Jean-Yves Le Drian, ministre de la « mafia » bretonne

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Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, en campagne pour les élections régionales en Bretagne, sur un marché de Rennes, en décembre 2015.DAMIEN MEYER/AFP

Que devient l’ancien chef des Armées, omniprésent sous Hollande, effacé sous Macron ?

CHAPITRE 1. Où le ministre des Affaires Étrangères n’oublie ni sa Bretagne, ni la Défense

Ce 27 juin, Emmanuel Macron rayonne en sortant du bureau du souverain pontife. Cinquante-sept minutes avec le pape, plus que Barack Obama ! Vient le moment de présenter sa délégation. Parmi les présents, Jean Landousies, un prêtre morbihannais de 72 ans, membre de la Secrétairerie d’Etat du Saint Père. « Il y a des Bretons partout. Les Bretons, c’est la mafia française », lâche le président français en arrivant devant Jean-Yves Le Drian, son ministre des affaires étrangères, tout ému de reconnaître un ami d’enfance dans l’ecclésiastique. « Mais on a une morale », réplique le ministre, sans démentir le constat de son président.

Depuis, les Bretons se déchaînent sur Internet, surpris et vexés d’appartenir à une branche méconnue de Cosa Nostra. Les uns se moquent de Macron, les autres se sentent offensés par cette comparaison douteuse. Un lapsus ? Ou bien le président n’a-t-il pas tout simplement dit ce qu’il pense ? Non des Bretons, mais de Jean-Yves Le Drian, de son entourage, et, surtout, de son lobbying en Bretagne. Mais aussi du temps où il s’occupait de la Défense.

Depuis son arrivée à l’Elysée, le nouvel élu sait que ce Breton-là est loin d’être aussi lisse qu’il voudrait le laisser paraître. Caché derrière une allure bonhomme se profile un baron politique madré, vieil éléphant du Parti socialiste. Et, même s’il a lâché la Bretagne sur ordre du nouveau président, Le Drian garde toujours les deux yeux rivés sur sa région, convaincu qu’il peut encore y jouer un rôle décisif. Tout est bon pour y retourner et cultiver son image de parrain de la politique locale.

Le 20 juin dernier, Emmanuel Macron a pu s’en rendre compte en partant deux jours en sa compagnie pour une virée bretonne. Une semaine avant, Le Drian, devenu ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères, s’était déjà déplacé avec son secrétaire d’Etat entre Saint-Malo et le Mont-Saint-Michel, pour visiter le centre de loisirs Le Domaine des Ormes. Une belle réussite locale, certes. Mais tellement loin des tempêtes du Moyen-Orient ou de la crise des migrants avec l’Italie, qui devraient être les priorités de Jean-Yves le Drian.

Jean-Yves Le Drian et Emmanuel Macron lors d'une visite à la Sill, une société laitière familiale, à Plouvien, en Bretagne, le 20 juin 2018.
Jean-Yves Le Drian et Emmanuel Macron lors d’une visite à la Sill, une société laitière familiale, à Plouvien, en Bretagne, le 20 juin 2018.

Stephane Mahe/REUTERS

Cette affection envahissante pour la Bretagne, Emmanuel Macron ne peut guère la lui reprocher. « C’est 4 ou 5 millions de voix. Et Le Drian peut encore lui en apporter beaucoup », estime un journaliste breton. A la Défense, Le Drian avait deux conseillers pour la Bretagne, dont un dédié à la presse locale. Au Quai d’Orsay, il reçoit l’association des journalistes bretons, mais fuit la presse diplomatique. Avec les uns, il a tout à gagner. Et avec les autres et leurs questions gênantes, aurait-il beaucoup à perdre ? Le ministre est connu pour être prudent comme un chat.

Le vent du boulet

Depuis qu’il a quitté le ministère de la Défense pour celui des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian ne reçoit plus le gratin de l’armée française, dans le parc de l’Hôtel de Brienne, pour la traditionnelle réception de la veille du 14 juillet. L’an dernier, il n’a pas dû regretter son changement de poste. Car ce jour-là, il aurait été contraint d’écouter sans broncher le discours, clair et sec, du président nouvellement élu adressé au chef d’état-major, recadré après ses propos sur le budget de la Défense, insuffisant à ses yeux.

