« La gravité du fait politique islamiste en France est fortement sous-estimée » Entretien avec le président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure

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L’avocat Thibault de Montbrial, président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure, sonne le tocsin. Cinq ans après Charlie, la menace djihadiste a muté sur notre sol. Si notre droit s’est adapté, l’Etat et certains magistrats manifestent d’inquiétantes défaillances.

 

Causeur. Quel est le niveau de la menace terroriste djihadiste cinq ans après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher ?

Thibault de Montbrial. La menace est très élevée – beaucoup plus que ce que pense la majeure partie de la population. Pour résumer, on peut schématiquement distinguer trois phases de l’évolution du terrorisme depuis 2015. La première, celle des commandos projetés depuis la Syrie, de 2015 au premier semestre 2016, s’est soldée par le bilan le plus terrible. Il y a eu le commando envoyé par Abdelhamid Abaaoud qui commence par le Thalys, le 21 août 2015, poursuit par le 13-Novembre – où il ne commet qu’une partie des attaques prévues – et se termine à Bruxelles le 22 mars 2016. Ce groupe devait poursuivre son action jusqu’à l’Euro 2016, mais la police belge lui a mis la pression, précipitant son action. D’après la cousine d’Abaaoud, les membres du commando étaient au nombre de 90 à leur entrée en Europe. Était-ce du bluff ou un chiffre crédible ? Personne ne le sait vraiment, mais si ce chiffre était avéré, cela laisserait plusieurs dizaines d’agents dormants de Daech dans la nature. Il faut aussi se souvenir qu’un attentat potentiellement pire que celui du 13 novembre a été évité avant l’Euro 2016 grâce au démantèlement de la cellule dite Reda Kriket à Argenteuil, cellule qui avait des ramifications jusqu’aux Pays-Bas.

Certes, mais désormais, Daech, privé de base arrière, n’a plus la capacité de commanditer des attentats…

Nous vivons aujourd’hui une deuxième phase qui a commencé à l’été 2016, avec le recul militaire de l’État islamique

en Irak et en Syrie : le « terrorisme endogène », caractérisé par des actes individuels réalisés avec des moyens rustiques. Magnanville, Saint-Étienne-du-Rouvray, l’attentat raté aux bombonnes de gaz de Notre-Dame ont été perpétrés par des gens en contact avec Rachid Kassim (depuis la Syrie), qui se fréquentaient et se mariaient même entre eux. Les actes terroristes qui en résultent sont rudimentaires. Ces micro-attaques qui ont pour but de mettre la société sous tension, de l’user, continuent de causer ponctuellement de nombreuses victimes (Trèbes, Carcassonne, Strasbourg) et peuvent frapper le cœur de nos institutions, comme à la préfecture de Police.

La justice est d’abord passée à côté de la gravité du djihad en Syrie

La troisième phase qui va s’ouvrir sera celle du « terrorisme endogène structuré », qui risque sur la durée d’être pire que le terrorisme projeté de l’année 2015.

La France a déjà affronté et démantelé ce genre de réseau, notamment en 1996 avec le gang de Roubaix. Pourquoi cela serait-il plus difficile cette fois ?

Imaginez 30 gangs de Roubaix ! Au nombre déjà important et sans cesse croissant de jeunes de banlieue qui détestent la France et sont dans des logiques d’islamisation et de violences, s’ajoutent de plus en plus d’hommes aguerris rentrant d’opérations depuis les zones de djihad. Et cela ne concerne pas seulement les Français partis combattre en Syrie, mais tous les combattants francophones. Si on ajoute aux Français et aux Belges le contingent de Maghrébins ayant rejoint Daech encore vivants, cela fait plus de 5 000 personnes. C’est un vrai problème car, parfois binationaux, ils ressemblent à 15 % de notre population, parlent français comme vous et moi et peuvent donc parfaitement se fondre en France sans attirer l’attention. On ne sait d’ailleurs pas où se trouvent nombre d’entre eux. Début octobre, un djihadiste tunisien a été arrêté en France alors que personne ne savait qu’il était en Europe. Début décembre, on a découvert que deux Français présumés morts en Syrie étaient en réalité bien vivants. Ces milliers d’individus ne vont pas forcément débarquer massivement en France, même si c’est sans doute dans notre pays que les islamistes bénéficient du soutien logistique le plus abouti. Il suffit de quelques-uns pour fabriquer cette terreur structurée que j’ai évoquée : rompus au combat, ils bénéficient d’un prestige attaché à leur passé, ont la capacité de recruter et de former des hommes, puis de coordonner et de planifier des attaques avec un embryon d’organisation de type militaire.

