Et si rien ne changeait demain ?

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Je ne suis pas sourd et au fil des jours et des débats je ne peux demeurer insensible non seulement à l’effritement de la confiance pour aujourd’hui – il s’aggrave – mais à la montée de la défiance pour demain (JDD).

Dois-je opérer une révision déchirante sinon de mon optimisme du moins de ma certitude qu’après, rien ne pourra plus être comme avant ? Faut-il que je maintienne ce que je n’ai cessé de dire et d’écrire ? Que ce fléau et son éradication si lente à venir nous sortent du registre politique et des joutes partisanes et que les promesses du pouvoir seront forcément réalisées, parce que le coronavirus est une tragédie collective et que trahir ses engagements relèverait d’un pur cynisme ?

La comparaison entre le président de la République d’hier, infiniment classique pour le pire ou pour le meilleur, et celui qu’il a déclaré vouloir devenir ne devrait pas être frappée systématiquement de suspicion puisqu’entre les deux, il y a le gouffre terrifiant d’une épidémie bousculant les schémas et mettant à bas les calculs.

C’est ce que je m’étais efforcé de signifier par mon billet du 17 mars : « Macron ou le souci des Français… »

J’ai sans doute abusé de cette citation de Jacques Rigaut, un poète qui s’est suicidé à trente ans, mais elle me semble tellement adaptée à ma conception initiale de cette période, de ce cataclysme que je la répète : « Pourquoi attend-on d’être au fond du trou pour se demander comment on est arrivé au bord ? »

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La relation que j’établissais entre un passé à charge – un univers hospitalier négligé, presque laissé à l’abandon – et un présent prouvant la réalité de cette faillite ne me faisait pas douter de l’avenir promis, fondé sur la conscience de ce désastre et riche d’une tout autre vision du monde, de la société et de la France.

Mais si j’avais tort, si je surestimais le malheur pédagogique de maintenant, si ma naïveté me faisait croire à la lune ?

En effet, écoutant chaque soir le compte rendu de Jérôme Salomon, avec depuis quelques jours une baisse des admissions en réanimation, je me suis interrogé avec une inquiétude dont la tonalité n’est que trop usuelle dans notre pays : puisque les choses marchent tant bien que mal, avec un système D qui semble réaliser des miracles et des personnels soignants qui inventent, se dévouent, se multiplient, s’épuisent et font notre admiration, pourquoi faudrait-il, le fléau vaincu, avec la normalité revenue, tenir les engagements d’hier ?

J’avoue que cette angoisse n’est pas mince qui me fait craindre que la pesanteur du pouvoir et des habitudes politiques soit si lourde, si contraignante que la France du futur sera vouée à remettre ses pas dans ceux de la France du passé, pourtant à dépasser.

Ce qui est en question pour la santé pourrait se généraliser à l’égard de tous les secteurs pour lesquels l’épidémie paraît représenter un ferment heureusement révolutionnaire. Par exemple l’Education nationale, la Justice, l’économie et la finance, avec une hiérarchie sociale plus conforme à l’utilité de chacun, de chaque corporation.

Je voudrais tellement que pour une fois le volontarisme, l’optimisme ne soient pas déçus. Que demain ne soit pas la copie conforme d’hier.

Mais j’ai beau m’efforcer de la chasser, une petite voix intérieure me trouble : et si rien ne changeait demain ?

Source : Philippe Bilger

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