ici au 1er janvier prochain, les traditionnelles sommations, prononcées quand la rue bascule dans la violence, devraient être modernisées pour laisser place à un texte « rénové » afin d’être plus clair et mieux compris. Soumis à l’approbation du Conseil d’État, il pourrait être ainsi énoncé : « Vous participez à un attroupement, dispersez-vous » puis deux sommations avertissant « veuillez quitter les lieux, nous allons faire usage de la force ».

Mieux formées, les unités de maintien de l’ordre vont par ailleurs monter en puissance grâce au renfort de 230 hommes, ce qui musclera les effectifs de 600 recrues d’ici à la fin du quinquennat. Sur le plan budgétaire, une enveloppe de 100 millions d’euros va être consacrée à l’achat de plusieurs centaines de véhicules neufs appelés à remplacer un parc vieillissant et parfois à bout de souffle, mais aussi d’une centaine de camions, des engins lanceurs d’eau ou encore dix porte-drones.

Appelé à être rendu public la semaine prochaine, après sa présentation au Conseil de défense, ce plan de bataille, « accessible au public et commun aux différentes forces » se veut stratégique. Il entend « fixer les grands principes du maintien modernisé de l’ordre dans notre pays ». Pour résumer sa philosophie d’action, Gérald Darmanin a convoqué vendredi Charles Péguy : « L’ordre, et l’ordre seul, fait en définitive la liberté. Le désordre fait la servitude. » Le nouveau plan de bataille ainsi dévoilé vendredi permettra-t-il de sortir de l’ornière ? Les prochaines manifestations, dans une France au bord de la crise de nerfs, feront figure de test.


Vers l’obligation de flouter les visages des policiers

Gérald Darmanin a annoncé jeudi sa volonté d’interdire aux télévisions et aux réseaux sociaux de diffuser, sans les flouter, « des images montrant les visages » des policiers en opération.

Venu clôturer le 9e congrès de l’Unsa Police, le ministre de l’Intérieur s’est engagé à répondre favorablement à ces demandes récurrentes des syndicats. « Personne ne pourra empêcher les gens de filmer », a-t-il prévenu, mais « je retiens l’idée d’obliger les télés et les réseaux sociaux à ne pas diffuser les images des visages des policiers, mais de les flouter ».

Face à la diffusion de plus en plus fréquente de vidéos d’intervention policières mettant en cause des agents, les syndicats réclament en outre des caméras piétons en nombre et la possibilité de diffuser également leurs images, ce qui est interdit actuellement. Le président Emmanuel Macron a promis de les généraliser d’ici à juillet 2021, a rappelé Gérald Darmanin, en soulignant « la différence de traitement entre les policiers et (…) les délinquants qui diffusent les vidéos ». Le ministre a souhaité que les images de ces caméras piétons puissent être diffusées, que les policiers puissent « travailler avec ces images ».

Actuellement, ces vidéos sont horodatées, localisées et le porteur de la caméra identifié. « La consultation des images n’est possible qu’après transfert par des personnels habilités. Elles sont conservées six mois, plus longtemps s’il y a une procédure administrative ou judiciaire », a-t-on expliqué de source policière.

Source : Le Figaro

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