On pourrait vous objecter que vos prévisions les plus pessimistes ne se sont pas réalisées ces cinq dernières années…

En effet, et c’est un petit miracle qui s’explique au moins en partie par la difficulté qu’ont les islamistes à se procurer des armes. Fin 2015, je craignais que les années à venir soient marquées par de nombreuses attaques à la kalachnikov, étant donné le nombre important d’armes de ce type qui circulent en France. En réalité, après le 13-Novembre, la première attaque à l’arme à feu a été l’attentat sur les Champs-Élysées, le 20 avril 2017. En 2018, à Carcassonne et Trèbes, puis à Strasbourg, des attentats ont été commis au moyen de pistolets rustiques. Cela montre que les islamistes qui pratiquent le terrorisme endogène n’arrivent pas à se procurer les armes de guerre qui inondent pourtant les zones de trafic.

Est-ce grâce au grand banditisme ou grâce au travail des services de l’État ?

Paradoxalement, les deux ont le même objectif. Ceux qui tiennent le trafic d’armes n’ont aucune envie d’être pris dans une enquête pour complicité d’acte terroriste, où ils risqueraient trente ans de réclusion criminelle. Ils ne veulent pas non plus attirer les policiers sur leurs zones de trafic et bloquent l’accès des armes à feu aux islamistes, ainsi qu’aux voyous de banlieue qui veulent « taper du flic ». C’est pourquoi les policiers sont (de plus en plus souvent) attaqués à coups de cailloux et de cocktails Molotov, mais pas (encore ?) à la kalachnikov.

D’ailleurs, les djihadistes ont-ils pour la plupart un passé délinquant ?

En France, 57 % des auteurs d’attentats islamistes avaient un casier judiciaire. Ils connaissent donc la violence. Les travaux du policier et criminologue Jean-François Gayraud montrent le caractère hybride de leurs profils. Cependant, il n’existe pas de profil type qui englobe tous les cas : par exemple, le terroriste qui sera jugé dans l’affaire de l’attaque au marteau d’une patrouille de police devant Notre-Dame en juin 2017 est un étudiant algérien de 40 ans totalement inconnu des services de police.

Aujourd’hui, se radicalise-t-on plutôt sur internet, dans les mosquées extrémistes ou par le biais de cercles d’amis ?

Il n’y a pas de parcours balisé. Pendant longtemps, on a mis en avant internet, car cela permettait de ne pas trop poser publiquement la question des êtres humains qui propagent l’islam rigoriste. Or, je ne crois pas qu’on s’autoradicalise tout seul dans sa chambre.

Les mosquées « à risque » sont globalement identifiées et surveillées. Pour moi, le problème majeur se situe davantage du côté du milieu associatif (et notamment sportif) qui est très gangrené. N’oublions pas non plus le problème crucial posé par les sortants de prison. Des progrès considérables ont récemment été accomplis avec la mise en place d’un service de renseignement pénitentiaire, devenu opérationnel en 2017 grâce au ministre Jean-Jacques Urvoas. Mais Christiane Taubira nous a fait perdre trois ans par idéologie.

Plus globalement, la mobilisation de l’appareil sécuritaire est-elle à la hauteur ?

Depuis 2015, les gouvernements successifs ont fourni des efforts réels. Tout n’est pas parfait, mais Manuel Valls et Bernard Cazeneuve ont renforcé les équipements de la police et fait voter des lois utiles. Sur le plan judiciaire, l’ancien procureur François Molins a criminalisé les poursuites liées au séjour en Syrie.

En termes d’organisation, l’élection d’Emmanuel Macron a permis d’adapter encore notre dispositif de renseignement, avec aujourd’hui une harmonisation plus fine que par le passé. Lors de son bref passage à la DGSI, Laurent Nuñez a réalisé une centralisation physique de tous les services, à laquelle la cellule de coordination installée à l’Élysée contribue également. Avec les moyens dont l’État dispose, il est difficile de faire beaucoup mieux. Or, si vous m’autorisez cette métaphore, nous sommes sur une plage alors qu’une vague très forte est annoncée. Avec le temps qui nous reste, nos pelles et nos sacs de sable, nous pouvons ériger une digue de deux mètres, mais la vague en mesure huit…

Si la législation antiterroriste a progressé, en observe-t-on vraiment les résultats dans les tribunaux ?

