Associations professionnelles de militaires : « Il y a des résistances à tous les niveaux » (Paul Morra, Adefdromil-Gend)

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AEF SECURITE GLOBALE

Par Julie Robelet – publié le 8 octobre 2015 – Dépêche n° 508081

Source : http://www.aef.info/abonne/depeche/508081

INTERVIEW

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Lieutenant Paul MORRA Initiateur APNM ADEFDROMIL-GEND

Il faut « saisir l’occasion » mise en œuvre par la loi du 28 juillet 2015 de créer des associations professionnelles nationales de militaires et « éviter que cela ne devienne un droit mort », affirme à AEF le lieutenant Paul Morra, commandant de la brigade de recherches départementale d’Auch. Il est l’initiateur du projet de création de l’APNM ADEFDROMIL-Gend. « Les militaires ont des restrictions légitimes en matière de prise de parole, mais je n’apprécie pas qu’ils soient considérés comme des ‘sous-citoyens’ pour certains droits », affirme-t-il. Le lieutenant estime « préférable de permettre aux personnels d’avoir une parole responsable, plutôt que d’être face à des cocottes-minute prêtes à exploser ».

AEF : Pourquoi avez-vous décidé de créer l’association professionnelle nationale de militaires Adefdromil-Gend ?

Paul Morra : Je suis héritier de l’Adefdromil (Association de défense des droits des militaires), dont je fais partie depuis 2002, et je suis donc imprégné du milieu associatif interarmées. La loi du 28 juillet 2015 consécutive aux deux arrêts   de la CEDH du 2 octobre 2014, en permettant la création d’associations professionnelles de militaires, a fait évoluer le droit, mais aussi les mentalités et les cultures. Nous avons désormais cet outil à notre disposition, j’ai une expérience dans ce domaine, mon pari est donc d’ouvrir une APNM interarmées.

AEF : Pourquoi avoir choisi de faire une association interarmées ?

Paul Morra : Mon objectif est de répondre aux contraintes dressées par le rapport de Bernard Pêcheur (lire sur AEF) et reprises dans la loi. Cette dernière prévoit en effet que les APNM doivent, pour siéger au Conseil supérieur de la fonction militaire, représenter les militaires d’au moins trois forces armées et de deux formations rattachées. Le rôle principal de l’APNM Adefdromil-Gend est donc de préserver et de promouvoir la condition militaire. Beaucoup de sujets présentent dès à présent un intérêt collectif pour l’ensemble des militaires, tel que le harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel, la solde des militaires en Opex… Je pense que nos engagements sont communs, nous intervenons parfois ensemble et nous faisons les mêmes sacrifices.

AEF : Quel sera l’objectif de l’association ?

Paul Morra : Je suis très imprégné par les principes d’égalité des citoyens consacrés par la Constitution. Les militaires ont des restrictions légitimes en matière de prise de parole, mais je n’apprécie pas qu’ils soient considérés comme des « sous-citoyens » pour certains droits. J’ai le sentiment que nous n’avons pas toujours été considérés ou traités à égal avec des personnels de la fonction publique. Il y a un équilibre à rétablir, pour tous les militaires.

Ces derniers sont aujourd’hui mal informés sur leurs statuts et leur obligation de réserve, qu’ils soient gendarmes en activité ou en deuxième section. Je suis souvent étonné par ce que l’on peut lire sur des forums sur internet, où certaines personnes s’expriment de manière très agressive et dépassent parfois ce que préconisent leurs statuts. L’utilité de cette association sera aussi de mieux les informer sur ce point.

AEF : Quelles sont les prochaines étapes pour l’Adefdromil-Gend ?

Paul Morra : Les statuts de l’association sont déjà en ligne. J’envisage de les faire évoluer en ajoutant la possibilité de partenariats avec les associations de retraités et d’aide aux victimes. Dès que le projet de décret relatif aux APNM sera mis en ligne par le ministère de la Défense, je déposerai officiellement les statuts. Selon mes informations, ce projet de décret devrait sortir fin octobre, puis il sera discuté au et devrait donc être publié début 2016. Mon objectif est de mettre en place une APNM avec une arborescence représentative des différentes armées, puis de constituer un maillage territorial régional au départ, peut-être départemental ensuite.

AEF : Êtes-vous prêts à travailler avec les associations de gendarmes déjà existantes ?

Paul Morra : Je suis prêt à travailler avec tout le monde et n’exclus aucun partenariat dans des cas précis. Nous avons d’ailleurs déjà eu des discussions tous ensemble et nous avons signé un communiqué commun le 27 août 2015 sur la fusillade ayant entraîné la mort du gendarme Laurent Pruvot à Roye dans la Somme, avec le président de Gend XXI, Jean-Hugues Matelly, le président de l’association Gendarmes et citoyens, Lionel Delille, et celui de l’Association professionnelle gendarmerie, Ronald Guillaumont.

AEF : Dans une interview accordée à « L’Essor de la gendarmerie nationale » en juin 2015, le député de Paris, Philippe Goujon, condamnait l’existence des associations professionnelles militaires qui ne sont, selon lui, que des « syndicats camouflés » (lire sur AEF). Qu’en pensez-vous ?

Paul Morra : Il y a des résistances à tous les niveaux, et notamment dans les instances dirigeantes, qui ont parfois une culture un peu rétrograde et qui ne veulent pas forcément entendre parler les militaires. Un syndicat négocie, alors que les APNM ne sont pas dans la négociation, mais certaines personnes préfèrent parler de syndicats pour affaiblir la loi du 28 juillet 2015 afin qu’elle demeure une « loi morte ». Je pense cependant qu’il est préférable de permettre aux personnels d’avoir une parole responsable, plutôt que d’être face à des cocottes-minute prêtes à exploser.

Les mentalités et les mœurs ont évolué, c’est un facteur qu’il faut prendre en compte. On peut regretter la pusillanimité du législateur qui n’a pas voulu aller plus loin dans cette loi, parce qu’il y avait là une occasion historique de faire avancer le droit d’expression. Mais l’État français a été contraint de modifier son droit interne par rapport à la décision de la CEDH et nous donne la possibilité de créer ces APNM. Il faut saisir cette occasion et éviter que cela ne devienne un droit mort.

Paris, le 08/10/2015 13:45:00 Dépêche n°508081

Sécurité publique

Source : Armée-Média

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