Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République sur les 111 suicides dans la Police Nationale depuis le début de son mandat

b2ap3_medium_24-07-2019-Suicide-prise-de-fonctio_20190725-062718_1

Monsieur le Président de la République,

C’est l’hécatombe dans les rangs de la Police Nationale.

Comme vous aimez les statistiques, je commencerais mon propos par des chiffres :

* Depuis le début de votre quinquennat 111 de mes collègues se sont donnés la mort ;

* Depuis que Monsieur MORVAN a été nommé Directeur Général de la Police Nationale 93 de mes collègues se sont suicidés ;

* Depuis que Monsieur CASTANER est Ministre de l’Intérieur 53 de mes collègues ont mis fin à leurs jours.

Les policiers meurent par dizaines, non pas sous les coups de criminels ou de terroristes, mais de leur propre main.

Pour Éric MORVAN, Directeur Général de la Police Nationale (DGPN) : « la Police n’est pas malade. Elle serait malade si elle était dans le déni, dans la volonté de cacher cette réalité dramatique à laquelle il faut s’atteler. Je ne suis pas dans le déni, la police d’une manière générale n’est pas dans le déni, c’est une des seules, voire la seule administration à publier, à ne pas contester ces chiffres. » Notre directeur ne nous voit pas comme des êtres humains, mais comme des ressources, qu’on peut classer en pertes et profits. Nous sommes déshumanisés jusque dans notre cercueil.

Selon Monsieur le DGPN « beaucoup de choses ont été faites ». 

Fin janvier 2019, il ordonna par télégramme aux chefs de service de faire preuve d’empathie. Depuis +34 morts.

En avril 2019, Monsieur CASTANER Ministre de l’Intérieur annonça une ligne de téléphone suicide 24h/24. Depuis +14 morts.

Fin mai 2019, Monsieur le DGPN pris une nouvelle mesure draconienne, organiser des barbecues conviviaux de service, mais sur notre temps personnel, alors que nous n’avons déjà plus de vie de famille équilibrée, à cause des heures supplémentaires accumulées. Depuis +13 morts.

Est-ce que la hiérarchie est insensible ? Une fois de plus Monsieur MORVAN a une réponse : « j’entends ce discours syndical, que je ne partage pas entièrement, ce qui n’est pas très grave car dans la déontologie policière qui s’applique aux membres de la hiérarchie, il y a devoir de protection des personnels et puis dans la hiérarchie il y a le directeur général de la police nationale. »

L’organisation syndicale que je représente a fait des propositions pour lutter contre le suicide, en se basant sur le ressenti de nos collègues, corroborés par des études scientifiques ou encore en proposant de s’inspirer de l’exemple de la police québécoise, qui a su prendre des mesures, pour faire baisser son taux de suicides de 80% en moins de 30 ans. Monsieur CASTANER n’a pas répondu et les morts ont continué de s’accumuler.

Mon organisation s’est jointe aux associations de policiers en colère et de quelques autres syndicats, lors d’une manifestation le 12 mars 2019, pour sensibiliser l’opinion publique et demander à Monsieur CASTANER de tous nous recevoir, pour écouter nos propositions pour lutter contre le suicide. Monsieur le Ministre de l’Intérieur a fait le choix de ne pas donner suite, une fois de plus et les morts ont continué de s’accumuler.

Monsieur CASTANER pour ne pas avoir à s’occuper de la question m’a même sanctionné personnellement le 21 juin de 12 mois d’exclusion temporaire de fonction 2019, pour avoir dans le cadre de mon mandat syndical, lancé l’alerte sur les suicides de mes collègues. Le second motif de cette très lourde sanction était d’avoir lancé l’alerte concernant les agissements d’un médecin inspecteur de la police, qui agressait sexuellement les nouvelles recrues. Monsieur CASTANER a choisi de soutenir l’auteur au détriment des victimes. D’ailleurs ma sanction est arrivée après la condamnation de ce médecin par la Justice. Avec un tel management comment voulez-vous que mes collègues ne soient pas poussés à bout ?

Cependant Monsieur MORVAN assume ses responsabilités : « le premier en charge de la protection des policiers est le directeur général. »  Avec 93 suicides sous sa direction, sans compter les suicides de nos collègues administratifs, techniques, scientifiques et ouvriers d’état, on peut constater que la protection n’a pas été assurée.

De même, Monsieur le DGPN reconnait que : « l’explication n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle. » Donc c’est bien le management et l’institution qui sont en cause et non des faits extérieurs. Analyse confirmée par Monsieur le Ministre de l’Intérieur : « j’en ai assez d’entendre, à chaque fois, ça n’avait rien à voir avec le service, c’était seulement personnel. »

C’est pour ces mêmes motifs de harcèlement au travail institutionnel, aboutissant à 19 suicides en 2 ans sur 190 000 salariés, que le parquet a requis contre la direction de France Telecom 15 000€ d’amende et un an de prison. Est-ce que la direction de la police nationale est au-dessus des Lois, avec 53 suicides en seulement 9 mois sur 160 000 personnels, alors que depuis 2014 l’article 222-33-22 du Code Pénal a doublé les peines encourues

Je me tourne vers vous monsieur le Président de la République car Monsieur le Premier Ministre nous a répondu renouveler sa confiance à Monsieur CASTANER le 26 mars 2019, malgré tous les manquements graves du Ministre de l’Intérieur.

Devant la gravité et l’urgence de la situation, je vous demande de bien vouloir démettre de leurs fonctions Messieurs CASTANER et MORVAN. France Telecom avait d’initiative changé sa direction, est-ce que l’Etat ferait moins pour préserver la santé et ici la vie de ses employés ?

Je vous demande également de bien vouloir recevoir mon organisation, ainsi que celles présentes lors de la manifestation du 12 mars 2019, qui souhaiteraient proposer des solutions pour mettre fin à cette spirale infernale. Bien évidemment, vous pourriez être tenté d’invoquer le score de 0,4% que mon organisation a obtenu lors des dernières élections professionnelles, mais dans ce cas vous cautionneriez la fraude digne d’une république bananière, qui a faussé la sincérité du scrutin de décembre 2018, à tel point que quatre organisations, dont VIGI, ont déposé un recours pour en demander l’annulation. Au sujet de ces élections l’article du Canard Enchaîné du 19-12-2018 est éloquent.

En l’attente d’une réponse de votre part, je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Alexandre LANGLOIS

Secrétaire Général

Source : VIGI

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *