Crise avec l’armée ou de simple immaturité gouvernementale ?

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Marc LOUBOUTIN

Le Général de Villiers, chef d’État-major des Armées poussé à la démission, le Général Lecointre nommé à sa place, on aurait pu penser l’épisode clos et mourir d’oubli dès les jours suivants sous les vagues de la suite de l’actualité politique comme n’importe quel apprenti communicant l’anticiperait.

 

Las. Ce matin dans le Figaro, il faut que le porte-parole du gouvernement, l’agité Christophe Castaner, visiblement victime d’un « nervous breakdown » en remette une couche et rallume les braises en fustigeant publiquement – et surtout inutilement – l’ancien CEMA. Ainsi « «Le chef d’état-major a été déloyal dans sa communication, il a mis en scène sa démission», s’étant comporté en « poète revendicatif ». Rien que cela…

 

Pour rappel des faits, le Général de Villiers s’était opposé à une réduction annoncée du budget des Armées devant une commission de Défense à huis-clos. Il était absolument là dans son rôle. Car contrairement aux affirmations péremptoires du Président de la République, qui estime que les questions de budget de défense ne regardent pas le CEMA et sont l’apanage exclusif de la Ministre de la Défense (qui au passage est aux abonnés absents depuis le début de cette crise), le rôle de Chef d’Etat-major des Armées est parfaitement défini au journal officiel concernant la gestion des moyens qui sont affectés à la défense et notamment la préparation du budget prévisionnel pour ce poste. Invité à se prononcer devant l’Assemblée Nationale au sujet de la baisse de ce dernier, il a donc donné, en toute honnêteté et par devoir, à la représentation nationale (chargée de voter, ou non, ledit budget) son avis récalcitrant alors même que les missions s’accumulent et que les moyens suffisent déjà à peine à préserver l’opérationnel et même plus la maintenance et dotation globale (matériel, armement, immobilier, équipement…). La seule chose déloyale dans cette épisode fut dans un premier temps la « fuite » ( Qui ? Pourquoi ?) de son avis opposé à l’annonce gouvernementale de la baisse des moyens dont il avait la charge d’emploi, puis l’exploitation exacerbée et volontairement publique par la présidence de cette fuite de propos tenus au secret pour le pousser à la démission. Au passage, doit-on rappeler au Président, et au gouvernement, que l’Assemblée Nationale est souveraine et non « aux ordres » – c’est la base de notre système démocratique – et cela même si la majorité parlementaire LREM a accepté récemment de se comporter en simple chambre d’enregistrement automatique des lois proposées par le gouvernement.

 

La polémique fut donc montée en épingle, en mauvaise mayonnaise pour être exact, dans la presse à l’initiative de la présidence et du gouvernement, là où il suffisait de demander discrètement au Général de démissionner, ce qui était inéluctable. S’il y a organisation de la communication c’est bien de ce côté-là qu’il faut chercher : celui des pompiers incendiaires des couvertures médiatiques n’en déplaise à Monsieur Castaner, qui hurle donc « Haro sur De Villiers! » ce matin, une main sur le cœur et encore un bidon d’essence dans l’autre.

 

Le Chef d’Etat-Major des Armées, après avoir remis sa démission – pouvait-il en être autrement ? – présentait alors dans son blog dédié un adieu sobre, digne, et sans polémique aux soldats qu’il quittait et saluait une dernière fois son Etat-Major, ses troupes directes, comme c’est une tradition militaire lorsqu’un cadre quitte un commandement. Le Général Lecointre le remplaçait. Le Président se déguisait en Maverick de Top Gun devant appareils photo et caméras lors d’une visite de base aérienne. Le psychodrame aurait dû s’éteindre de lui-même.

 

Quelle mouche a donc piquée le porte-parole du gouvernement ? L’exaspération de voir fleurir dans les médias des comptes rendus peu flatteurs sur l’état global matériel des Armées ? L’incompréhension populaire devant l’annonce d’une hausse de budget militaire l’an prochain sans saisir pourquoi dès lors le baisser auparavant et donc provoquer une telle crise pour rien ? Ou tout simplement ce qui semble être le marqueur du nouveau quinquennat : ne pas supporter la moindre discussion sur les décisions gouvernementales et présidentielles jusqu’à systématiquement taper compulsivement sur la table pour rappeler qui « commande » désormais notre pays sans aucun débat possible ?

 

On peut comprendre aisément qu’un jeune Président issu d’un mouvement politique tout neuf et sans expérience, ainsi que son gouvernement, se laissent parfois aller à des comportements d’adulescents juvéniles ne supportant pas la contestation. C’est justement cette « nouveauté », ce « sang neuf » – ou vendu ainsi – qui ont remporté les suffrages. Que cette dynamique murisse donc. Vite.

 

N’en reste pas moins, et surtout sur des sujets aussi graves que la Défense dans le contexte actuel de menaces terroristes et d’interventions lourdes extérieures, qu’il soit national ou international, qu’il est temps de prendre de la hauteur, de s’inspirer du calme des vieilles troupes, plutôt que se livrer à l’inutiles charges immatures – et surtout outrancières – comme celles de Monsieur Castaner ce matin au sujet d’un dossier qui était pourtant désormais clos.

 

Nos militaires de tous les grades qui exposent leurs vies, que cela soit sur le territoire national dans l’opération Sentinelles, sur nos diverses OPEX, connues ou secrètes, attendent mieux que d’être maintenus dans un contexte gouvernemental d’hystérie visiblement compulsive au sujet de leur métier, de leur commandement, de leurs moyens et de leur politique d’emploi, aujourd’hui ou à moyen terme. Eux savent que la défense, l’antiterrorisme et les guerres qu’ils mènent sont des sujets sérieux. Certains d’entre eux y tombent au champ d’honneur ou en reviennent marqués à jamais dans leurs chairs, parfois dans leur mental.

 

Le petit gars équipé lourdement qui part en patrouille aujourd’hui dans la chaude poussière de sable, ce soldat de vingt ans qui va risquer sa vie, qui a choisi cet engagement au service de la France, mérite mieux que des égotiques et stériles règlements de comptes médiatiques. De même que tous ses frères d’Arme, de toutes les Armées, qui sont engagés également sur le terrain, loin du confort de l’Elysée, des cabinets ministériels, des micros, des objectifs ou des salles de rédactions

 

Ne serait-ce que par respect pour eux, il est plus que temps de revenir aux choses sérieuses, à plus de dignité. De (re)devenir adulte.

 

Marc LOUBOUTIN

Source :  Facebook

 

Biographie :

Lieutenant de réserve d’Infanterie à Ministère de la défense

Lieutenant de Police à Ministere de l’Interieur

Écrivain, à Quimper

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Flic, c'est pas du cinoche !

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