Dinan. Affectée en gendarmerie, l’assistante sociale « se sent utile »

dinan-affectee-en-gendarmerie-l-assistante-sociale-se-sent-utileDepuis septembre 2014, Fabienne Andrieux est mise à disposition par le Département comme intervenante sociale à la brigade de gendarmerie de Dinan. | OF

Employée par le Département, Fabienne Andrieux est mise à la disposition de la brigade de gendarmerie de Dinan depuis 2014. Un dispositif qui fait aujourd’hui l’unanimité.

Des dessins d’enfants, quelques jouets en bois, des affiches colorées. Et un paquet de mouchoirs, « indispensable », sur le bureau. Au rez-de-chaussée, en face l’accueil, la petite pièce occupée par Fabienne Andrieux tranche avec l’ambiance austère d’une gendarmerie.

Depuis 2014, cette assistante sociale de métier, employée par le Département, est mise à la disposition de la brigade de Dinan, place Du Guesclin, où elle officie comme intervenante sociale. À l’origine, une « expérimentation ». Ce dispositif national commençait bien à se développer dans certaines régions. Mais en Bretagne, seul Rennes l’avait testé (lire ci-dessous).

Plus de 400 dossiers

« Honnêtement, au départ, je ne savais pas dans quoi je me lançais », se souvient cette quadragénaire au sourire généreux. À l’époque, quand s’ouvre cette mission prévue initialement pour six mois, aucune de ses collègues n’ose postuler. « Maintenant, les candidatures se bousculeraient si je partais ! »

Son rôle ? « Permettre de ne pas renvoyer une personne qui veut parler mais refuse de déposer plainte », résume-t-elle. La détresse humaine, quand elle échappe au judiciaire, n’entre pas dans les missions des militaires. L’enjeu est pourtant de taille : plus de 60 % des personnes reçues par Fabienne Andrieux sont inconnues des services sociaux.

En 2016, l’intervenante a géré 407 dossiers, concernant 1 208 personnes. Les chiffres 2017 suivent la même tendance. Les femmes victimes de violences comptent pour un tiers. Un autre concerne les séparations conjugales difficiles. « J’offre une écoute, explique Fabienne Andrieux. Éventuellement, j’oriente vers les structures appropriées. Parfois, si je l’estime nécessaire, je suggère aux personnes de se confier aux gendarmes. Mais jamais je ne lève le secret. Comme les gendarmes gardent celui des enquêtes. »

« Je vais tuer mon mari ! »

À la brigade, « Fabibi », comme la surnomment affectueusement les militaires, « fait partie des nôtres », assure le capitaine Patrice Poirier. « On ne pourrait plus se passer d’elle. »

« Les premiers jours, j’étais un peu l’extraterrestre, s’amuse l’intéressée. C’était le choc des cultures. » Elle rit : « Les gendarmes craignaient que je fasse venir tous les cas sociaux. Et moi, c’était leur humour autour de la machine à café ! »

Mais « les deux mondes » apprennent à se connaître. « Je ne me suis jamais sentie aussi utile », assure l’intervenante sociale. Elle a encore en tête cette femme hystérique, qui débarque un midi en hurlant « mon histoire, c’est du Jacqueline Sauvage, je vais tuer mon mari ! ». Son médecin l’avait orientée vers Fabienne Andrieux.

Quelques années auparavant, elle avait tenté de raconter l’enfer quotidien que lui imposait depuis une trentaine d’années son mari. Comment il l’obligeait chaque jour à vider la cuvette des toilettes à la main. Ou encore les enfants, brillants élèves au demeurant, contraints de s’agenouiller sur des cailloux.

Son comportement, l’énormité des faits aussi, jouaient en sa défaveur. On ne l’avait pas cru. Fabienne Andrieux aussi a douté. La femme est revenue une, deux, plusieurs fois. Une confiance s’est installée, les confidences, plus précises, plus sérieuses, ont suivi. Une enquête a été ouverte.

L’époux se trouve maintenant en détention provisoire, attendant son procès.

« Tout le monde a compris l’intérêt du poste »

Au départ, rien n’était gagné. Cofinancé par l’État, le Département et Dinan agglomération, ce dispositif national avait été déployé dans Côtes-d’Armor un peu plus tardivement qu’ailleurs.

Depuis, « il a le vent en poupe, sourit Fabienne Andrieux. Il est plébiscité par les politiques, et notamment Emmanuel Macron ». Cet engouement se fait sentir dès 2015, quand un second poste est créé au commissariat de Saint-Brieuc. Aujourd’hui, une réflexion est en cours pour en ouvrir un troisième, sur le secteur de Guingamp-Lannion. « Tout le monde a compris l’intérêt du poste », se félicite l’intervenante sociale, qui s’apprête à recevoir la médaille de la sécurité intérieure.

Dernier exemple en date : depuis ce lundi, les deux postes seront encadrés dans une convention de trois ans, pour la période 2018-2020, a fait savoir le Département. Une manière de les pérenniser. Dans un communiqué, son président, Alain Cadec, affirme tenir « beaucoup à ce dispositif vertueux. Les intervenantes sociales présentes au cœur du commissariat et de la gendarmerie sont en effet très bien placées pour répondre à des situations de détresse sociale. […] Le bien-fondé de leur poste s’est avéré très rapidement et elles font véritablement partie des équipes du commissariat de Saint-Brieuc et de la gendarmerie de Dinan. Elles illustrent enfin la manière dont nous pouvons travailler, en bonne intelligence, avec nos partenaires. »

Source : Ouest-France

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