Macron à Camerone : cette hérésie que plus personne ne voit

Passer les troupes en revue, c’est, visiblement, un petit plaisir solitaire que Macron adore.
C’était une première. Jamais un chef de l’État n’avait présidé une cérémonie de Camerone. Camerone, petit village du Mexique où 65 légionnaires tinrent tête à plus de 2.000 soldats mexicains, durant onze heures, le 30 avril 1863. Depuis la création de la Légion étrangère, en 1831, par le roi des Français Louis-Philippe, plus de 40.000 légionnaires sont tombés au service de la France. Depuis sa création, la Légion étrangère a été de tous les conflits de la France. C’était donc justice que le président de la République, chef des armées, honore de sa présence, au nom de la France, cette valeureuse cohorte.
Malheureusement, comme à son habitude, Macron a fait du Macron ! C’est-à-dire qu’il en a fait des grosses caisses. Ce qu’a relevé, avec l’esprit de synthèse qu’on lui connaît, la Grande Gueule Emmanuel de Villiers (frère des deux autres !) qui a posté, sur X, une photo du Président passant les troupes en revue sur la place d’armes d’Aubagne : « Extraordinaire Président acteur ». Passer les troupes en revue, c’est, visiblement, un petit plaisir solitaire que Macron adore. Mâchoires serrées, yeux d’acier, torse bombé : il faut reconnaître qu’il fait le job et est sans doute plus convaincant que, naguère, un Hollande, bedaine en pointe d’avant-garde, cravate en bataille, qui regardait le vide derrière ses binocles.
Contre tous les usages de notre vieille armée
Plaisir solitaire ? Car depuis 2019, il fait ça seul. Contre tous les usages de notre vieille armée qui voulait, depuis toujours, que le Président, comme le faisait le roi ou l’empereur, accomplisse cet acte de commandement qu’est une revue des troupes, accompagné des autorités impliquées dans la chaîne hiérarchique : Premier ministre, ministre des Armées, chefs d’état-major des armées et de l’armée de terre. Une fois le salut au drapeau effectué, Macron renvoie tout ce petit monde dans la tribune et passe en solo la revue des troupes, piloté par un aide de camp qui ouvre la route devant, des fois qu’il se perde en route. Grotesque. Même pas accompagné par le commandant des troupes. En l’occurrence, ce 30 avril 2025, le général commandant la Légion étrangère, renvoyé comme un domestique à l’autre bout de la place d’armes ! Une incongruité qui dure depuis six ans. En effet, en 2019, Jean-Dominique Merchet, fin observateur de la chose militaire, avait relevé cette hérésie. « À la demande de l’Élysée, il [le Président] l’a fait à sa manière, c’est-à-dire seul », avait-il rapporté.
À sa manière ! Tout est dit. En principe, le Président, comme autrefois le roi, ne s’appartient pas mais appartient à sa fonction. Macron a renversé l’ordre naturel, institutionnel, traditionnel des choses. Jamais un général de Gaulle, qui avait fait un peu d’armée avant de devenir président de la République, n’aurait osé le faire, n’aurait d’ailleurs eu l’idée !
La revue des troupes n’est pas celle des Folies Bergère
Une question nous tarabuste : il ne s’est donc jamais trouvé aucun conseiller ou chef militaire pour lui dire que cela ne se faisait pas, que cela ne s’est jamais fait, que l’armée est une institution essentiellement hiérarchique, que les ordres descendent vers le bas dans le respect de cette chaîne hiérarchique, que les comptes rendus remontent du bas vers le haut, par cette même chaîne. La revue des troupes, qui n’a rien à voir avec celle des Folies Bergère, est, historiquement et symboliquement parlant, l’acte ultime avant que la troupe ne parte au combat. Le général en chef commande aux troupes par l’intermédiaire de ses généraux qui, eux-mêmes, commandent à leurs colonels, etc., et ce, jusqu’au chef de section dont les hommes sont là, bien alignés. Ce moment ultime permet au commandant en chef qui a, par définition, le coup d’œil de voir le détail qui ne va pas et de se retourner vers les subordonnés qui l’accompagnent dans cette inspection pour leur demander des explications et ordonner les rectifications qui s’imposent. Tout cela est balayé par une vision égotique d’un Président-acteur qui n’a peut-être pas tout bien compris ce qu’était une armée. Au fait, si quelque chose ne va pas, vers qui Macron va-t-il se retourner ?
Georges Michel (Boulevard Voltaire)
Source : Place d’Armes
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