La (nouvelle) alerte de la Cour des comptes sur le manque de formation des policiers

Rama/Wikimedia Commons

Dans un rapport, examiné ce mercredi 23 février à l’Assemblée nationale, la Cour des comptes pointe à nouveau les lacunes du système de formation des policiers.

Par Sarah Asali Journaliste emploi et formation professionnelle

Un système “perturbé” et soumis à de “fortes tensions”. C’est ainsi que la Cour des comptes qualifie la formation accordée aux policiers en France, dans un rapport examiné ce mercredi 23 février en commission des finances de l’Assemblée nationale et que nous avons pu consulter. En cause d’abord, un nombre de recrutements en forte variation depuis 2005, avec une nette baisse des effectifs jusqu’en 2015, avant l’atteinte d’un point haut en 2016, après les attentats : 9.300 incorporations ont eu lieu dans la police nationale cette année-là, contre 2.500 en 2012, par exemple. L’an dernier, les recrutements sont restés à un niveau élevé, avec 6.200 incorporations.

Cette hausse “met les structures de formation initiale (à savoir les écoles, ndlr) sous pression”, écrivent les auteurs du rapport, commandé par Eric Woerth, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Dans une note publiée en novembre 2021, la Cour des comptes estimait déjà que la formation des policiers devait être “renforcée et modernisée pour faire face à l’exigence de montée en compétences d’effectifs nombreux”.

En réalité, la qualité de la formation à l’école est “inégale” selon les corps auxquels appartiennent les élèves. Ainsi, la formation des commissaires fait l’objet d’un taux de satisfaction “élevé”, de la part des élèves (après deux ans de pratique professionnelle, 81% d’entre eux sont satisfaits), mais aussi des supérieurs hiérarchiques (93%), d’après une enquête réalisée par l’école nationale supérieure de la police et reprise par la Cour des comptes dans son nouveau rapport.

Mais on ne peut pas en dire autant pour la formation des officiers ou des gardiens de la paix. Pour les premiers, l’institution de la rue Cambon alerte sur l’augmentation de la taille des promotions (70 élèves en moyenne entre 2015 et 2019, contre 400 en septembre 2022), qui “risque de susciter une diminution de la qualité de la formation”. Pour les gardiens de la paix, plusieurs préoccupations (qui sont liées) sont mises en avant par la Cour des comptes. Ainsi, le recrutement est de moins en moins sélectif : le taux de sélectivité est passé d’un admis pour 7,6 candidats en 2015 à un admis pour 4,3 candidats en 2020 pour le concours externe. Or cette faible sélectivité “pose la question de la capacité du système à écarter les élèves démontrant des inaptitudes en cours de scolarité”, relèvent les auteurs du rapport, qui alertent sur “une baisse du niveau des élèves, en particulier de leur condition physique, ainsi que le sentiment d’une incapacité du système à exclure ceux qui ne présentent pas les aptitudes ou le comportement requis.”

Les obligations d’entraînement pas toujours respectées

Et il n’y a pas que les lacunes de l’apprentissage à l’école qui sont pointées du doigt. Dans leur rapport, les Sages de la rue Cambon mettent également en avant les limites du système de formation continue, tout au long de la carrière des agents de police. Ainsi, le nombre annuel de jours de formation continue par agent est resté stable entre 2015 et 2019, mais à un niveau “peu élevé”, de l’ordre de 4,8 à 5,3, tous corps confondus.

Les obligations d’entraînement, notamment via les formations aux “techniques et sécurité en intervention” (TSI), ne sont d’ailleurs pas toujours respectées. En la matière, “nos constatations sont très sévères”, a tenu à préciser Emmanuel Glimet, président de section à la quatrième chambre de la Cour des comptes, lors de l’examen du rapport à l’Assemblée. Depuis 2015, les agents doivent s’entraîner à ces techniques pendant 12 heures par an au minimum. Or seulement 24% des agents de la Direction générale de la police nationale (DGPN) ont respecté cette obligation, tous types de personnels confondus. Au sein de la seule préfecture de police, ce taux baisse à 14%. “Un chiffre d’autant plus inquiétant que les policiers en région parisienne sont plus jeunes que la moyenne et interviennent dans des zones sensibles”, signale la Cour des comptes, qui alerte par ailleurs sur un risque “important” lié au “manque d’attention porté à la réalisation des entraînements aux pratiques professionnelles en intervention, qui recouvrent des gestes indispensables et aux conséquences physiques potentiellement lourdes, comme la maîtrise d’un individu récalcitrant”.

L’institution prend aussi l’exemple des formations obligatoires au tir. Depuis 2018, les policiers affectés dans une brigade anti-criminalité doivent réaliser 54 heures de formation sur trois ans. Mais d’après les données fournies par la Direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale, le taux de respect de cette obligation n’est que de 87%. Pire encore, d’après un sondage réalisé au sein du commissariat du 14ème arrondissement de Paris, seulement 43% des agents ont suivi 54 heures de formation au tir. “Ce résultat paraît insuffisant au regard de l’activité des personnels considérés”, déplorent les auteurs du rapport. Ce non-respect de l’obligation de formation au tir par autant d’agents s’explique par un “faible contrôle pour les services ou les agents éloignés des missions de voie publique”, mais aussi, pour la préfecture de police, par un manque de formateurs aux techniques et à la sécurité en intervention.

En effet, en 2021, un ratio d’un formateur à ces techniques pour 235 agents était observé, contre une cible d’un formateur pour 120 personnes. Le système accuse donc un “déficit de 130 formateurs”, d’après la Cour des comptes. Autre apprentissage pour lequel un manque flagrant de formateurs est observé : celui relatif à l’exploitation des données issues de la téléphonie mobile, via le logiciel Mercure. Là encore, l’institution met en garde sur un “nombre limité de formateurs susceptibles de la dispenser”. Il faut dire que le métier de formateur, généraliste comme en TSI, “manque d’attractivité”, d’après les Sages de la rue Cambon. Voilà donc un autre défi auquel la police doit faire face en matière de formation.

Source : Capital

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