« C’est un peu au petit bonheur la chance… », ces policiers réticents à utiliser leur LBD

Imprécision dans le tir, manque de confiance dans l’équipement, peur des conséquences… certains membres des forces de l’ordre commencent à critiquer l’utilisation du LBD. Si, pour l’instant, aucun n’a refusé catégoriquement de s’en servir, une réticence existe belle et bien. Europe 1 a pu rencontrer plusieurs CRS qui rechignent à s’en servir. 
ENQUÊTEC’est une arme devenue emblématique du maintien de l’ordre, notamment pendant les manifestations. Très critiqué par les « gilets jaunes », le LBD a aussi ses détracteurs dans le camp des forces de l’ordre. Alors qu’un policier a été mis en examen lundi à Bordeaux pour « violences volontaires avec armes » après un tir de LBD qui a blessé un manifestant en janvier dernier, les fonctionnaires commencent à critiquer l’utilisation du lanceur de balles de défense. Europe 1 a rencontré plusieurs membres des forces de l’ordre pour comprendre cette réticence.

« Je ne suis pas totalement rassuré quand j’utilise cette arme »

Si, pour l’instant, aucun membre des forces de l’ordre n’a refusé de se servir d’un LBD, la réticence est belle et bien présente, autant par crainte de blesser grièvement quelqu’un, que par peur des poursuites en justice. « C’est un peu au petit bonheur la chance, je ne suis pas totalement rassuré quand j’utilise cette arme », confie Serge* au micro d’Europe 1, un CRS habilité LBD. « Depuis un peu plus d’un an, ce sentiment de peur lors de l’utilisation du LBD est de plus en plus présent chez les collègues », confirme un autre CRS à Europe 1 qui évoque notamment « le risque de se retrouver au pénal ».  Un autre policier, qui a refusé d’être habilité LBD confie : « La pauvreté de la formation (quelques tirs seulement en milieu calme et sur cible immobile) n’est pas convaincante pour prendre la responsabilité d’une arme qui peut faire de très gros dégâts. »

Un manque de confiance dans son équipement qui a déjà fait hésiter Serge* au moment d’appuyer sur la détente « parce que c’était trop loin, ou bien parce qu’il y avait trop de monde autour de la cible, ou qu’elle était trop mobile », explique-t-il. « Quand je suis pratiquement sûr, ou qu’il y a beaucoup de chances pour que mon tir atteigne ma cible, je tire. Mais il y en a un tiers que je ne peux pas faire, car je sais que ça n’ira pas au ‘but’, et qu’il y aura un problème », affirme le CRS.

14 cm de différence à l’impact entre deux tirs identiques

Et Serge* n’est pas le seul à avoir ce sentiment : plusieurs CRS de différentes compagnies ont confié avoir le même ressenti. Et d’après les informations d’Europe 1, le doute est en effet permis : en test, entre deux tirs identiques, il a été relevé 14 centimètres de différence à l’impact après un tir de LBD. Mais surtout, ce qu’il faut savoir, c’est que l’arme est réglée pour tirer à 30 mètres de la cible. Si, par exemple, en manifestation, vous êtes à 20 mètres, le point touché sera 15 centimètres plus haut que celui visé. Or il n’y a aucune indication de distance intégrée à l’arme quand on vise.

Trop peu d’entraînement

En plus d’un certaine impression quant à l’impact, et aux conditions de tirs qui sont souvent dégradées, l’autre point de friction est le manque d’entraînement. D’après les membres des forces de l’ordre interrogés par Europe 1, il y en a trop peu. D’autant que l’habilitation LBD s’obtient en une journée avec présentation de l’arme, puis 3 tirs d’entraînement et 5 tirs devant l’examinateur. Il suffit alors d’avoir touché trois fois la cible.

Serge*, qui se considère « relativement bon tireur », se souvient parfaitement de son test d’habilitation. S’il a eu la cible trois fois sur « [ses] cinq tirs d’habilitation », il se « demande encore comment c’est passé » : « Par beau temps, de jour, sans stress, sans tenue de maintien de l’ordre sur le dos, en tirant en plein dans le thorax, il [le projectile, ndlr] a atteint la tête », se souvient-il. Et cette habilitation, qui ne le rassure pas lui-même, est valable trois ans.

La durée a même été rallongée d’une année en novembre 2017 notamment pour des questions de moyens. Il n’y a pas assez de formateurs et l’on fait des économies de munitions. Mais le LBD reste une arme intermédiaire utile, voire indispensable, entre le bâton et les armes à balles réelles. « C’est vrai pour le LBD, mais ça s’applique presque pour tout, la formation coûte chère et demande du temps », déplore un autre policier. Du côté des commissaires, certains plaident pour un changement de doctrine d’emploi. Une réforme globale du maintien de l’ordre est en ce moment à l’étude place Beauvau.

*Le prénom a été modifié

Source : Europe 1

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