Après Benalla, les états d’âme des policiers responsables de la sécurité du président

VIDÉO. La réforme de la direction de la sécurité de la présidence voulue par Emmanuel Macron et mise en musique par un certain Benalla suscite la grogne en interne.

Le colonel Benoît Ferrand prend officiellement ses fonctions de directeur de la sécurité de la présidence de la République (DSPR) le 1er septembre. Il dirige à la fois la sécurité du Palais de l’Élysée et le groupe de sécurité de la présidence (GSPR). Jusque-là, le commandement militaire du château était distinct du GSPR. Aujourd’hui, ils ne forment qu’une seule entité. Le commissaire divisionnaire Georges Salinas secondera le colonel de gendarmerie et gèrera le groupe en direct.

Cette réforme, révélée par Le Point en avril 2018, voulue par le président de la République, avait été pilotée par Alexandre Benalla, le général Éric Bio-Farina, alors commandant militaire de l’Élysée, et le général Lionel Lavergne, patron du GSPR à l’époque. Le président de la République est souverain en la matière. Il organise sa sécurité comme bon lui semble. Sa seule contrainte est budgétaire. Il a d’ailleurs conservé son équipe de protection rapprochée uniquement dédiée à ses déplacements privés, mise en place par Alexandre Benalla. L’ex-chargé de mission a été remplacé par un commandant divisionnaire de police dès l’été dernier.

Le canevas d’origine de la réforme a été plutôt respecté bien que l’ambition réelle était de couper les ponts entre la sécurité présidentielle et le Service de la protection (SDLP) du ministère de l’Intérieur. Après l’affaire Benalla, ce projet a fait long feu et les officiers de sécurité du GSPR continueront d’être recrutés au sein du SDLP côté policiers et au GIGN, pour les gendarmes.

Agenda caché

Avant de devenir DSPR à la rentrée, le colonel Ferrand, ex-numéro 2 du GIGN, assure les fonctions de patron du GSPR depuis le mois de mai. Gendarmes ou policiers qui composent cette unité d’élite, questionnés par Le Point, s’interrogent sur son manque d’expérience de la protection rapprochée et goûtent peu de le voir régulièrement sur les écrans de télévision aux côtés du chef de l’État. « Il a été aperçu sur le Tour de France et lors du bain de foule à Bormes-les-Mimosas alors qu’il est censé rester discret », critique un officier de sécurité, qui affirme que ce constat est largement partagé au sein de l’équipe.

Les policiers le soupçonnent d’avoir un agenda caché : se débarrasser d’eux au profit des gendarmes qui, eux, ne sont pas syndiqués. Contrairement aux policiers qui se confient à leurs représentants, lesquels « parleraient trop » et seraient à l’origine de fuites. D’ailleurs, pour beaucoup, l’habilitation secret-défense que chacun des fonctionnaires du GSPR – au même titre que les agents du Renseignement – se doit désormais d’obtenir relève de la volonté de faire taire les officiers de sécurité. « Lorsque la DGSI a déjoué des tentatives d’attentat contre le PR, de l’ultradroite ou des islamos, on n’a pas du tout été mis dans la boucle. On aurait pu par exemple nous faire passer des photos des suspects. On a tout découvert dans les médias… »

Valse des hommes, policiers comme gendarmes

Néanmoins, la prise de fonction du commissaire divisionnaire Georges Salinas, ancien numéro 2 de la BRI (Brigade de recherche et d’intervention de la police judiciaire, NDLR) à la tête du GSPR, devrait rassurer une base un peu tendue après la séquence Brégançon. Dès l’arrivée du président de la République à Brégançon, un gendarme de la garde républicaine surnommé « Mike », responsable de la sécurité du fort pour le séjour, s’est plaint des conditions d’hébergement de son unité dans un hôtel réquisitionné : la climatisation est restée en panne durant deux jours. La réponse du colonel de gendarmerie Benoît Ferrand, chef de la sécurité d’Emmanuel Macron, ne s’est pas fait attendre : Mike a été renvoyé à Paris dès le lendemain. Mike est pourtant « l’épaule » du chef de l’État à l’Élysée, c’est-à-dire son officier de sécurité le plus proche à l’intérieur du Palais. « Pas de syndicaliste chez nous ! » a commenté une huile de la gendarmerie.

La gestion du GSPR n’a rien d’un long fleuve tranquille. Trois gendarmes ont été remis à la disposition du GIGN, le vivier du GSPR pour les gendarmes, en un an et demi. Parmi eux, un capitaine au caractère trop trempé, dit-on. Un deuxième chargé de la protection d’une des filles de Brigitte Macron en raison de sa « proximité » jugée trop grande. Il assure aujourd’hui la protection d’un ambassadeur. Le troisième se serait mal comporté lors d’un voyage présidentiel au Tchad. Le président de la République l’a aussitôt remis à disposition du GIGN et est reparti en vol commercial et non en vol présidentiel depuis N’Djamena.

Côté policier, on compte un conducteur de l’écurie présidentielle renvoyé au SDLP, le vivier du GSPR pour les policiers. Promu brigadier, il est en arrêt-maladie depuis sa réaffectation.

Les attelages de commandement gendarmerie-police ne fonctionnent jamais

Les RH au GSPR n’obéissent pas toujours à leurs propres règles et l’égalité de traitement entre fonctionnaires peut varier. Un gendarme du président qui doit comparaître en mars prochain devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour un refus d’obtempérer bénéficie depuis mi-mars d’un emploi du temps privilégié. Il n’a travaillé que deux semaines depuis le délit, il reçoit l’intégralité de son traitement et perçoit la prime de cabinet de 1 500 euros au même titre que ses collègues actifs.

« Au GSPR, moins vous travaillez, plus votre prime de cabinet est importante, persifle une source interne. Un policier recruté par Benalla bénéficie d’une prime mensuelle de 2 000 euros alors qu’il ne travaille qu’une semaine sur trois. Même chose pour les officiers de sécurité personnels du président. Les autres officiers de sécurité qui travaillent quasiment tous les jours touchent une prime bien moindre. » Ce bonus est censé compenser les heures supplémentaires effectuées et les absences du domicile.

Le colonel de gendarmerie Benoît Ferrand et le commissaire divisionnaire de police Georges Salinas ne sont sans doute pas au bout de leur peine : « Les attelages de commandement gendarmerie-police ne fonctionnent jamais », prophétise un grand flic, ancien patron du GSPR. Pour lui, « cette réforme n’a pas été assez pensée. Sophie Hatt, l’ex-patronne du GSPR sous Hollande, l’avait compris. Elle n’a jamais laissé son adjoint, un gendarme, devenir numéro 1. Il a abandonné la partie à mi-course. »

Source : Le Point

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