Pas complètement. La justice est d’abord passée à côté de la gravité du djihad en Syrie. En 2014-2015, certains intellectuels raillaient ceux qui, comme le juge Trévidic, tiraient la sonnette d’alarme. Les retours de Syrie n’étaient pas tous judiciarisés ou écopaient de peines extrêmement faibles. Même en 2018, la peine moyenne prononcée était encore seulement de sept ans et demi ! Une des raisons pour lesquelles les peines ne sont pas assez élevées, c’est que la justice est confrontée à un problème de preuves. Le cas échéant, nos services de renseignement, avec l’aide de services étrangers, ont des informations qui sont parfois difficiles à produire en justice. Or, ces terroristes-là n’assument rien. Ils sont dans une logique de dissimulation et tentent généralement de faire croire qu’ils n’ont été que cuisiniers, infirmiers, brancardiers en zones de guerre. Il y a enfin parfois des décisions judiciaires très inquiétantes. Ainsi, cette peine de dix années prononcée en appel début décembre par la Cour d’assises spécialement composée à l’encontre de Toulousains revenus de Syrie en 2014 commettre des braquages en France. Or, leur engagement djihadiste était établi, notamment par la photo d’une tête fraîchement décapitée tenue à bout de bras. Cette décision a provoqué une consternation marquée depuis les rangs des services jusqu’à ceux du Parquet national antiterroriste.

Sur le terrain, après la défaite territoriale de Daech au Levant, l’intervention turque au nord de la Syrie aura-t-elle des conséquences en France ?

Forcément. L’entrée de la Turquie au nord de la Syrie rebat les cartes et redonne de fait une bouffée d’oxygène à l’EI et aux groupes islamistes en général. Cela génère de multiples sources d’instabilité. Le seul avantage du chaos est qu’il offre des opportunités pour nettoyer le terrain… Pour en revenir à l’Europe, non seulement la Turquie est très influente au sein de l’islam de France, mais elle contrôle une des portes d’accès migratoire au Vieux Continent. On a d’ailleurs vu ce qu’elle pouvait en faire quand elle a ouvert les vannes à l’automne 2015. Or, l’immigration clandestine, qui est un facteur de déstabilisation terrible, comme les Allemands s’en rendent désormais compte, constitue un défi considérable pour notre pays. Certains responsables policiers ne cachent par exemple pas leur pessimisme sur l’extension à terme de toute la zone de délinquance du nord-est de Paris, peuplée de migrants, vers des secteurs plus centraux de la capitale.

Le renseignement n’est pas infaillible. Ainsi, l’ex-directeur général de la DGSI Patrick Calvar nous mettait en garde contre le risque d’attentats de l’ultra-droite. Heureusement, hormis l’attaque de la mosquée de Bayonne, le 28 octobre dernier, nous ne sommes pas entrés dans un cercle vicieux « attentats islamistes-représailles »…

En juin 2016, Patrick Calvar avait simplement décrit le projet des islamistes : susciter une riposte de l’extrême droite pour aller vers une guerre civile. Même s’il n’a heureusement pas tué, Bayonne est un attentat d’extrême droite, certes rustique et impulsif, mais un attentat tout de même. Je suis extrêmement étonné et agréablement surpris que pendant quatre ans, des ripostes d’extrême droite ne se soient pas produites. Trois réseaux d’extrême droite – pas très sérieux – ont été identifiés depuis. Le risque d’une extrême droite hyperviolente existe donc bel et bien, mais il est aujourd’hui beaucoup moins élevé, en nombre d’individus, en capacité à se structurer et à mener une existence clandestine, que celui de l’extrême gauche. Mettre sur le même plan menace islamiste et menace d’extrême droite est une escroquerie intellectuelle, dont on voit très bien l’objectif politique. En revanche, l’extrême gauche est en train de renouer avec une violence qui pourrait redevenir terroriste à court terme. Or, la France vit une phase de tension

profonde, notamment avec les gilets jaunes, qui rend sa stabilité plus fragile encore. On court sur un lac gelé qui craque, tout en faisant comme s’il s’agissait d’une route sèche et solide !

