Huffingtonpost : Quel est l’impact de l’état d’urgence sur le quotidien d’un gendarme?

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Président de l’Association Professionnelle Gendarmerie

Quel est l’impact de l’état d’urgence sur le quotidien d’un gendarme?

DÉFENSE – Gendarme et Président de l’Association Professionnelle Gendarmerie (APG), j’ai vécu les tragédies du vendredi 13 novembre 2015 avec la même émotion que l’ensemble de nos concitoyens. Un émoi partagé partout dans le monde comme le prouvent les nombreux témoignages dont nous sommes destinataires chaque jour.

Faisant suite à ces événements dramatiques, le Président de la République à décrété l’état d’urgence. Cette mesure, prononcée pour une durée de 12 jours sera prolongée pour une période de 3 mois conformément à la Loi.

Cette situation va se traduire par un surcroît de travail pour l’ensemble des forces de l’ordre et en particulier pour mes camarades gendarmes.

D’ores et déjà ceux-ci se retrouvent en état de « sécurité renforcée », l’ensemble des casernes sont fermées à clefs tant pour les visiteurs que le personnel d’active et leur famille.

Par cet état de fait, le gendarme est un citoyen à part. Contrairement à tout un chacun, il n’a pas le loisir de penser à autre chose et de se détendre en famille. Non, il est sur la brèche et en alerte 24H/24. Sitôt rentré à son domicile il ne peut oublier qu’il est disponible à tous moments du jour et de la nuit.

Sa famille, qui elle aussi est « bouclée » dans l’enceinte militaire, ne pourra le détourner de ses préoccupations liées à la protection des personnes et des biens. En clair, et contrairement à tout citoyen normal, le gendarme n’a pas autre chose à penser qu’à la mission pour laquelle il se donne de tout son être souvent au péril de sa vie.

Le Président de la République a promis un renfort de 5 000 personnels pour la Police nationale (PN) et la Gendarmerie nationale (GN) échelonné sur deux ans. Sachant que les effectifs de la PN sont d’environ 120.000 fonctionnaires et de 100.000 personnels pour la GN dont 60.000 sur le terrain, combien de nouveaux gendarmes viendront-ils alimenter les rangs: 2500? 2000? ou moins?

S’agissant de ces nouvelles recrues, elles devront subir une instruction de 10 mois en école tandis que l’état d’urgence est prévu pour 3 mois. Sur quels renforts nos camarades pourront-ils s’appuyer?

Très clairement ces 5000 personnels promis par le Président ne sont que de la poudre aux yeux, de l’affichage afin d’endormir, de tuer dans l’oeuf toute amorce de grogne ou récrimination éventuelle, laissant ainsi nos personnels sur leur faim.
Le Gendarme du plan « Vigipirate » sera le même que celui de « l’état d’urgence ». On prend les mêmes et on recommence.

Déjà, en situation normale les gendarmes ont un service chargé. La réorganisation de la gendarmerie nationale, entamée il y a une quinzaine d’années, a profondément modifié l’ assiette territoriale des unités de terrain (suppression de brigades, création des COB, etc.).

Cette transformation a généré un nouveau mode de fonctionnement. Il convient de noter que nombre d’unités de terrain sont en sous-effectifs, la charge du service demeure importante et les repos ou récupérations sont parfois pris en « pointillés »… voire laissés de côté…

Depuis janvier, les gendarmes sont soumis à un rythme de travail élevé avec « vigipirate » renforcé.
L’état d’urgence va l’accentuer davantage par une augmentation des heures de service, l’allongement des patrouilles de surveillance générale, les surveillances de points sensibles et des bâtiments publics, etc.

Le gendarme, de part l’uniforme qu’il porte, est l’image de l’autorité de l’Etat. Il est donc une cible vulnérable. Cette « vulnérabilité » potentielle est vécue également au quotidien par les familles de gendarmes. Ces dernières sont alors soumises à des règles de sécurité particulières (confinement). Cela peut générer un stress parmi les membres du foyer et que le gendarme chef de famille doit prendre en compte.

L’état d’urgence, dont les mesures sont appliquées dans les départements par les préfets, permet de limiter diverses libertés fondamentales. En résumé, l’État d’Urgence est une forme de contrôle et une mesure d’exception qui peut paraître assez drastique mais dont nous ne discutons pas la nécessité compte tenu des circonstances actuelles.

En tout état de cause, le gendarme a besoin du soutien et de la reconnaissance de ses concitoyens…

Source : huffingtonpost.fr

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