L’assimilation à la bretonne

« Celui qui vient chez moi ne doit avoir qu’un seul impératif en tête: nous ressembler »

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En Bretagne, on veille à ce que la classe laborieuse bretonne reste l’horizon indépassable. Ailleurs en France, on a laissé des particularismes se développer chez les nouveaux arrivants… Force est de constater que cela ne se passe pas aussi bien.

Tous les matins je prends un café au PMU de ma commune. Celui qui me sert ce café s’appelle Mohammed. Il n’y a pas de rapport hiérarchique entre Mohammed et moi. Il me sert mon café chaque jour mais demain il peut être mon client donneur d’ordre. Mohammed n’est donc pas l’arabe de service ou « grain de riz ». Et il n’est le petit protégé de personne.

Momo au fest-noz, comme tout le monde

Dans ce PMU on retrouve uniquement toute la classe moyenne bretonne ou un camaieu de ce qu’on peut appeler les « classes populaires », « laborieuses » : retraités, maçons, commerçants, paysans. Hommes, femmes. Footeux. Blondinets. Caissières. Ceux qui bossent. Ceux qui se lèvent tôt. Ceux qui font tourner la machine.

Mohammed c’est Momo. Francis c’est Cississe. Il y a aussi Dédé, Jipé, … et d’autres qui n’ont pas de surnom.

Dans ma commune il n’y a pas d’arabes. Ni de noirs. Parce que Momo n’est pas un arabe, c’est un mec de la classe laborieuse bretonne. Il discute de tiercé (il travaille dans un PMU). Il supporte le Stade Rennais. N’arrive pas à admettre que le FC Nantes est le plus grande équipe bretonne. Peut-être même du monde ! Et danse occasionnellement au fest-noz le samedi. En été il y a une planche de palets devant le bistrot. Momo joue. Comme Stéph’. Comme moi. Comme tout le monde. Les gosses de Momo apprennent le breton et le gallo car dans ma commune toutes les écoles sont bilingues breton-français, plus le gallo à Saint-Joseph/Sant-Jozeb, l’école catholique bilingue.

Momo doit avoir un camping-car aussi parce que je l’entends parfois discuter de ça avec Colette, une habituée.

Est-ce que Momo est musulman ? Aucune idée. En même temps il fait tous les jours des sandwichs au jambon et au pâté de cochon sans tordre du bec…

Jean chemise, pas djellabah

En fait, tout le monde se fout de savoir si Mohammed est musulman parce que Mohammed n’est pas ou n’est plus arabe. Le souvenir s’en est perdu. Il peut bouffer des soupières entières de couscous chez lui, prier Allah que le Stade Rennais mette 10 buts au PSG et porter des babouches pour tondre sa pelouse que tout le monde s’en fout autant que de savoir si Dédé va à la messe.

Quand il y a des attentats islamistes, ça cause au PMU. Les « arabes » qui font chier, les « musulmans qui veulent imposer leur loi ». « Y’en a de plus en plus ». Personne n’interpelle Momo sur la question comme personne n’interpelle Jojo. Parce qu’un type qui travaille au PMU depuis 14 ans, a ses gosses aux clubs de foot et de danse, habite dans une maison qu’il a rénové, a l’accent breton, dont la femme est à l’amicale de l’école catho et qui est habillé en jean et en chemise est juste un membre de la classe laborieuse bretonne un peu plus bronzé que les autres.
Les patrons du PMU sont âgés, ils vont raccrocher d’ici un an… deux ans… on dit que Momo va reprendre. Ca devrait être une bonne affaire ! Rien ne changera, je continuerai à venir prendre mon café avec Michel et Christelle. Les ouvriers de chez Le Goff Peinture continueront à venir prendre le café à 8h00 avec leur patron pour préparer la journée. Et le lundi matin, nous constaterons que le FC Nantes aura encore gagné contre Rennes.
Notons que Momo n’est pas plus ou meilleur qu’un autre. Je ne sais pas s’il fraude le fisc, est un client chiant quand il veut refaire sa toiture ou s’il couche avec l’esthéticienne je dis juste qu’il est identique aux 2000 autres habitants de mon bled. Comme l’est un gars qui doit être d’origine laotienne je crois, un autre qui doit avoir quelque souche africaine (visiblement), une famille d’Anglais, un couple de Gallois et c’est tout.