Depuis quelques mois, la légitimation de la violence physique et un certain discours anti-policiers reviennent en force. Cela complique-t-il le combat contre le terrorisme ?

Évidemment. Une violence endémique et multiforme est en train d’exploser : agressions contre les forces de l’ordre, violences de bandes entre elles, crimes crapuleux. Le coordinateur national du renseignement, Pierre de Bousquet, a évoqué fin novembre l’« ensauvagement » de la société – terme qui vient des policiers eux-mêmes. La France insoumise porte d’ailleurs une lourde responsabilité dans le réveil du discours anti-flics : Mélenchon tient des propos irresponsables et légitime l’opposition physique aux représentants de l’État.

Plus structurellement, policiers et gendarmes sont désormais ciblés de toutes parts : par les djihadistes depuis cinq ans, par l’extrême gauche avec des manifestations de plus en plus violentes depuis deux ans, et enfin par les « jeunes » de banlieue qui multiplient les guets-apens.

Le risque accru d’exposition à la violence explique pour partie – je dis bien pour partie – le nombre élevé de dépressions et de suicides dans la police.

Cette usure est aussi palpable dans la population. Sans même parler du risque terroriste, le débat politique se polarise autour d’enjeux identitaires liés au rigorisme islamique : burkini, voile… Où en est le combat idéologique contre l’islamisme ?

Il faut complètement changer de logiciel. La gravité du fait politique islamiste en France –  et je ne parle pas de la violence – est fortement sous-estimée. Les islamistes ont ainsi réussi quelque chose d’assez spectaculaire : dans les semaines qui suivent un attentat, on ne parle désormais plus que d’« islamophobie » ! Cela correspond exactement aux préconisations des Frères musulmans : entrer dans le cycle « provocation-réaction-victimisation », le fameux « pas d’amalgame ». J’ai été stupéfait par la réaction à la note du préfet de police de Paris concernant la lutte contre la radicalisation au sein de la préfecture quelques jours après l’attentat du 3 octobre. Y sont énumérés des critères de radicalisation connus et utilisés par les services de renseignements. C’était nécessaire et de pur bon sens. Or, tout le monde lui est tombé dessus. Autre exemple : la formation à la lutte contre la radicalisation mise en œuvre par Mohamed Sifaoui à La Sorbonne. Les islamistes ont mené une campagne de lobbying extrêmement habile, par le truchement d’« idiots utiles », pour faire retirer cette formation, pourtant demandée par la grande mosquée de Paris elle-même. Et on a cédé à leur injonction ! Dans son dernier livre, Taqiyya, Sifaoui décrit formidablement l’entrisme des Frères musulmans en France depuis des années. C’est de plus en plus manifeste avec des associations comme le CCIF et d’autres. Il y a là un vrai danger et l’on ne peut conduire les affaires de l’État sans prendre en considération l’ampleur de cette offensive idéologique.

Certes, mais notre démocratie libérale ne pouvant empêcher ses ennemis de s’exprimer sans renier ses principes, que faire ?

Aujourd’hui, l’islamisme utilise nos valeurs, notamment celles de la Convention européenne des droits de l’homme, contre nous-mêmes. C’est ce que j’appelle le « judo des valeurs ».

Il faudrait criminaliser les comportements contraires aux valeurs de la République. Nous lutterons efficacement contre les islamistes quand nous augmenterons la « lame du chasse-neige » qui permet d’aller les chercher autrement que sur la seule question, forcément étroite, de la violence. Sur le plan juridique, tout est faisable en rédigeant habilement les textes. Mais l’essentiel est d’avoir une volonté politique traduite par des instructions fermes aux préfets. Le droit n’est pas neutre, c’est une arme. De même, il faut que les procureurs de la République soient sans faiblesse, face au « djihad judiciaire », c’est-à-dire aux actions en diffamation engagées contre des personnalités qui s’expriment contre l’islamisme. Or, quand Georges Bensoussan, attaqué par le CCIF, a été relaxé par le tribunal, c’est le parquet qui a fait appel. Les magistrats devraient parfois mieux regarder qui sont les plaignants – qu’il s’agisse d’associations proches des islamistes, de l’extrême droite ou de l’extrême gauche – pour interpréter le droit dans le respect des valeurs de la République. Il ne faut pas être naïf, car notre adversaire, lui, ne l’est pas.

