Harcèlement : Jean Yves Le Drian, ministre de la défense, s’est lancé à la recherche de l’eau tiède.( Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil)

BESSY-titre-1Adefdromil

L’écoute brouillée de Jean Yves Le Drian sur le harcèlement sexuel.

Madame Taubira ne savait rien des écoutes judiciaires visant l’ex-président Sarkozy. M. Le Drian, ignorait qu’il y eut du harcèlement sexuel et même des agressions  dans son armée. Décidément, les ministres de ce gouvernement ne savent pas écouter !

Ainsi, M. Le Drian semble découvrir l’existence de l’eau tiède et du fil à couper le beurre (breton).

Il est vrai que toute l’œuvre de communication du ministère, bâtie sur  la présentation officielle d’une féminisation réussie, heureuse et paisible des armées et de la gendarmerie s’est effondrée en quelques semaines.

Les premiers articles récents sur le sujet ont été publiés sur le site de l’Adefdromil le 2 février 2014. Fin février, c’est la sortie du livre de deux journalistes « La guerre invisible », qui a mis le feu aux poudres. Cet ouvrage s’est largement appuyé sur l’action et les publications passées de l’Adefdromil sur le sujet. Ensuite, sont venus des témoignages de victimes, dont certaines ont accepté de parler aux médias à la demande de l’Adefdromil. Il faut rajouter à ce battage plusieurs articles concernant des cas récents non cités dans l’ouvrage.

Jean Yves Le Drian tombe alors des nues1

L’Alzheimer précoce du ministre ou sa surdité ?

Nicolas Sarkozy et Bernadette Chirac sont allés inaugurer le 10 mars dernier à Nice l’Institut Claude Pompidou pour les victimes de la maladie d’Alzheimer. Jean Yves Le Drian ne devrait-il pas dès à présent anticiper et y réserver une place ?

Est-il sérieux d’oser affirmer qu’il n’était pas au courant.

Le 25 mai 2012, nous lui avions écrit pour évoquer trois sujets d’importance pour les militaires en fonction des dossiers confiés à l’Adefdromil : « Comme à l’accoutumée, les militaires, citoyens en uniforme, semblent exclus du dialogue social républicain…Cela signifie de notre point de vue, que pour les militaires, « le changement, ce n’est pas maintenant » et qu’une nouvelle fois, ces serviteurs de l’Etat, qui ont payé un lourd tribut en Afghanistan, vont continuer à être marginalisés. Il y a pourtant de nombreux sujets urgents, touchant la condition militaire, qu’il conviendrait d’aborder et de régler dans les meilleurs délais pour atteindre l’objectif de justice fixé par le Président de la République. Ainsi, en est-il de l’introduction d’articles de loi interdisant les harcèlements moral et sexuel dans le code  la Défense, dans le cadre de la réécriture de l’article du code pénal annulé par le Conseil Constitutionnel… »

On aurait pu espérer qu’il donnât des instructions pour être mieux informé par l’armée de bureaucrates de haut niveau l’entourant. Il semble qu’il n’en est rien été.

Comme l’Adefdromil est bonne fille, elle refait un point sur le sujet.

En octobre 2001, Michel Bavoil publie un ouvrage intitulé « Pour que l’armée respecte enfin la loi »(Editions LPM). Le chapitre 4 de cet ouvrage toujours d’actualité, même s’il rapporte des faits datant d’une dizaine d’années, s’intitule : « Avec certains officiers, ça marche à la brimade, au harcèlement et, parfois même à la braguette ». Après avoir rapporté l’histoire lamentable d’un colonel, auteur d’agressions sexuelles lors d’un séjour à Dakar et la tentative de viol d’une élève de Saint-Cyr par un instructeur, le fondateur de l’association conclut : « Il ne fait aucun doute qu’avec la féminisation des armées, ces cas deviennent malheureusement plus fréquents… Tout doit être mis en œuvre pour que demain, dans l’armée comme dans la gendarmerie, le harcèlement, physique ou moral, et les humiliations disparaissent à jamais. Il est temps que s’instaure une force syndicale neutre entre les plaignants, hommes ou femmes et l’autorité militaire. »

Début 2009, l’Adefdromil a publié un « Rapport sur les droits de l’homme dans l’armée française », portant sur la période 2005-2008. Plusieurs cas de harcèlement et de discrimination touchant des femmes militaires y sont rapportés.

Il faut encore citer les articles publiés depuis sur le site de l’Adefdromil, qui font l’objet de rapports et synthèses fréquents au cabinet du ministre par son service de renseignement, la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD).

Voici une liste des plus significatifs, ayant donné lieu également à des articles dans les médias :

Dès lors, la demande d’un rapport sur le harcèlement sexuel dans les armées relève-t’elle de l’habileté avérée du ministre ou bien d’un certain manque de courage, voire d’un simple opportunisme ?

Une habileté reconnue.

Tout en rondeur, rarement en colère, Jean Yves Le Drian est parvenu, à force de présence sur le terrain, lors des pots, des cérémonies, des deuils, des retours, à donner l’image « du père du régiment ».

Souvenons-nous de l’accueil à Chypre de l’un des contingents de retour d’Afghanistan en décembre 2012, en compagnie de la députée bretonne, Patricia Adam, présidente de la commission de la défense.

Son habileté s’est également exercée à l’égard de la haute hiérarchie militaire. Il a mis fin aux pouvoirs exorbitants du Chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Guillaud, qui était soumis à la seule autorité présidentielle.

Les interventions au Mali et en Centrafrique ont conforté cette image d’homme de terrain, proche de la troupe.