Dehors les « minorités »

Chez moi, il n’y a pas de minorité, de noirs ou d’arabes, il n’y a que des membres de la classe laborieuse bretonne et quelques cas sociaux ou pochtrons que tout le monde connaît.

Alors par contre j’ai eu l’occasion de travailler avec deux arabes. Enfin un Turc et un arabe. Le premier est Mehmet. Du quartier du Gumunenn à Auray. Que des Turcs ! Et qui vivent en Turquie. Abdoulila Abdalouli. Femmes voilées jusqu’aux trous de nez. Mehmet a la barbe, le raisin de prière sur le front, la djellabah.

Et il y a Kader. Débarqué de la région parisienne. Alors lui ne connait pas grand chose à l’Islam mais quand je sortais le Hénaff c’était le drame. Parler racaille. « Mon frère », « sur le coran ». Le 9-3. Le shit. « La Bretagne c’est que des ploucs ». La fatma sortait d’Argenteuil et parlait comme un chamelier en survèt’.

Pour ces deux-là, il n’y a aucun avenir en Bretagne. La seule place à laquelle ils peuvent prétendre c’est une place dans le TGV pour Paris ou dans l’avion pour Alger ou bon leur semble mais pas chez nous.

Parce que c’est simple : La classe moyenne. Laborieuse. Populaire. Ses valeurs, son accent, son « capital culturel ». C’est l’horizon indépassable. Tu es comme nous ou tu te casses. On est peut-être beaufs. On est parfois vulgaires, on écoute Johnny en gueulant là-dedans mais c’est comme ça et la société c’est nous. Et ça ne peut que être nous.

Horizon indépassable mais améliorable. Car l’enjeu est, pour moi, de démondialiser cette classe moyenne bretonne, de la réenraciner, la rebretonniser. Langue gallèse, langue bretonne, festoù-noz, rénovation du bâti traditionnel breton dans l’esprit au lieu des lotissements moches, relocaliser les modes de consommation, « respiritualiser » des gens perdus aussi, familles décomposées, recomposées. Où est le bien ou est le mal ? Il y a du boulot sur ce terrain-là…

La classe sociale qui travaille aussi à l’intégration

Je ne sais pas ce qu’il en est en Eure-et-Loir ou à Troyes mais ici, en Bretagne, c’est comme ça.

Le géographe Christophe Guilluy parle dans son dernier ouvrage No Society de cette classe laborieuse qui était la classe intégratrice. Les immigrés qui arrivaient autrefois voulaient ressembler à cette classe et se fondre en elle.
Or, la classe laborieuse a été laminée par la mondialisation. Ceux qui ont fait ça sont des criminels qu’il faudrait fusiller. Et je commanderais volontiers le peloton d’exécution !

En ce qui me concerne, la classe laborieuse bretonne doit être la classe centrale. Hégémonique ! Pour une dictature culturello-politique de la classe laborieuse ! Si elle conserve cette hémégonie, tous les Momos du monde s’y fonderont et seront fiers. Si elle est remplacée par d’autres normes, ce sera la guerre.

Chez moi elle résiste encore. Avec ses défauts et ses dérives. Mais, elle existe encore et dans une certaine mesure, se réenracine. Je reviens de région parisienne, chez vous elle n’existe plus. Elle a perdu la guerre culturello-politiquo-territoriale. Je ne me prononcerais pas sur la Provence ou le Limousin car je ne connais pas assez ces territoires et les gens qui y vivent.

Mais pour ce qui est de la Bretagne il faut être clair : celui qui vient chez moi ne doit avoir qu’un seul impératif en tête : nous ressembler. Il faut être clair jusqu’à en être caricatural. Chez les Bretons, il n’y a pas de place pour un autre groupe social que cette classe laborieuse bretonne. Même un patron d’usine ou un notaire doit chercher à nous ressembler car nous sommes la Norme et le bon goût.

Bobos, babouches, bourgeoisie mondialisée et métropolisante par contre : la sortie est par là, vers l’est ou vers le sud.

Source : Causeur

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