« Il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique… Je suis votre chef », déclare le jeune président devant le général de Villiers, ses subordonnés médusés et son homologue américain, invité à Paris avec Donald Trump. « Les engagements que je prends devant nos concitoyens et devant les armées, je sais les tenir. Et je n’ai à cet égard besoin de nulle pression et de nul commentaire », ajoute Emmanuel Macron, entre deux gardes républicains qui, sabre au clair, veillent sur le nouveau Bonaparte.

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S’il était resté à la Défense comme il le souhaitait si ardemment, Jean-Yves le Drian aurait probablement été un « dégât collatéral » de cette mise au point inédite. Car le général de Villiers, c’est lui qui l’a fait nommer. Son ami François Hollande a validé ce nom, comme il a arbitré plusieurs fois en faveur d’une rallonge du budget de l’armée, contre l’avis du ministère de l’Economie et des Finances, dont est issu Macron.

« De Villiers ne s’est pas rendu compte qu’avec Macron, énarque et inspecteur des finances, c’est Bercy qui a gagné l’élection présidentielle, confie un officier supérieur. Ils ne pouvaient pas se venger sur Le Drian, ils s’en sont pris à de Villiers. Avec Le Drian, qui s’appuyait sur son copain Hollande, les fonctionnaires des finances perdaient les arbitrages budgétaires. Avec Macron, Bercy a le dernier mot. » Ce 14 juillet 2017, le message est clair pour tous les ministres. Et surtout pour Jean-Yves Le Drian, qu’on n’a pas entendu depuis monter au créneau pour son nouveau ministère.

Avec le chef d'état-major, le général Pierre de Villiers, à l'Elysée, après l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice.

Avec le chef d’état-major, le général Pierre de Villiers, à l’Elysée, après l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice.

Matthieu Alexandre/AFP

Il est vrai qu’il n’est pas à plaindre. Aux Affaires étrangères, le ministre voyage pour la République et loge au Quai d’Orsay, dans un palais flamboyant. Son coeur, cependant, est resté à l’Hôtel de Brienne. Sous Hollande, le Breton avait refusé de quitter les lieux pour rejoindre l’état-major dans ses nouveaux bâtiments de Balard, près du périphérique, dans le XVe arrondissement. Beaucoup moins chic que Saint-Germain et le VIIe, le quartier le plus aristocratique de Paris. « La République doit être majestueuse si elle veut être respectée. Les visiteurs sont impressionnés lorsqu’ils franchissent le portail de l’Hôtel de Brienne », justifie un proche du ministre. « Il a tant rêvé d’être ministre de la Défense », confie un autre proche. Un poste d’autant plus désiré qu’il a bien failli ne jamais l’obtenir.

CHAPITRE 2. Où le fils d’un ouvrier catholique de Lorient devient un notable socialiste

En 1991, Edith Cresson nomme Jean Yves Le Drian secrétaire d’Etat à la Mer. Celui-ci engage la réforme de la filière portuaire et déclenche la grève des dockers, qui refusent que leur statut, accordé en 1947, soit modifié. A Lorient, elle est suivie à 100 %.

Jean-Yves Le Drian (2e à droite) aux côtés du président François Mitterrand et des secrétaires d'Etat du nouveau gouvernement Edith Cresson, à l'issue du premier conseil des ministres, le 22 mai 1991, à l'Elysée.
Jean-Yves Le Drian (2e à droite) aux côtés du président François Mitterrand et des secrétaires d’Etat du nouveau gouvernement Edith Cresson, à l’issue du premier conseil des ministres, le 22 mai 1991, à l’Elysée.

AFP

L’enfant du pays est pris à partie par les gros bras. Pour calmer les esprits, il « rappelle que son grand-père paternel, Marcel Le Clech, avec qui s’était remariée sa grand-mère, était lui même docker », souligne Hubert Coudurier, le directeur de l’information du grand quotidien breton Le Télégramme, dans son livre Le glaive du président (Fayard).
Le secrétaire d'Etat à la mer, le 3 août 1991, au large de Nice.
Le secrétaire d’Etat à la mer, le 3 août 1991, au large de Nice.

Jacques Soffer/AFP

Ce combat laissera des traces. Quand Pierre Bérégovoy arrive à Matignon, Le Drian n’est pas reconduit dans le nouveau gouvernement. Une conjuration de Bernard Tapie, le puissant patron de l’OM, et de la CGT du port de Marseille, souffle « Béré » au Breton, alors vice-président du conseil régional de Bretagne, qui s’est confié depuis à Hubert Coudurier. Sa « faute » ? La guerre qu’il a menée à la CGT. D’autres déconvenues l’attendent.

Le Drian est rattrapé par les affaires de financement occulte du Parti socialiste par des officines comme Urba-Gracco, en échange d’attributions de marchés publics. L’une d’entre d’elles a d’ailleurs payé ses notes d’hôtel au Sofitel Bourbon, quand, député, il siégeait plusieurs semaines par an à Paris. Il est mis en examen en septembre 1992 pour trafic d’influence, et malgré un non-lieu en 1998, entame une traversée du désert à l’échelle nationale. Son nom apparaîtra plus tard parmi les bénéficiaires supposés de rétro-commissions – de même que Charles Pasqua et Edouard Balladur – dans l’affaire des frégates de Taïwan.

En visite à Taïwan en juillet 1990.
En visite à Taïwan en juillet 1990.

AFP

Même si aucun enrichissement personnel n’est jamais apparu, l’homme est blessé. Il n’a pas mesuré qu’une époque se terminait avec un François Mitterrand malade, et un juge Van Ruymbeke qui s’attaquait de front au financement occulte des partis politiques. « Il a ressenti cela comme une profonde injustice », se souvient Hubert Coudurier. A ce moment-là, Jean-Yves Le Drian a le sentiment de retourner à la case départ, dans le Morbihan, où il est né en 1947.

Les oubliés de la Libération

Deux ans après la guerre, Lorient a encore des allures de champs de ruines. La vie reprend dans des conditions difficiles. Le ministère de la Reconstruction livre des baraques en bois en kit, les familles cultivent un carré de légumes à côté de leur bicoque pour améliorer l’ordinaire, fourni par des tickets de rationnement. Jean-Yves Le Drian naît dans l’une d’elles.

Sa mère Anne-Marie, surnommé Louisette, est née à Quimperlé. Jean, le père, est magasinier au Comptoir breton automobile qui vend des pièces détachées. Le couple s’est connu aux Jeunesses ouvrières chrétiennes (les JOC), qui regroupent de jeunes travailleurs croyants, désireux de s’engager pour plus de solidarité et de fraternité. Jean-Yves Le Drian grandit au milieu des rues en terre qui délimitent 28 cités, composées de ces maisons en bois.

Une période qui a marqué la soeur cadette de Jean-Yves, Marie, écrivain, née en 1949. En 2007, elle publie un livre cartonné illustré de photos de l’époque, Au temps des baraques. Dans la Bretagne des souvenirs et des objets d’après-guerre (Liv’ Editions). Marie et sa soeur Thérèse occupent une chambre, Jean-Yves a la sienne, et les parents dorment dans le salon.

Baraque témoin conservée à Ploemeur.
Baraque témoin conservée à Ploemeur.

Parcdesoye/ CC BY-SA 3.0

Chez ces chrétiens de gauche de l’après-guerre, la solidarité est concrète : le père aide les voisins à remplir les formulaires pour les impôts ou pour obtenir des allocations. La mère, elle, met sur pied des cours de rattrapage scolaire et organise des veillées de prière pour les malades. Le fils de la famille est bon élève, mais voit bien qu’il reste un gosse des baraques. « Vous savez ce que c’est que de regarder des enfants de bourgeois jouer au tennis à travers un grillage ? » confie un copain d’enfance au directeur du Télégramme.

