INFORMATION OU DESINFORMATION : LA COMMISSION DES RECOURS DES MILITAIRES VUE PAR LA GENDARMERIE, COMMENTAIRES ET CRITIQUES

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Par Me Elodie MAUMONT, avocat associé

Il y a quelques jours, un document de 4 pages portant titre « La commission des recours des militaires (CRM) » nous a été transmis.

Si nous pouvons saluer le caractère pédagogique du document quant aux modalités pratiques de saisine de la commission et aux informations générales qui y figurent, en revanche notre sens critique a été attiré par plusieurs mentions y figurant.

C’est ainsi que s’agissant de «  la procédure devant la CRM », ledit document précise que « les éléments de réponse » de l’autorité gestionnaire dont relève le militaire  « sont transmis au militaire qui dispose d’un délai de 10 jours (en pratique le rapporteur peut laisser un peu plus de temps) pour faire parvenir ses observations et indiquer s’il souhait maintenir son recours, renoncer à son recours ou accepter la proposition du gestionnaire le cas échéant »

Or, et ainsi que nous l’avions déjà rapporté dans un article de notre blog du 18 avril 2018 https://www.mdmh-avocats.fr/2018/09/07/avis-aux-militaires-formant-des-recours-de-la-commission-des-recours-des-militaires/, nous avons eu à déplorer que trop de requérants sont à penser lorsqu’ils reçoivent cette correspondance de transmission qu’il s’agit alors de la décision du ministre sur leur recours et non des observations de leur autorité gestionnaire, les conduisant souvent à prendre attache téléphonique avec nous pour nous interroger et nous indiquer parfois « Maître, j’ai enfin reçu la décision de la CRM et mon recours est rejeté … »

Il est dès lors dommage que cette correspondance de transmission ne précise pas plus avant ce qu’il en est réellement et au demeurant que le délai de 10 jours n’est pas fixé par les dispositions du Code de la défense et peut être prorogé si nécessaire.

Nous nous interrogeons également sur le formulation retenue quant au maintien ou non du recours lorsque les observations de l’autorité gestionnaire sont manifestement défavorables au requérant.

Le document poursuit en précisant s’agissant du « passage en commission » : « les séances sont, en règle générale, bimensuelles (un jeudi sur deux). Le rapporteur présente son dossier ainsi que ses observations avant qu’il soit procédé au vote de chaque dossier. La commission rend un avis, non contraignant. En cas d’égalité la voix du président est prépondérante. L’avis de la commission est ensuite adressé au ministre. Bien que non contraignant, il est dans la majeure partie des cas, suivi ».

Dès lors et au vu de cette présentation, nous nous interrogeons sur l’examen réel des dossiers en commission et la réalité des échanges et discussions susceptibles d’intervenir lors des passages en commission.

En effet, sur 52 semaines en une année, supposons que la commission se réunit 26 fois (soit une jeudi sur deux) sans prendre en considération d’éventuelles permissions ou périodes de vacances.

Supposons également que la commission se réunit de 9 heures à 18 heures avec une pause d’1 heure, soit à raison de 8 heures par séance.

Les données chiffrées relatives au « Devenir des recours enregistrés » figurant dans le rapport annuel d’activité de la commission des recours des militaires pour l’année 2015 – puisque, pour notre part, nous ne disposons pas des rapports établis pour les années suivantes – qu’au titre de l’année 2015, précisent que la commission a examiné au cours de l’année 2015, 1.576 dossiers sur les 6.614 enregistrés, précision apportée que 2.159 dossiers ont été rejetés sans examen et que 2.879 dossiers était en cours d’instruction ou en attente d’examen.

Ainsi, la commission est susceptible d’avoir examiné à chaque séance 60 dossiers en 2015 (1576/26)

Sur 8 heures de travail estimées, nous pouvons donc envisager que la commission a traité environ 7,5 dossiers par heure soit 8 minutes par dossier

Peut-on envisager que, ce faisant, en 8 minutes, les objectifs prétendument poursuivis et rappelés dans le document à savoir « satisfaire l’intérêt du militaire (procédure plus courte et moins compliquée que devant un tribunal administratif), satisfaire l’intérêt de l’administration (éviter de multiplier les contentieux avec les administrés), satisfaire les juridictions administratives (désengorger les tribunaux) » peuvent être atteints ?

Peut on réellement considérer que 8 minutes suffisent pour exposer une situation, ses difficultés, ses enjeux , le problème juridique et sa résolution ?

Ces chiffres ne peuvent que nous laisser dubitatifs.

Le document évoqué ajoute enfin qu’au terme du recours :

« La décision du ministre de l’intérieur (ou des armées dans certains cas liés au médico-statutaire pour la gendarmerie) après avis de la commission peut donner lieu à :

un agrément : total, partiel, à titre exceptionnel ou non

un rejet : explicite motivé.

La décision du ministre est notifiée et se substitue à l’acte initial contesté. Elle peut faire l’objet d’un recours contentieux devant la juridiction compétente »

Il précise notamment au titre du « cas particulier de la décision implicite de rejet », « (…) Perçu comme un manque de considération pour leur cas par certains militaires, il a surtout vocation à pallier les déficiences liées au fonctionnement de l’administration. (…) et d’ajouter « Dans l’hypothèse d’un recours introduit ayant atteint le seuil des 4 mois, il continuera à suivre son cours et sera, sauf à ce qu’une instance contentieuse soit introduite par le militaire, traité par la CRM. La décision du ministre viendra alors se substituer à terme à la décision implicite de rejet ».

Mauvaise information, désinformation … ?

Notre pratique est toute autre.

En effet, nous devons trop souvent déplorer que, nonobstant l’introduction d’un recours contentieux passé le délai de 4 mois et 1 jour, le militaire se voit notifier une décision explicite de rejet.

Or, cette notification contraint le militaire à contester cette nouvelle décision qui se substitue à la décision initialement contestée et à régulariser un mémoire ampliatif portant communication de la décision explicite dont parfois la motivation est adaptée au recours formé devant le tribunal …

Ainsi non content d’avoir perdu 4 mois devant la CRM, le militaire est contraint de voir accomplies de nouvelles diligences en vue de déférer la décision explicite à la par mémoire ampliatif devant la juridiction saisie du recours sur décision implicite de rejet.

Peut-on alors, pour l’ensemble de ces éléments, considérer que l’objectif de satisfaction des intérêts du militaire est véritablement poursuivi ?

Sur le même thème :

RECOURS CRM ET DECISION IMPLICITE DE REJET : QUELLE OBLIGATION DE MOTIVER POUR LE MINISTRE ?

 

Source : © MDMH – Publié le 17 mai 2019

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