Autrement dit, vous prônez une justice politique rendue à la tête du client ?

Non, d’une manière générale, je souhaite des institutions lucides sur l’instrumentalisation de nos valeurs par les islamistes. La CEDH défend les libertés d’expression, de conscience et de religion au sens gréco-latin et judéo-chrétien de ces concepts, pas au sens de la charia. Nos adversaires tentent de dévoyer nos valeurs fondamentales.

Quelles autres mesures politiques recommandez-vous de prendre ?

Les priorités budgétaires sont cruciales. 60 % des dépenses du PIB sont orientées sur le social et seulement 6 % sur le

régalien. C’est une aberration absolue. Alors que la France est soumise à une tension inédite, nos forces de sécurité exsangues, nos prisons surpeuplées, et que la délinquance violente explose, on ne peut plus faire comme si les problèmes allaient être réglés comme à l’accoutumée. En quarante ans, où nous a menés la distribution massive d’argent vers le social ? Si cela devait marcher, ça se saurait !

Mais le transfert d’une partie du budget des prestations sociales vers le régalien tendrait sans doute un peu plus la société, notamment en banlieue…

Aujourd’hui, toute mesure politique qui a quelque chance de résultats à moyen terme sera source de tensions à court terme. Il faut l’assumer. Sur le social, si l’on ne peut pas arrêter de redistribuer, diminuons le nombre de bénéficiaires. Je ne dis pas qu’il faut arrêter les politiques sociales, mais les repenser et prendre en particulier la mesure de la catastrophe que constitue l’immigration clandestine à cet égard.

Sur le plan politique, une bataille essentielle concerne les musulmans de France. Ces derniers n’ont été que 15 000 à manifester contre l’« islamophobie » le 10 novembre. D’un autre côté, 28 % se déclarent favorables à la primauté de la charia sur la loi française et ce chiffre atteint 50 % chez les jeunes musulmans. Êtes-vous optimiste ?

Non. Les enquêtes de l’institut Montaigne en 2016, du CNRS en 2018 et les travaux récents de Jérôme Fourquet nous fournissent des repères très inquiétants. Chez les moins de 25 ans, une minorité de jeunes Français musulmans risque de se souder autour d’une conception identitaire et politique de l’islam.

Cependant, une majorité de nos compatriotes musulmans exprime une demande, et même une supplication, de fermeté républicaine afin de pouvoir vivre tranquillement. Il est aujourd’hui très difficile d’être musulman en France, car les islamistes, qui veulent fracturer notre société, somment les Français musulmans de choisir leur camp et tentent, par la victimisation notamment, de les souder autour d’une identité religieuse.

Le risque est de voir des compatriotes musulmans parfaitement intégrés, qui n’ont rien demandé à personne, être attirés par le camp des islamistes, d’où la nécessité d’être absolument implacables contre l’idéologie extrémiste. Pour autant, comme l’explique Élisabeth Badinter, il faut également que nos compatriotes musulmans assument, pour la combattre, la réalité du lien entre une certaine vision de l’islam et le terrorisme. C’est un passage obligé pour décrisper la société.

Dans cette guerre mondiale, la France a récemment perdu des hommes au Mali. L’opération Barkhane déployée dans tout le Sahel est-elle justifiée ?

Oui, et je rends un hommage appuyé aux hommes et aux femmes qui combattent là-bas. Ce combat extérieur nous épargne, en partie, un combat chez nous. C’est une logique d’endiguement. Stephen Smith explique bien que la stabilité de l’Afrique est un enjeu vital pour l’Europe. Pour autant, la très grande complexité de ces sujets et leur imbrication n’incitent pas à l’optimisme. Dans cette région déstabilisée, notamment par la désastreuse intervention en Libye, en 2011, la France accomplit un travail indispensable qu’elle ne devrait pas faire seule, ne serait-ce que pour des raisons budgétaires.

Il est suicidaire de la part de l’UE de nous laisser seuls. Tous les pays européens devraient s’associer à nos opérations, parce que si les structures étatiques africaines, qui ne sont déjà pas très solides, finissent par céder sous le poids cumulé de l’islamisme et des trafiquants, cela créera un afflux de réfugiés tel que l’UE entière ne pourra tout simplement plus y faire face. Toutes les aventures seront alors possibles.

 

Source : Causeur

 

 

 

 

 

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