En Bretagne, les restructurations des armées n’ont eu que des effets limités. Il a su protéger l’emploi militaire dans sa région.

Il est parvenu à exfiltrer sans dommages son directeur adjoint de cabinet en lui obtenant une belle promotion à la tête de la société « Défense Conseil International » (DCI).

La nomination de son fiston au conseil d’administration de la Société nationale immobilière (SNI) a suscité, en revanche, des commentaires souvent très critiques.

Manque de courage ou simple attentisme ?

On peut se demander si l’attitude de Jean Yves Le Drian vis-à-vis de la haute hiérarchie militaire n’est pas conditionnée, par ce qu’il convient d’appeler « le syndrome Allende », c’est-à-dire par la peur d’un coup d’état militaire ou a minima par celle d’une fronde des généraux, voire par un défilé protestataire de troupes, dans le style de celui des gendarmes en 2001.

A cet égard, le bilan Le Drian est éloquent.

Louvois, tout d’abord.

Il a solennellement déclaré la guerre au logiciel. Le bilan de son action n’est pas à la hauteur de ses déclarations fracassantes. Le logiciel continue de faire des victimes malgré l’annonce de son remplacement dans les mois à venir. Surtout, il semble qu’il n’y ait pas eu d’identification de responsables et donc aucune sanction n’est intervenue.

Autre exemple, les cas des généraux Dary et Desportes.

Lorsque l’ex gouverneur militaire de Paris, le général Dary, s’est affranchi de son devoir de réserve en conseillant les organisateurs de la manifestation contre le « mariage pour tous », le ministre l’a fait convoquer au cabinet et s’est abstenu de prendre des sanctions, donnant ainsi l’image d’un ministre pusillanime face à des prises de position d’un officier général.

En ce qui concerne le général Desportes, expert reconnu en stratégie, qui dérange et critique l’action gouvernementale, il s’est contenté de le tacler dans les médias. Cela  n’a pas manqué de provoquer un éditorial furibard d’un autre général, Pinard Legry, président de  l’ASAF, association à caractère syndical de soutien à l’armée française et à sa hiérarchie. L’objectif demeure de ne pas risquer de se mettre à dos la caste des généraux et de rechercher une certaine forme d’apaisement.

Toujours dans le même esprit, et sans souci d’économie, il s’est abstenu de supprimer le poste supplémentaire de général d’armée (5 étoiles) accordé en 2010 au général Pierre de Villiers en compensation du rejet imprévu de sa candidature au poste de chef d’état-major particulier du Président de la République.

Elections obligent, les annonces précises faisant suite aux restructurations de la défense, notamment celles concernant l’armée de terre, que ce soit celles engagées sous le mandat présidentiel précédent ou celles résultant du nouveau livre blanc…sont toujours attendues.

S’agissant du harcèlement dans les armées, l’agrégé d’histoire Le Drian va t-il oublier cette citation du Général de Gaulle rapportée par Georges Pompidou dans « Pour rétablir une vérité » : « C’est pourquoi la conduite des Etats, c’est l’art de contraindre les corps constitués à se plier à l’intérêt général.» ?

Car, l’intérêt général commande que les militaires ne soient plus marginalisés dans la Nation. Il commande d’interdire le harcèlement sous toutes ses formes dans le Code de la défense. Aura-t-il le courage d’imposer à la hiérarchie  cette réforme salutaire?

On peut en douter, et on attend avec impatience la production de la contrôleuse générale Debernardy et du général Bolleli.

On prend le pari qu’on va minimiser le phénomène et proposer des mesurettes du type : formations préventives dans les écoles à l’heure de la sieste, grosse menace de sanctions et numéro vert que les victimes seront réticentes à appeler, surtout lorsqu’elles auront testé son inefficacité ou sa dangerosité.

Et puis à quoi servent un président du HCECM, le sieur Pinault, conseiller d’Etat, qui a déclaré « avoir fouillé dans les coins » (avec qui M. Pinault ? Les Français veulent savoir, comme dirait JJ Bourdin !) et une haute fonctionnaire à l’égalité Homme/Femme, madame Gaudin, qui n’ont rien vu, rien entendu et qui sont forcément muets comme les trois singes de la sagesse ?

La comédie du pouvoir est décidément bien triste et surtout couteuse pour les finances publiques.

De son côté, comment le ministre pourrait-il suivre sérieusement un dossier comme celui sur le harcèlement, alors que son cabinet est un de ceux dans lesquels le « turn over » est le plus élevé ? En décembre 2013, c’est  son directeur adjoint de cabinet, le contrôleur général en deuxième section Jean Michel Palagos qui a montré la voie en prenant la tête de Défense Conseil International (CDI). Quelques semaines plus tard, un autre membre du cabinet, Jérôme Bastin, a été nommé directeur des services du conseil régional de Bretagne, avant d’être suivi du conseiller diplomatique, Nicolas Roche devenu directeur de la stratégie du commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Et ce n’est pas fini. Selon Jean Guisnel, le directeur de cabinet en personne, l’électricien (ancien d’EDF), Cédric Lewandovski, rêverait lui aussi de quitter son poste pour des cieux plus cléments.

On a lu enfin que Jean Yves Le Drian aimerait retourner à la présidence de la région Bretagne. Après les bérets rouges, les bonnets rouges ? La boucle serait alors bouclée !


1 Rappelons par respect pour le ministre que l’expression « Tomber des nues » ne signifie pas « draguer des femmes dans un camp de naturistes ».

Source : Adefdromil

Adefdro LivreCliquez sur l’image

Répondre à Alef Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *