COVID19 Premier confinement Le juge des référés refuse aux citoyens le « droit de savoir »

Le 9 juin 2021 Le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris a rendu sa décision refusant en bloc et sans détail l’accès aux informations relatives à la gestion de la crise sanitaire sur la période du 16 mars au 30 juin 2020 (premier confinement), détenues par le ministère de la Santé et plusieurs organismes publics et parapublics, des EHPAD et les groupes leaders de la grande distribution (Carrefour, Leclerc).

Une action collective menée par 600 personnes exerçant leur droit à l’information dans un cadre démocratique   Cette décision intervient dans le cadre d’une assignation résultant d’une action collective regroupant plus de 600 personnes, initiée par plusieurs associations et portée par Me Christophe Lèguevaques.

L’assignation en référé probatoire a été déposée en décembre 2020 par Me Christophe Lèguevaques devant le Tribunal judiciaire de Paris à la demande de familles de résidents d’EHPAD, d’associations (UGPCS, HANDI-SOCIAL, CLE AUTISTES, AR2S) et de citoyens, contre les acteurs publics et privés mentionnés dans le but d’obtenir un ensemble de pièces relatives aux questions suivantes : Fiasco des masques : pourquoi y a-t-il eu une situation structurelle de manque de masques en France ? Des stocks de masques ont-ils été réservés à un usage mercantile alors qu’ils auraient pu être remis pour protéger les professions à risque ou les populations vulnérables ? Y-a-t-il eu un tri des malades sur des critères discriminatoires tel que l’âge ou le handicap ? S’agit-il de cas isolés ou du résultat d’une politique concertée des pouvoirs publics ? Y-a-t-il eu une utilisation injustifiée et illégale du RIVOTRIL sur certains résidents d’EHPAD et de maisons de santé afin d’engendrer la mort ? Peut-on parler d’« euthanasie compulsive » de nos aînés ?
Trop d’incertitudes face à ces questions, assorties de plusieurs témoignages de professionnels de santé, ont motivé ces 600 personnes à engager cette action. Leur demande s’appuie sur les différentes alertes et signalements émis à la fois par des scientifiques, des institutions et des responsables publics au moment de l’apparition du virus et se fonde ainsi sur une légitimité scientifique et technique.

Pour les initiateurs de cette demande, le but est de rassembler des informations, des preuves et de solliciter des expertises, notamment informatiques, qui permettront plus tard aux juges d’écrire l’histoire judiciaire de cette pandémie et de dire si les décisions que révéleront ces documents sont de nature à engager la responsabilité civile, administrative, voire pénale des acteurs publics et privés concernés.
 
Une défiance de la justice à l’égard des citoyens agissant collectivement ?   L’assignation de 200 pages reposaient sur des documents officiels et des déclarations de professionnels notamment devant les commissions d’enquête parlementaires. Mais l’objectif de l’assignation était d’aller plus loin que des simples déclarations et de vérifier la matérialité des faits invoqués (notamment concernant le tri des malades et l’usage du Rivotril sans respecter la loi Clayes-Leonetti sur la fin de vie).

Pour motiver son refus de communiquer les pièces sollicitées – mêmes celles concernant les résidents décédés dans un EHPAD dans des conditions suspectes et sollicitées par les familles des défunts – le juge des référés affirme que les requérants n’ont pas « d’intérêts légitimes » à savoir. Sa démonstration repose sur six arguments tous plus critiquables les uns que les autres.

Le juge des référés refuse de comprendre l’unité des questions posées et les liens entre elles, nécessitant une enquête unique. Si les EHPAD ont eu recours massivement au RIVOTRIL c’est parce que les malades âgés se sont vus refuser l’accès à l’hôpital et si les malades âgés ont été contaminés, c’est parce que le personnel soignant manquait cruellement d’équipements de protections (masques, blouses, charlottes, …) ; comme cela a été dénoncé par de nombreux syndicats et des médecins en première ligne.

Le juge des référés ne tient pas compte de ces sources vérifiées et vérifiables. Il feint de ne pas comprendre la mécanique de recherche en responsabilité qui part de la base et de différents dossiers individuels répartis sur tout le territoire national pour remonter à chaque niveau et identifier les responsables locaux, régionaux ou nationaux. Le juge oppose les demandeurs qui ont des qualités et des arguments divers, mais qui agissent de manière collective pour avoir une image complète de la situation. La réunion des demandeurs avait pour objectif d’éviter la fragmentation qui se serait traduite par plusieurs dizaines de procédures. Le juge refuse de comprendre l’intérêt pour une bonne administration de la justice du regroupement des demandes dans une seule procédure.

Le juge dénie aux citoyens le droit de savoir par eux-mêmes.   En effet, il insiste sur l’existence de commissions parlementaires. Il considère que les citoyens doivent attendre et voir, ils ne sont que des simples spectateurs sans possibilité d’intervention. Or, ces commissions parlementaires ne mènent pas des enquêtes et sont dominées par des parlementaires au même groupe politique que le gouvernement. Dès lors, on peut douter de l’efficacité du travail réalisé, comme cela s’est déjà vu dans d’autres affaires politico-sanitaires. Enfin, l’objectif de ces commissions est de comprendre pour réformer le fonctionnement de l’Etat. Leur mission n’est pas d’instruire à charge ou décharge en identifiant les responsables. Ce travail indispensable est du seul ressort du juge, foi de la séparation des pouvoirs !

Enfin, à contre-courant de la jurisprudence de la Cour de cassation, le juge des référés considère que les demandes de pièces et d’expertises sollicitées seraient « de nature à perturber les investigations des magistrats instructeurs ». Or, comme l’instruction est couverte par le secret qui protège les enquêtes en cours, il n’est pas possible de vérifier cette affirmation.

Finalement, le juge des référés explique aux citoyens inquiets : laissez-nous entre nous, nous sommes des professionnels, revenez dans 15 ans, quand les enquêtes seront terminées et que l’action sera éventuellement prescrite.

Une telle solution n’est ni acceptable ni supportable.

C’est la raison pour laquelle, je recommande aux demandeurs d’interjeter appel.  
Christophe Lèguevaques
Avocat au Barreau de Paris
Docteur en droit

Source :

MySMARTcab
plateforme d’actions collectives, conjointes, citoyennes et coopératives proposée par la
SELARL Christophe LEGUEVAQUES
avocat au barreau de Paris
4, avenue Hoche 75008 Paris
Par email contact@mysmartcab.fr

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