Est-il vrai que les «patients Covid» n’ont représenté que 2% du total des hospitalisations en France en 2020 ?

Les chiffres, très commentés sur les réseaux sociaux, sont exacts. Ils proviennent d’un rapport de l’Agence technique d’information sur l’hospitalisation, mais ne suffisent pas à rendre compte de l’impact de l’épidémie sur l’activité hospitalière.

S’il y a bien eu 2% de patients Covid, la faiblesse du chiffre ne reflète qu’imparfaitement son impact sur le système hospitalier. (Jody Amiet/AFP)
Question posée par Julien le 11 novembre.

Vous nous interrogez à propos d’un rapport, publié cette semaine, très relayé sur les réseaux sociaux, établissant que les hospitalisations pour Covid en 2020 n’ont représenté que 2 % du total des hospitalisations, et seulement 5 % des admissions en soins critiques. Nombre de commentateurs y ont vu la «preuve» de l’exagération de la gravité de l’épidémie et de la désinformation des autorités quant à la saturation des hôpitaux. Sur LCP, Martin Blachier, médiatique expert en santé publique, pointait ainsi le décalage entre les conclusions de ce rapport et la perception de l’impact de l’épidémie sur l’activité hospitalière. «C’est très très loin de l’image qu’on en a, c’est-à-dire pendant toute l’année 2020, des services hospitaliers qui étaient pleins à ras bord de patients Covid.»

Le rapport émane de l’Agence technique d’information sur l’hospitalisation (Atih) et porte sur l’analyse de l’activité hospitalière 2020 liée au Covid. On y trouve effectivement les chiffres cités : «Au cours de l’année 2020, 218 000 patients ont été hospitalisés pour prise en charge de la Covid-19. Les patients Covid représentent 2 % de l’ensemble des patients hospitalisés au cours de l’année 2020, tous champs hospitaliers confondus». Et plus loin : «Au cours de l’année 2020, les patients Covid représentent 5 % de l’ensemble des patients pris en charge en service de soins critiques.» (1)

Mais ces chiffres, qu’on peut effectivement trouver faibles a priori, ne permettent pas véritablement de mesurer (ou de nier) l’impact du Covid sur l’activité hospitalière. Lequel est d’ailleurs évoqué en préambule du rapport. «En 2020, la crise sanitaire induite par la pandémie de Covid-19 a fortement impacté l’activité des établissements de santé», lit-on dès la première page.Enquête

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Première chose : les pourcentages de 2 % (et de 5 % pour les soins critiques) concernent le nombre de patients Covid hospitalisés, mais ne tiennent pas compte de la durée des hospitalisations, qui a été plus longue pour les patients Covid que pour les patients non Covid, que ce soit pour l’hospitalisation standard ou les soins critiques (2). En regardant non plus le nombre d’admissions, mais le nombre de journées d’hospitalisation, les pourcentages doublent quasiment. Ainsi, les patients Covid ont donc représenté 2 % du total des admissions, mais 4 % du total de journées d’hospitalisation en 2020. En soins critiques, les patients Covid ont représenté 5 % des admissions, mais 8 % des journées d’hospitalisation. Et en se limitant aux seuls services de réanimation, les patients Covid ont représenté 11 % du nombre de patients admis en 2020, mais 19 % des journées d’hospitalisation sur l’année.

Par ailleurs, et surtout, cette pression hospitalière liée au Covid n’a pas été constante sur toute l’année. Elle a très fortement varié au gré des deux vagues épidémiques qui ont traversé l’année. Ainsi, pendant près d’un mois, à compter de la fin du mois de mars 2020, le nombre quotidien de patients en cours d’hospitalisation pour Covid dépassait 30 000, indique le rapport de l’Atih. Un pic également atteint mi-novembre. A l’inverse, pendant près de trois mois entre mi-juin et mi-septembre, ce nombre de patients hospitalisés était inférieur à 5 000, soit plus de six fois moindre. Pendant un mois, entre juillet et août, le nombre de patients Covid hospitalisés est même descendu à 2 500, selon le rapport. Soit 14 fois moins que le pic de 35 000 hospitalisations pour Covid atteint en avril.

Le calcul de la part des patients Covid sur la totalité des patients sur toute l’année aboutit à «lisser» ces fortes variations, et ne rend donc pas compte des phases de saturation hospitalière lors les pics épidémiques.

Par ailleurs, si on regarde le nombre de décès de patients Covid survenus à l’hôpital, ils apparaissent en proportion bien supérieurs à la part des patients Covid admis. Selon le rapport, sur l’année 2020, les décès pour Covid ont représenté 12 % du total des décès hospitaliers (pour seulement 2 % des patients admis), 13 % des décès en soins critiques (pour 5 % des patients admis), et 16 % des décès en réanimation (pour 11 % des patients admis).

Notons que si la lecture du rapport de l’Atih peut conduire à minimiser (à tort) l’impact du Covid sur l’activité hospitalière, il convient de rappeler qu’à l’inverse, certains indicateurs mis en place par les autorités lors de l’épidémie avaient pu à exagérer cette pression hospitalière. Citons notamment le (très mal nommé) taux d’occupation des lits en réanimation, qui obéissait à une méthodologie peu claire, l’amenant à afficher lors des pics des taux d’occupation des lits par les patients Covid supérieurs à 100 %. CheckNews s’était plusieurs fois penché sur le sujet.

(1) Comme le précise le rapport, «les hospitalisations de patients testés positifs à la COVID-19 mais asymptomatiques, ou dont le motif de recours à l’hospitalisation de court séjour n’était pas la COVID-19 ne sont pas intégrées au champ d’analyse».

(2) Les services de soins critiques regroupent les services de soins continus, les services de soins intensifs ainsi que les services de réanimation.

Source : Libération

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