Les tests PCR amplifient-ils « artificiellement » le nombre de cas de Covid-19 ?

tests-pcr-covid-19CréditKONSTANTIN MIHALCHEVSKIY / SPUTNIK / SPUTNIK VIA AFP

C’est ce qu’assure Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique, dans une tribune parue dans le journal Le Monde. Les virologues et microbiologistes interrogés par Marianne pointent un faux débat. Explications.

Aurait-on abusé des tests PCR pour confiner des personnes alors qu’elles n’étaient pas contagieuses ? C’est en résumé la question que pose une tribune parue dans le journal Le Monde ce samedi 7 novembre. Accusateur, le texte, coécrit par le vétérinaire Patrick Guérin et Didier Sicard*, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), pointe la sensibilité des tests PCR. D’après les deux auteurs, « des biais amplifient artificiellement le nombre de cas positifs et faussent la perception de la gravité de l’épidémie ». Une analyse unanimement nuancée voire contestée par plusieurs virologues et biologistes interrogés par Marianne. Explications.

Comment fonctionnent les tests PCR ?

Pour rappel, le test RT-PCR est la principale technique de dépistage du Covid-19 dans tous les pays du monde touchés par la pandémie. Grâce à un prélèvement naso-pharyngé, un biologiste va chercher à amplifier la matière génétique du virus afin de déterminer si le patient est porteur du Covid ou non. Cette amplification se fait en plusieurs « cycles » (variant de 20 à 40). À partir d’un certain seuil (appelé Ct), il peut distinguer un échantillon positif d’un négatif.

Quels sont les biais évoqués par Didier Sicard et Patrick Guérin dans leur tribune ?

Selon leurs mots, « le coefficient d’amplification dit « Ct », c’est-à-dire le chiffre à partir duquel apparaît la fluorescence, est essentiel. Plus le chiffre est bas, plus la charge virale est élevée, donc la contagiosité, et inversement ». Ils ajoutent : « la présence de fragments de SARS-CoV-2 dans les fosses nasales n’entraîne pas automatiquement la maladie, ni la contamination ». Une théorie déjà reprise fin août par un article du New York Time. Et pour cause : plus il y a de cycles (Ct) dans l’échantillon analysé, plus la charge virale est faible. De fait, plus la charge virale est faible, moins le patient est contagieux. D’où une question : faut-il distinguer les faibles contaminations des plus fortes ? Et ne pas isoler les premières ?

Face au débat naissant, Jérôme Salomon, le directeur général de la santé a même saisi la Société française de microbiologie (SFM) le 11 septembre dernier. Dans un avis rendu fin septembre, celle-ci notait qu‘ « à ce jour, aucune recommandation n’a été émise quant à l’interprétation  (…) des résultats faiblement positifs. Cependant, la distinction entre les situations à fort ou faible risque infectieux est importante pour prioriser les efforts et les précautions à mettre en place ».

Un avis, qui à l’heure actuelle est toujours au stade de recommandation. Autrement dit, les instances sanitaires ne distinguent pas les personnes à fort risque infectieux des personnes présentant moins de risques. Or pour Didier Sicard et Patrick Guérin « des personnes ont été confinées par milliers inutilement, alors qu’elles n’étaient plus contagieuses, et ce pour un coût exorbitant pour les finances publiques et l’activité économique ». Reste que cette interprétation des résultats des tests PCR n’a rien d’évident. La société française des microbiologistes le dit elle-même.

Pourquoi les instances sanitaires ne distinguent-elles pas les « cas positifs » des « faiblement positifs » ?

D’après l’institution, pour juger au mieux du niveau de contagiosité d’une personne, il est nécessaire de prendre en compte à la fois le résultat de son test (soit la biologie), mais également le contexte clinique du patient. À savoir la raison de son test : est-il cas contact ? Symptomatique ? Doit-il prendre un avion ? « Certains résultats faiblement positifs peuvent s’expliquer par le fait que le patient est au début de la maladie et donc pas encore contagieux », souligne Jacques Izopet, professeur de virologie au CHU de Toulouse. « Il pourra donc l’être quelques jours après« .

De son côté, Stéphanie Haïm-Boukobza, responsable du pôle infectiologie d’un laboratoire d’analyse et membre du syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM), prévient que ce taux de charge virale peut aussi dépendre de la technique utilisée pour réaliser le test ainsi que de sa qualité. « Si un test est mal fait et que l’écouvillon n’a pas été assez enfoncé, le test peut ressortir avec un faible taux de positivité simplement parce que l’on a pas assez prélevé de matière et non pas parce que la personne est vraiment moins contagieuse », détaille la biologiste.

Des personnes moins contagieuses ont-elles été confinées « inutilement » ?

Les professionnels contactés par Marianne ne le nient pas. Néanmoins, l’hypothèse ne reflète pas la situation du plus grand nombre. « Quel est l’objectif premier du test ? », interroge le microbiologiste Etienne Decroly. « On teste les gens parce que, dès lors qu’ils sont positifs, cela leur permet de s’isoler et d’éviter de contaminer d’autres personnes », souligne-t-il, un brin agacé. D’après le chercheur, le débat est ailleurs. Pour le prochain déconfinement, « préoccupons-nous de rendre des résultats de tests en moins de 24 heures pour que les gens s’isolent vite. Aussi, mettons l’accent sur l’isolement, cherchons à voir si les personnes testées positives peuvent bien s’isoler. Il vaut mieux isoler un peu trop de personnes faiblement positives que d’en arriver à un confinement généralisé », estime-t-il.

* Contacté, Didier Sicard a dit « manquer de disponibilités » pour nous répondre.

Source : Marianne

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