Rapide ascension politique

Militant actif, Jean, son père, présidera la Confédération syndicale des familles. Il est passionné par l’histoire contemporaine, et notamment par le sommet de Yalta qui a partagé le monde. Pour assister à la signature des accords de paix de la guerre d’Indochine, Jean emmène sa famille à Genève. De quoi former une conscience. « Mon père m’a tracé une ligne », confiera Jean-Yves Le Drian à Hubert Coudurier.

Lui suit sa scolarité dans le « privé », à Saint-Louis, une institution catholique. Ayant atteint l’agrégation d’histoire, les cheveux mi-longs, c’est un militant de gauche chrétien qui ne ressemble guère au bonze conservateur d’aujourd’hui.

Aux côtés de Jean Lagarde, ancien maire de Lorient, dont il prend la succession en 1981.
Aux côtés de Jean Lagarde, ancien maire de Lorient, dont il prend la succession en 1981.

PHOTOPQR/OUEST FRANCE/MAXPPP

Après 68, il enseigne en Algérie, aux côtés du FLN, qui accueille les jeunes progressistes français ayant milité contre la colonisation française et la guerre. A la même époque, il témoigne en faveur des membres les plus violents du Front de libération de la Bretagne, considéré comme un « pays opprimé ».

L’avocat des indépendantistes, Jean-Pierre Mignard, le présentera à l’un de ses amis, le futur président François Hollande. L’ascension politique de Le Drian est rapide, portée par les succès électoraux de la gauche non communiste. Jeunesses ouvrières chrétiennes, Parti socialiste, suppléant, puis député de Lorient à 30 ans, en 1978.

Jean-Yves Le Drian, député-maire de Lorient, accueille le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, lors d'un meeting pour les élections régionales, en mars 1998 à Lorient.
Jean-Yves Le Drian, député-maire de Lorient, accueille le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, lors d’un meeting pour les élections régionales, en mars 1998 à Lorient.

Emmanuel Pain/AFP

Au début des années 80, un député du Morbihan, qui lui a mis le pied à l’étrier en politique, l’introduit chez les francs-maçons du Grand Orient de France. Les années passeront, l’attachement aux « frères » ne se démentira jamais. Certains y verront l’une des clés du fonctionnement du ministère de la Défense, que dirigera, plus tard Le Drian.

« A chaque pot de départ d’un collaborateur qui quittait l’hôtel de Brienne, la rue Cadet [siège du GODF, dans le 9e arrondissement de Paris, NDLR] était là, se souvient un fonctionnaire. Dans leur traditionnel discours au ministre, les partants avaient coutume de rappeler leur agréable collaboration « en toute fraternité », multipliant les références maçonniques aux « frères » et « soeurs » avec qui lesquels avaient travaillé.

CHAPITRE 3. Où l’élu régional se métamorphose en chef de guerre

Quand François Hollande lui propose la Défense, Le Drian, alors président du Conseil régional de Bretagne, décroche enfin le poste qu’il attend depuis tant d’années. Une revanche sur les baraques de Lorient. Un juste retour des choses après l' »injustice » dont il estime avoir été victime en ayant été privé jadis d’un destin national par Pierre Bérégovoy. « Il s’est accroché jusqu’au bout pour devenir ministre sur le tard », résume Hubert Coudurier.

Député du Morbihan, en 2001.
Député du Morbihan, en 2001.

BEP/LE TELEGRAMME/ MaxPPP

A 65 ans, l’élu breton, qui n’est jamais allé en Afrique, fait son entrée dans le prestigieux hôtel de Brienne. Il n’oublie pas que c’est grâce à sa chère Bretagne qu’il est là. Il a labouré sa terre natale, d’abord au nom du PSU de Michel Rocard, puis de Jacques Delors, puis, enfin, avec François Hollande dont il a été un soutien décisif. Il est surnommé le « saumon rose » tant il fait preuve d’agilité pour remonter les courants qui agitent le Parti socialiste.

Avec Jacques Delors et François Hollande, en août 1993.
Avec Jacques Delors et François Hollande, en août 1993.

PHOTOPQR/OUEST FRANCE/MAXPPP

Il n’arrive pas seul à la tête des Armées. Autour de lui, l’équipe de grognards qui l’entourait déjà en 2007, quand il était le conseiller défense de la candidate malheureuse à la présidentielle, Ségolène Royal. De fidèles qui resteront à ses côtés pendant tout le quinquennat Hollande, car il a besoin d’être rassuré, explique un militaire.

