Maggy Biskupski, un suicide et des questions

VIDÉO – Des soupçons d’abus de confiance pèsent sur la présidente de l’association «Policiers en colère» qui s’est donné la mort lundi soir. Deux enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Versailles.

Elle était devenue l’une des porte-voix du ras-le-bol des policiers. Membre de la BAC de nuit des Yvelines et présidente de l’association Mobilisation des policiers en colère (MPC), Maggy Biskupski a été retrouvée morte, une lettre à ses côtés, lundi soir, à son domicile de Carrières-sous-Poissy, dans les Yvelines. Un suicide, avec son arme de service, dont la classe politique a aussitôt fait le «symbole d’une police à bout». Le parquet de Versailles a ouvert une enquête sur les circonstances de sa mort. Une seconde enquête a été ouverte contre X, par le même parquet, pour «abus de confiance». Car selon une source informée, des échanges de messages entre la jeune femme et ses collègues de MPC laissent présumer un détournement de fonds.

Cette association était née au lendemain de l’attaque de deux policiers à Viry-Châtillon, en octobre 2016. Une agression au cocktail Molotov qui avait révolté les forces de l’ordre et provoqué une fronde inédite: bravant leur devoir de réserve, nombre de policiers avaient défilé durant plusieurs semaines à Paris et en province pour exprimer leur «malaise» face à la «haine anti-flics» et dénoncer leur manque de moyens. Longue chevelure blond vénitien et caractère de battante, Maggy Biskupski, 36 ans, apparaissait régulièrement dans les médias pour parler de leurs «souffrances quotidiennes». Elle était notamment sur le plateau de Thierry Ardisson lorsque le polémiste Yann Moix avait accusé les policiers de se «victimiser» et de «chier dans (leur) froc».

«C’était une engagée»

«Je ne vais pas interpréter son geste, il y a une enquête. Quelle que soit la cause de son geste, il est dramatique. Mais il faut entendre cette colère des policiers, je l’ai entendue, a réagi mardi sur BFMTV le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. C’était une engagée. On pouvait ne pas être d’accord avec elle […] mais c’était une engagée pour une cause, celle de défendre les policiers.» L’activisme de la jeune femme lui avait d’ailleurs valu d’être visée, avec trois collègues, par une procédure de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour «manquements» au devoir de réserve.

«On a l’impression d’emmerder le citoyen lambda qui s’est mal garé plutôt que les vrais délinquants. Tu finis par t’habituer à ce qu’une partie de la population te déteste»

Maggy Biskupski

Seule femme d’une équipe de dix policiers, sur le pont de 20h50 à 5 heures du matin – avec une indemnité de 98 centimes d’euro par heure de travail nocturne -, la jeune femme, qui vivait en colocation dans un petit pavillon, avait reçu Le Figaro en janvier dernier. Elle avait raconté, pêle-mêle, «les pièges à souris» dans son commissariat, «les locaux à moitié inondés quand il pleut», «l’odeur d’égouts infâme dans le vestiaire», mais surtout «le manque d’effectifs et de véhicules». «On interpelle toujours les mêmes délinquants. Parfois on les recroise dès le lendemain!», s’agaçait-elle, en évoquant le «sentiment d’impunité» d’individus souvent mineurs. Assurant recevoir «une trentaine de messages chaque jour de toute la France», elle dénonçait également «la politique du chiffre», qui contraint les policiers à atteindre un quota mensuel d’interpellations. «On a l’impression d’emmerder le citoyen lambda qui s’est mal garé plutôt que les vrais délinquants, pestait-elle. Tu finis par t’habituer à ce qu’une partie de la population te déteste.»

Les causes de son acte désespéré, selon une source proche du dossier, seraient cependant liées à d’autres tourments, que la jeune femme aurait expliqués dans sa dernière lettre. D’après des échanges entre membres des «Policiers en colère» sur la messagerie WhatsApp, Maggy Biskupski aurait détourné quelques centaines, voire quelques milliers d’euros de la caisse de son association. Alors que certains des responsables du mouvement souhaitaient lui permettre de rembourser progressivement cette somme, d’autres l’auraient enjoint à se dénoncer devant les médias.

«Quelles que soient les raisons qui ont poussé notre présidente, notre amie, à ce geste irréversible, nous pensons à elle et à son immense dévouement», a tweeté l’association MPC. Comme son vice-président Guillaume Lebeau, visiblement très ému, elle n’a pas souhaité répondre aux questions du Figaro. Selon les chiffres de la police nationale, 51 policiers se sont suicidés en 2017. Depuis janvier 2018, on en dénombre 30.

Capture d’écran 2018-11-16 à 11.50.39Source : Le Figaro

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