Un cabinet dévoué corps et âme

En fait, c’est cette task force qui propose, agit et démine en amont du ministre. « Conseiller spécial, Jean-Claude Mallet est le théoricien de l’équipe », affirme un officier. Énarque, normalien, agrégé de lettres, ce protestant spécialiste des religions a préféré servir l’Etat que la banque de sa famille. Diplomate, secrétaire général de la Défense nationale, ce bourreau de travail est l’auteur du livre blanc sur cette institution qu’il maîtrise depuis longtemps.

Avec lui, Cédric Lewandowski, ancien attaché parlementaire, devenu directeur de cabinet du président d’EDF, François Roussely. Franc-maçon, Lewandowsky prend du grade sous Le Drian : il est à la fois directeur du cabinet civil et militaire, et un ministre bis très vite redouté. Notamment parce qu’il a la main sur les affectations et les promotions.

Jean-Yves Le Drian, alors  ministre de la Défense, et son directeur de cabinet civil et militaire, Cédric Lewandowski (à droite), à Matignon le 25 avril 2013.
Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, et son directeur de cabinet civil et militaire, Cédric Lewandowski (à droite), à Matignon le 25 avril 2013.

Christophe Morin / IP3 PRESS/MAXPPP

Pour s’imposer, Le Drian a récupéré sous son autorité les ressources humaines, au détriment du chef d’état-major. Une énarque civile, ex-conseillère sociale, a repris les choses en mains. « Les militaires accaparaient le pouvoir. Le ministre le reprend. Ils n’ont pas à réfléchir. Ils n’ont qu’à obéir, clame le couple infernal Lewandowski-Mallet », se souvient un officier. « Chez nous, ce n’est pas le privé ! Un poste sensible dans un sous-marin ne nécessite pas le même profil que celui recherché à bord d’un bâtiment de surface. Idem au sein d’une unité para. »

« Un Etat dans l’Etat »

Lorsqu’un officier est au « tableau » pour être promu colonel, il est reçu par le « dir-cab » de Jean-Yves Le Drian. Une pratique inhabituelle, qui relève de l’adoubement, puisque pour l’impétrant, cela signifie qu’il doit son grade au ministre. « Au fil du temps, Le Drian était devenu un Etat dans l’Etat, analyse l’officier. Il était plus puissant que Hollande, qui s’était fait dépouiller de son domaine réservé. »

A l’Elysée, un homme refuse de s’incliner devant cette prise de pouvoir rampante. Le gardien du temple, le général Benoît Puga, un officier de la Légion qui a sauté sur Kolwezi, commandé le fameux 2e REP, les Forces Spéciales, le renseignement militaire. Il sert François Hollande comme il a servi Nicolas Sarkzoy, au poste très convoité de chef d’état-major particulier du président. Hollande écoute les avis de ce centurion, un professionnel pugnace qui a montré du courage partout où il a été engagé.

Jean-Yves Le Drian et le chef d'état-major particulier de François Hollande, Benoît Puga, à l'Elysée, en décembre 2015.
Jean-Yves Le Drian et le chef d’état-major particulier de François Hollande, Benoît Puga, à l’Elysée, en décembre 2015.

AFP

Devant lui, le cabinet de Le Drian doit en rabattre. Car Puga est aussi un fin stratège politique sachant s’adapter aux manoeuvres tortueuses qui se jouent dans les couloirs des palais nationaux. Au cabinet, on traite d' »abbé de cour » et de « courtisan » ce croyant catholique père de 11 enfants, dont deux sont officiers. Les conseillers de l’hôtel de Brienne, en s’opposant à lui, renforcent son pouvoir. Le Drian partage avec lui l’accès au président de la République à propos des « Opex » (opérations extérieures), toujours valorisantes pour un ministre qui, comme lui, souhaite prendre une dimension nationale. Au Mali, les colonnes islamistes qui fondent dans leurs pick-ups vers la capitale, Bamako, vont lui en donner l’occasion.

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